On peut n’avoir jamais tourné à 10 points de moyenne sur une saison et voir son numéro rester à jamais dans l’éternité d’une franchise. Demandez à Tony Allen. L’arrière va voir son matricule 9 être retiré par Memphis, où il a évolué entre 2010 et 2017 avec un rôle essentiel de chien de garde défensif. Allen était l’image même du Grit and Grind, ce style à part des Grizzlies qui est passé à la postérité. Comme d’autres équipes, cette identité a traversé le temps, devenant parfois une véritable culture de franchise.
Grit and Grind – Memphis Grizzlies
Au début de la décennie 2010, les Grizzlies se remettent de la fin de l’époque Pau Gasol. Tout juste arrivé dans le Tennessee, Tony Allen impose sa patte, née des années de succès et d’exigence à Boston. Avant un match contre Oklahoma City, Rudy Gay annonce ne pas jouer le match, touché à l’orteil. « Ton orteil te fait mal ? Tu as claqué un moulin à vent hier soir, ton orteil ne te faisait… » avait évoqué l’arrière durant une conférence de presse en marge du Hall of Fame en 2017. Furieux contre son coéquipier, Allen avait sorti un des matchs de sa vie contre le Thunder de Kevin Durant. « Tout vient du coeur » avait-il réagi juste après le match, remporté par Memphis. « Grit. Grind. » En français, du courage, et du sale boulot.
L’expression est restée et a infusée au sein d’un groupe modelé pour jouer dur, agressif en défense et patient en attaque. Un style de jeu quasi anachronique pour la NBA des années 2010, de plus en plus portée vers le tir extérieur alors que les Grizzlies s’appuyaient en bonne partie sur le jeu poste bas de Zach Randolph ou de Marc Gasol.
- Pourquoi cela a marqué ? La philosophie sied à merveille à Memphis, ville de « cols bleus ». Et elle a permis à une équipe en reconstruction d’avoir son esprit à part, qui l’a emmené jusqu’en finale de la Conférence Ouest en 2013.
Showtime – Los Angeles Lakers
Quand Jerry Buss achète les Lakers en 1979, l’homme d’affaires ne veut pas seulement offrir du basket au public, mais un vrai divertissement, entre ce qu’offre le jeu universitaire et une atmosphère de salle de spectacle. La franchise californienne récupère alors le chef d’orchestre parfait : Magic Johnson. Le jeu ultra spectaculaire du meneur de jeu permet aux Lakers de courir à foison et de faire se lever la foule : le « Showtime » est né.
Avec Kareem Abdul-Jabbar pour alimenter la marque, James Worthy ou Michael Cooper en lieutenants de luxe, ou Pat Riley sur le banc, les Lakers redeviennent irrésistibles après n’avoir glané qu’un seule titre depuis les années 50. De 1979 à 1991, les Angelinos décrochent cinq bagues et impriment le « Lakeshow » dans les gênes de la franchise.
- Pourquoi cela a marqué ? Le talent fou de Magic Johnson en aurait fait une star n’importe où en NBA. Son style, son charisme et son sourire éclatant ont amené des paillettes sur le parquet dans la ville d’Hollywood.
Clutch City – Houston Rockets
Longtemps, Houston a été un des grands maudits du sport US. Quand lors des demi-finales de conférence de 1994, les Rockets s’effondrent deux fois de suite à domicile pour offrir aux Suns une avance de 2-0 avant de débarquer dans l’Arizona. Le quotidien le Houston Chronicle titre alors « Choke City », alors que la franchise texane faisait partie des favoris au titre pour la première année post-retraite de Michael Jordan. De quoi piquer au vif Hakeem Olajuwon et ses coéquipiers finalement vainqueurs de la série au match 7 décisif, sans s’effondrer une nouvelle fois. De ce déclic, les Rockets iront jusqu’à conquérir le premier titre de l’histoire de la franchise. « Clutch City » est né.
La saison suivante est bien plus poussive, jusqu’à l’arrivée de Clyde Drexler en cours d’exercice. Seulement 6e de la Conférence Ouest, le champion en titre s’offre Utah au premier tour en remportant les deux derniers matchs de la série après avoir été mené 2-1. Puis il fait plus fort encore au tour suivant, en renversant de nouveau Phoenix, après avoir été mené 1-3. Houston signe un doublé, et son caractère décisif devient un élément de l’ADN de la franchise.
- Pourquoi cela a marqué ? Pour Houston, ce qu’ont réussi les Rockets n’a pas seulement été un exploit, mais une libération, alors que les Oilers en NFL ou les Astros en MLB avaient par le passé gâché des occasions d’enfin amené un sacre à la ville. « Clutch City » est resté ancré, des maillots rendant hommage à cette période à la mascotte Clutch, née après la bague de 1994.
Seven seconds or less – Phoenix Suns
En engageant Mike D’Antoni comme entraîneur au cours de la saison 2003-2004, les Suns ne se doutaient sans doute pas de la petite révolution qu’ils allaient créé. Adepte du run-and-gun, D’Antoni pousse le concept plus loin encore en récupérant Steve Nash à l’été 2004. Avec le Canadien à la mène et des athlètes fantastiques comme Shawn Marion et Amar’e Stoudemire, D’Antoni théorise le « Seven seconds or less », sept secondes ou moins pour tenter un tir et surprendre la défense.
Cela va vite, très vite, souvent très haut aussi à la finition, et cela marche très bien. Dès sa première saison complète sur le banc, Mike D’Antoni permet aux Suns de grimper directement au sommet de la Conférence Ouest avec 62 victoires et une finale de conférence. Au fil des saisons, cette stratégie du tout pour la contre-attaque, sans deux vrais intérieurs en permanence sur le terrain va se révéler être un problème pour de nombreuses défenses et un plaisir pour de nombreux fans. Steve Nash en profitera pour décrocher deux titres de MVP, Boris Diaw celui de MIP, même si Phoenix ne parviendra jamais en finale avant le départ de D’Antoni en 2008.
- Pourquoi cela a marqué ? Cette philosophie a posé les premiers jalons du basket pratiqué durant l’actuelle décennie, avec des frontières de plus en plus poreuses entre les postes et l’utilisation du tir extérieur comme une arme importante en attaque.
Position-less Heat – Miami Heat
L’arrivée de LeBron James et de Chris Bosh à Miami a été un premier tremblement de terre sur la ligue en 2010. Après une première saison conclue par la défaite retentissante en finale contre Dallas, le Heat et son coach Erik Spoelstra tentent un coup de poker tactique : ne plus voir les joueurs sous le prisme de leur poste, mais de leur rôle. James occupe ainsi la place d’ailier-fort, mais loin d’un poste 4 traditionnel, occupant le poste bas pour profiter de son avantage athlétique, comme pour pouvoir créer. Et plutôt que de s’astreindre à jouer avec un vrai pivot près de l’arceau, le décalage de Chris Bosh au poste 5 ouvre de nouvelles perspectives à l’attaque floridienne par sa capacité à écarter le jeu.
« Nous devons voir cette équipe avec un autre angle de vue » explique alors à ESPN Erik Spoelstra. « Quand nous essayons de penser de manière conventionnelle et de mettre les joueurs dans certaines cases, cela nous fait vraiment du tort. Nous avons développé ce terme de position-less (sans position) pour qu’ils puissent comprendre notre polyvalence et comment nous devons jouer. » Cette nouvelle version du Heat a totalement déverrouillé son potentiel, amenant la franchise à deux titres en 2012 et 2013.
- Pourquoi cela a marqué ? Cette vision nouvelle du jeu et de comment l’aborder associée à son succès a amorcé une nouvelle ère stratégique en NBA. Les intérieurs dans le moule de Chris Bosh, alors une anomalie, sont devenus légion. Et ce position-less basketball a aussi offert au monde ce qui reste sans doute la version la plus complète de la carrière de LeBron James.
Bad Boys – Detroit Pistons
Detroit figure déjà parmi les solides équipes de la Conférence Est lors de la première moitié des années 80, mais ne parvient pas à passer un cap. Une nouvelle élimination au premier tour des playoffs 1986 contre des Hawks trop costauds sert de révélateur : les Pistons doivent axer leur jeu sur une défense dure, rugueuse même. Le surnom de « Bad Boys » s’impose de lui-même, sans que la franchise n’en soit réellement à l’initiative.
Cette étiquette de « méchant » du film qu’est la NBA s’est imbriqué avec le jeu de la franchise du Michigan au fil des attaques étouffées et des coups distribués. Le summum des Bad Boys restera sans doute leur traitement de faveur sur Michael Jordan, alors que l’ennemi Chicago montait en puissance, porté par la nouvelle star de la ligue. Pour arrêter « MJ », Detroit adopte le quoi qu’il en coûte, flirtant largement au-delà des limites du règlement, voire du respectable : les fameuses « Jordan Rules« . Cette atittude restera tout de même celle qui a amené les deux premiers titres de l’histoire des Pistons en 1989 et 1990.
- Pourquoi cela a marqué ? Dans une NBA qui se voulait de plus en plus policée et marquée par l’élégance du showtime des Lakers, les mauvais garçons de Detroit dénotent. Mais comme tout film, il fallait à la ligue son antagoniste, surtout quand il jouait aussi bien au basket, au-delà de son vice.