Dans une lettre oubliée dans les colonnes de Players’ Tribune, Rudy Gobert se confie comme il ne l’avait jamais fait auparavant, et à quelques jours des playoffs, le pivot des Wolves revient sur plusieurs passages marquants de sa vie. Des moments-clés de sa vie qui permettront au grand public de mieux comprendre qui est Rudy Gobert, le joueur et l’homme. Le pivot français explique que cette démarche est née l’année dernière, en tout fin de saison, lorsqu’il a décidé de partir en retraite dans l’Oregon. Loin de tout, sans téléphone, ni même livre. Juste lui et ses pensées.
Parmi ses pensées, le joueur des Wolves revient sur le racisme subi par sa mère, de la part de sa propre famille. « C’est un souvenir douloureux, mais que je dois partager. Vous voyez, chaque année, le côté maternel de la famille organisait ce grand dîner de Noël chez une certaine personne. Ma mère est blanche. Mon père est noir. Il est originaire de Guadeloupe et il était basketteur professionnel en France lorsqu’ils se sont rencontrés. Ma mère avait déjà deux enfants blancs issus de sa précédente relation, et puis je suis venue au monde… » détaille Gobert. « Et pour certaines personnes, c’était un problème. Après ma naissance, certains proches lui ont fait comprendre qu’elle n’était plus la bienvenue au réveillon de Noël si elle m’amenait. »
Une relation fusionnelle avec sa mère
Dans ce récit, le probable Défenseur de l’année développe sa relation avec sa mère. Elle l’a protégé du racisme, mais aussi elle s’est battue pour joindre les deux bouts, lorsque le père de Rudy est retourné en Guadeloupe. Rien n’a été facile pour les Gobert.
« L’un de mes premiers souvenirs est celui d’être allé avec ma mère dans un petit magasin que cet organisme de solidarité tenait le week-end. Pour une raison quelconque, c’était une période moins florissante pour nous, et vous pouviez obtenir des produits d’épicerie gratuits et des trucs comme ça » se souvient l’ancien joueur du Jazz. « Pendant les vacances, ils avaient toute une table de jouets qui étaient offerts à tous les enfants. Ma mère m’a dit que je pouvais choisir tout ce que je voulais pour mon cadeau de Noël. Je me souviens avoir choisi ce jouet vraiment cool et j’avais peut-être six ou sept ans. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à réaliser à quoi ressemblait ma vie à l’époque, comparée à celle des autres enfants, et à ressentir ce sentiment de bonheur, mêlé de tristesse, mêlé de faim. »
Un peu plus tard, Rudy Gobert commence à jouer et doit faire des sacrifices pour réaliser son rêve de faire du basket sa vie. Son rêve de fouler un jour un parquet NBA, comme ses joueurs préférés, doit passer par quitter le foyer familial et sa mère.
« Quelques mois après mes 13 ans, j’ai eu l’opportunité d’intégrer un centre de formation basket dans une ville appelée Amiens, un peu plus loin de ma ville natale, Saint-Quentin. Dans mon esprit, cette opportunité était le moyen pour moi de poursuivre mon rêve et de me mettre dans une situation où je pourrais m’améliorer chaque jour. Nous avions deux ou trois entraînements par jour, plus l’école. Comme Amiens était loin de chez moi, je ne rentrais que le week-end. Je savais que ce ne serait pas facile, mais j’ai senti que c’était nécessaire et j’ai pris ma décision. […] Mes frères et sœurs étaient déjà partis à l’université et j’étais le seul enfant à la maison avec maman. Ce n’est que des années plus tard que j’ai réalisé à quel point il était difficile pour ma mère de voir son plus jeune enfant quitter la maison à cette époque. »
Les larmes de 2019
Le racisme, la précarité, et l’éloignement familial permettent aujourd’hui de comprendre ce qui lui était arrivé sur cette fameuse séquence à l’annonce des joueurs sélectionnés au All-Star Game 2019. Les larmes de Gobert, c’était la volonté de protéger sa mère, l’amour et les sacrifices pour son rêve et pour le jeu.
« Quand c’est arrivé, j’ai été pris au dépourvu. J’avais un tas de caméras devant moi après notre entraînement et j’ai commencé à dire aux journalistes que c’était ma mère qui m’appelait pour m’annoncer la nouvelle » explique le pivot de l’Equipe de France. « Comme elle a commencé à pleurer au téléphone avec moi, et pour une raison ou une autre, j’ai lâché prise. C’est ce qui arrive parfois à tout le monde, je pense, quand on parle de sa mère… »
Que ce moment ait été détourné, moqué ou raillé sur les réseaux sociaux importe peu finalement pour Gobert. C’était un moment vrai. Un moment comme il devrait en avoir un peu plus dans le basketball. Cela ne rentre pas dans le divertissement, l’entertainment à l’américaine. Mais c’était un moment d’émotion sincère, peu importe les réactions sur les réseaux sociaux.