« C’est ce qui caractérise les équipes. Ce ne sont pas seulement les joueurs que vous observez de façon individuelle, mais comment leurs qualités se combinent pour pouvoir obtenir non seulement un effet additif, mais aussi les retombées de toutes les autres choses qu’elles vous permettent de faire. Défensivement, nous avons l’opportunité de combiner beaucoup de talents, qui peuvent rendre les choses très difficiles pour ceux qui nous affrontent. »
Dans son style, Sam Presti avait prévenu avant l’ouverture de la saison : avec les arrivées d’Alex Caruso et Isaiah Hartenstein aux côtés de Lu Dort, Jalen Williams, Chet Holmgren, Cason Williams, Shai Gilgeous-Alexander et compagnie, la très dynamique défense d’Oklahoma City allait faire vivre l’enfer à ses adversaires.
Pousser l’adversaire dans des situations inconfortables
Et quasiment au tiers de la saison, les résultats sont bien là puisque Oklahoma City est la meilleure défense de NBA, avec 103.4 points encaissés sur 100 possessions. Et une marge confortable sur les Rockets (105.4).
Comment les hommes de Mark Daigneault font-ils, alors qu’ils doivent actuellement évoluer sans leur meilleur protecteur du cercle, Chet Holmgren, et qu’ils ont également longuement attendu Isaiah Hartenstein ? Réponse : avec une armée de joueurs interchangeables, qui mettent la main sur le ballon à un rythme presque historique…
En lâchant Josh Giddey pour récupérer Alex Caruso, le Thunder a ainsi effacé le dernier gros point faible défensif de sa rotation. Une rotation large (12 joueurs à plus de 10 minutes par match) qui permet un effort constant, dans le but de harceler les stars adverses, souvent obligées de déléguer la création à leurs « role players ».
Car alors que beaucoup de très bonnes défenses dans la NBA actuelle visent à pousser l’adversaire vers les shoots les moins efficaces, la défense du Thunder cherche de son côté à placer ses adversaires dans des « situations » inconfortables. En poussant notamment les « role players » à beaucoup plus créer de jeu qu’ils n’y sont habitués.
Un taux d’interceptions historique
Le résultat, c’est que Oklahoma City provoque 19.2 balles perdues chez l’adversaire en moyenne par match depuis le début de la saison. Historiquement, ce n’est « que » la 178e marque de l’histoire, mais les autres datent globalement des années 70 et 80, à une époque où le nombre de turnovers était beaucoup, beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui.
Au milieu des années 1970, les équipes NBA perdaient ainsi quasiment 21 ballons par match, contre moins de 15 à l’heure actuelle. Soit presque un tiers de moins…
Pour comparer réellement les performances en termes de « vol » de ballon des joueurs d’Oklahoma City, il faut la mesurer à la moyenne de l’époque. Résultat : le Thunder surpasse de 29.7% le taux d’interceptions (nombre d’interceptions sur 100 possessions) moyen cette saison. Une seule équipe fait mieux dans l’histoire : les Celtics de 1997/98, avec une marge de 32.9%. Les plus anciens se souviennent qu’il s’agit de l’arrivée de Rick Pitino à la tête de Boston, qui avait importé ses méthodes universitaires, et notamment une press tout-terrain quasiment constante.
Surtout, parmi les 25 équipes qui surclassent le plus leurs contemporains au taux d’interceptions, il n’y a pas que de grandes défenses, bien au contraire. Le Boston de Rick Pitino volait ainsi des valises de ballons, mais n’était que 16e à l’efficacité offensive en 1997/98. Pour une 12e place (36-46) de l’Est et pas de playoffs.
Parmi les exemples récents, on retrouve les Bulls (+27.3%) de Jim Boylen en 2019/20, qui avait mis en place une défense extrêmement agressive sur le porteur du ballon, pour une 12e place à l’efficacité défensive.
Une stratégie construite, pas kamikaze
Il y a également les Bucks (+19.6%) de Jason Kidd, pour sa première année comme coach dans le Wisconin, en 2014/15. Pour le coup, ça avait plutôt bien fonctionné, avec la 4e efficacité défensive sur la saison. Sauf que l’agressivité réclamée à Giannis Antetokounmpo, Khris Middleton et compagnie en défense n’avait surpris les adversaires qu’un temps et le soufflé était donc retombé dès l’année suivante, les efforts n’étant pas tenables.
Ce qui marque donc, avec cette version du Thunder, c’est donc cette extrême capacité à intercepter les ballons, sans qu’il s’agisse d’une stratégie kamikaze. Sur 100 possessions, Oklahoma City a ainsi 3 des 11 meilleurs intercepteurs de la saison : Alex Caruso (1er), Cason Wallace (6e) et Jalen Williams (11e). Et ils ne volent pas des ballons parce qu’ils se jettent sur les lignes de passe, quitte à découvrir leurs arrières et à exposer leurs coéquipiers, ils les volent en position défensive, parce qu’ils ont de très bons instincts de ce côté du terrain, évidemment, mais également souvent parce les adversaires se sont engagés dans des zones que la défense d’OKC surcharge au bon moment.
La différence de l’efficacité défensive (+8.4) de ce Thunder par rapport à la moyenne est ainsi exceptionnelle.
Finalement, il n’y a qu’une seule équipe qui se rapproche sur le plan statistique de ce que la troupe de Mark Daigneault accomplit sur ce début de saison : les SuperSonics de 1993/94 du duo Gary Payton – Nate McMillan.