On n’a sans doute pas assez parlé de Rick Carlisle. On l’a sans doute sous-estimé. Il faut dire que même s’il a réussi partout où il est passé, le coach des Mavericks n’avait jamais pu gravir cette dernière marche si importante. Et on se souvient aussi qu’il fut totalement dominé par Gregg Popovich l’an passé, en playoffs.
Sauf que, cette fois, Rick Carlisle a donné la leçon à tout le monde. Et sa Finale est un modèle de coaching. Analyse avec l’aide de l’excellent NBA PlayBook.
Première phase : les difficultés et les questions
La Finale 2011 peut se découper très simplement en deux phases. Les trois premiers matchs, Dallas est dominé pendant la grande majorité des rencontres. Gênés par l’extraordinaire mobilité défensive des joueurs du Heat, les Mavericks sont dans la réaction, tout comme leur coach.
Vexés dans le dernier quart-temps du deuxième match, Dirk Nowitzki et les siens haussent le ton et profitent de leur expérience, de leur sang-froid et de la confiance engrangée tout au long des playoffs pour arracher le Game 2. C’est un véritable hold-up, d’autant que Miami a accumulé les erreurs. Mais cela permet à Dallas de rester en vie dans cette Finale.
Pour Rick Carlisle, la période est compliquée. L’entraîneur texan doit faire face à une multitude de questions et voit que les solutions des tours précédents ne marchent plus. Pour l’heure, il tente surtout d’effacer les plus gros problèmes.
Brian Cardinal à la place de Peja Stojakovic
En démarrant sa série face au Heat, Rick Carlisle a gardé son cinq et les rotations précédentes. Le coach des Mavs a toujours expliqué que la stabilité (qui lui manquait ces dernières années à Dallas) était une clef du succès et de la confiance des joueurs. Et qu’il ne faut changer que lorsqu’on y est obligé.
Ainsi, Peja Stojakovic, essentiel jusque là (25 minutes de temps de jeu en moyenne), était naturellement très utilisé par Rick Carlisle lors du premier match. Sauf qu’on s’est vite rendu compte, côté texan, que l’ailier posait des soucis.
Défensivement, il n’y avait personne sur qui il pouvait défendre. LeBron James était trop vif pour lui tandis que Chris Bosh pouvait sans difficulté le dominer au poste. Le Serbe représentait donc un problème défensif. Cela n’aurait pas été gênant s’il avait continué à produire en attaque, sauf que la défense de Miami le gênait beaucoup. Car Erik Spoelstra avait bien étudié le jeu de ses adversaires.
Au lieu de demander à ses joueurs de couper les lignes de passe, comme les précédents adversaires de Dallas, le coach floridien leur expliquait qu’il fallait se retrouver sur les positions de shoot. Pas habitués à ça, gêner par la mobilité adverse, Dallas bégayait offensivement, et en particulier Peja Stojakovic, qui n’est plus guère qu’un catch-and-shooteur.Rick Carlisle décidait alors d’utiliser Brian Cardinal à sa place, plus à même de défendre sur Chris Bosh, en rotation de Dirk Nowitzki. Et ça marchait, comme le montrent ces graphiques de NBA PlayBook.
Sur l’influence de Peja Stojakovic (-11) lors du premier match.
Ou celle de Brian Cardinal (+18) lors du sixième match.
Ce changement dans la rotation fut le premier choix payant de Rick Carlisle.
Deuxième phase : passer à l’offensive
Mais si l’entraîneur gommait petit à petit ce qui n’allait pas, il voyait bien que son équipe n’était jamais maître des matchs. Sans l’exploit du Game 2, Dallas aurait ainsi pu être mené 3-0 et la série aurait alors été officiellement close.
Menés 2-1, les Mavericks étaient toujours dans une position délicate, mais pas sans espoir. Rick Carlisle savait qu’il devait faire quelque chose. Défensivement, il n’y avait pas vraiment de souci puisque Shawn Marion faisait un gros travail sur LeBron James et que le Heat n’avait jamais marqué plus de 100 points.
C’était offensivement que le problème se posait. L’attaque des Mavericks était statique et ne reposait que sur les exploits de Dirk Nowitzki. Les autres joueurs n’avaient pas leurs positions habituelles et le mouvement du ballon, si efficace aux tours précédents, se grippait.
La solution ? Insérer J.J. Barea dans le cinq de départ. Le choix semblait très risqué car le lutin n’avait pas été très adroit depuis le début de la série, manquant souvent des lay-ups à sa portée. Mais, en décalant Jason Kidd au poste 2, Rick Carlisle s’offrait deux possibilités de création, et pouvait ainsi attaquer la défense du Heat sur deux fronts. Surtout que cela créait un mismatch (déséquilibre en un-contre-un) très intéressant en termes de vitesse face à Mike Bibby, chose que le Heat mettra longtemps à compenser. Dès les premières minutes du match 4, le choix se révéla payant, et il fut une des clefs de la réussite future de Dallas.
Moins de Dirk Nowitzki, plus de problèmes
Régler le problème offensif des siens était donc la priorité de Rick Carlisle. Remplacer DeShawn Stevenson par J.J. Barea dans le cinq permettait de régler une partie du casse-tête, en plus de redonner confiance au Porto-Ricain. Mais le coach des Mavs alla plus loin en modifiant une partie de son attaque.
Alors que celle-ci était devenue prévisible avec trop d’isolations sur Dirk Nowitzki, l’entraîneur prit le pari, risqué, de faire confiance aux lieutenants. Mais il n’avait pas vraiment le choix.
Comme le montrent ces vidéos mises en ligne par l’indispensable NBA PlayBook, Rick Carlisle éloigna de plus en plus souvent Dirk Nowitzki de l’action pour permettre aux autres joueurs, et notamment Tyson Chandler, d’être impliqué offensivement. Le Heat n’était pas préparé à ça dans le Game 4. Lorsque Dallas joua le pick-and-roll avec Dirk Nowitzki lors de ce match, la défense du Heat savait quoi faire et n’encaissa que 2 points sur 9 essais.
Lorsque c’est Tyson Chandler qui était mis dans cette situation, Miami, surpris, encaissa 16 points sur 10 tentatives. Efficace.
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La zone, un outil à utiliser avec précaution
Dallas était une des équipes qui utilisait le mieux la défense de zone en saison régulière. En Finale, beaucoup d’observateurs s’attendaient à ce que les Mavericks utilisent beaucoup cette arme pour bloquer les pénétrations de Wade et LeBron. Mais Erik Spoelstra s’y attendait aussi et avait visiblement mis en place la parade.
Dans le premier match, à chaque fois que Dallas se mettait en position pour défendre en zone, Miami arrivait à faire le décalage, notamment sur Mario Chalmers. Et, sur ces séquences, les Mavericks laissaient énormément de rebonds offensifs. Rick Carlisle a vite compris que cette défense marchait très peu, et l’a donc peu utilisée lors des matchs suivants. Mais le coach texan a fait ce qu’il devait faire, en l’utilisant quand il le fallait.Plus question donc de défendre en zone n’importe quand, Dallas allait utiliser cette technique à dose homéopathique, mais en privilégiant l’efficacité. Ce fut ainsi le cas lors du match 6.
Après avoir encaissé 20 points dans les 6 premières minutes du match, les Mavericks ont alors décidé d’utiliser la zone. Et, une nouvelle fois, ça a fonctionné puisque le Heat n’a plus marqué que 7 points dans le reste du quart-temps, relançant de fait ses adversaires.
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Dallas avait alors pris le contrôle du match, surtout grâce à cette défense de zone qui déstabilisa l’attaque adverse, pourtant très en verve dans les premières minutes.
Finales 2011 : le chef d’oeuvre de Rick Carlisle
Si on parle de chef d’oeuvre, c’est parce que ces Finales représentent l’aboutissement d’un parcours quasi-parfait en playoffs. Depuis le début, Rick Carlisle avait su utiliser ses armes. En Finales, il s’est retrouvé dans une situation encore différente, dominé durant 3 rencontres, face à des problèmes offensifs complexes et des stratégies adverses efficaces.
Et le coach des Mavericks a fait tout ce qu’il fallait. D’abord, il a rapidement sorti un Peja Stojakovic inefficace de la rotation, le remplaçant par Brian Cardinal alors que beaucoup auraient persisté dans leurs habitudes. Ensuite, il a compris que la zone ne marchait pas sur la distance et qu’il était préférable de l’utiliser comme élément déstabilisateur plutôt que comme stratégie à part entière.
En fin de match, ou à des moments où son équipe n’était pas bien, la technique a fonctionné et a souvent fait dérailler l’attaque adverse. Et dès qu’elle ne fonctionnait plus, on changeait.
Enfin, il a totalement revu sa méthode offensive, insérant J.J. Barea dans le cinq pour décaler Jason Kidd au poste 2 et ainsi multiplier l’imagination offensive de son équipe. En plus de cela, il a investi ses seconds rôles de plus de responsabilités pour surprendre la défense de Miami et la déborder.
Il faut du courage pour changer de méthode comme ça, en plein milieu d’un défi si important. Il faut du talent pour trouver des solutions efficaces. Il faut du charisme pour rallier ses joueurs, pas toujours très convaincus. Des éléments qui prouvent que Rick Carlisle est définitivement un très grand coach.