C’est le soulagement parmi les fans et les commentateurs : le feuilleton Carmelo Anthony est terminé. Après avoir tenu en haleine la planète NBA pendant plusieurs mois, on est maintenant fixé : la superstar rejoindra New York et Amar’e Stoudemire.
Mais qu’il a été difficile d’en arriver là. Les négociations des Nuggets avec les Nets d’une part, les Knicks d’autre part ont été complexes et difficiles, et il a même fallu “inviter” Minnesota pour trouver un accord. En fait, Le deal est à l’image des négociations.
Et pour vous permettre d’y voir plus clair, Basket USA s’appuie sur sa série d’articles en 2010 sur les règles des contrats et des trades NBA et vous propose de comprendre les tenants et aboutissants de l’accord final.
Le deal
Le détail du transfert a été annoncé dans la nuit de lundi à mardi, et nous l’avions couvert dans les heures qui avaient suivies. Complété dans la nuit de mardi à mercredi, il impliqué désormais de 13 joueurs, 6 millions de dollar, un premier tour de draft et trois second tours de draft. Comme nous l’avions dit plus tôt, il égale le record du nombre de joueurs dans un échange .
Le tableau suivant synthétise les échanges.
Vers Depuis |
Denver | New York | Minnesota |
Denver | Carmelo Anthony, Chauncey Billups, Shelden Williams, Anthony Carter, Renaldo Balkman |
Second tour de draft (2015) | |
New York | Raymond Felton, Danilo Gallinari, Wilson Chandler, Timofey Mozgov 1er tour de draft (à partir de 2014) 3 millions de dollar 2 second tours de draft (2012, 2013) |
Eddy Curry, Anthony Randolph 3 millions de dollars |
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Minnesota | Kosta Koufos | Corey Brewer |
On le voit, tout l’arsenal disponible pour les échanges a été utilisés : des joueurs “productifs”, des joueurs dont le seul attrait est le contrat expirant (Eddy Curry), des tours de drafts et même du cash.
Les contraintes imposées par l’accord collectif
Les trades sont encadrés par l’accord collectif (CBA), que nous avions présenté l’été dernier. Il précise notamment les contraintes sur les salaires reçus et les salaires envoyés dans le cadre d’un échange.
Une équipe au dessus du salary cap ne peut aussi accueillir des joueurs qu’à condition que leur salaire ne représente pas plus de 125% + $100,000 des salaires envoyés.
Même dans le cadre d’un échange à trois, le cas individuel de chaque équipe doit être considéré individuellement, à la lumière de cette règle.
Le trade du point de vue de Minnesota
Nous commençons par Minnesota, l’invité surprise du deal. Le tableau suivant synthétise les chiffres des salaires (en millions de dollar) à prendre en compte.
Reçoit | Envoie | Différence | Masse salariale (avant) | Masse salariale (après) | |
Minnesota | 13,2 | 5,0 | 8,2 | 47,0 | 55,2 |
Les Timberwolves accueillent le gros contrat de Eddy Curry, ainsi que celui beaucoup plus raisonnable de Anthony Randolph.
Premier élément important : le cash (3 millions) ne rentre jamais en compte dans le calcul de l’équilibre. Il n’est donc pas mentionné dans le tableau.
Deuxième élément : la franchise accueille un salaire largement plus important que ceuxqu’elle envoie (Corey Brewer et Kosta Koufos), ce qui pourrait sembler en contradiction avec les contraintes mentionnées plus haut. Mais les Wolves étant sous le salary cap, ils sont libres de réaliser les transactions qu’ils souhaitent, tant qu’ils limitent leur masse salariale à 58 millions de dollars. Pour la même raison, ils ne bénéficient pas d’une Traded Player Exception.
Pour accueillir Eddy Curry, les Wolves devront lui régler son salaire jusqu’à la fin de la saison, au pro rata du nombre de jours restant en saison régulière, soit environ 3,85 millions de dollar. Ce contrat plombé aura donc été vraiment à la charge des Knicks, la nouvelle équipe ne devant en régler que quelques miettes. Le contrat expirant à la fin de la saison, la franchise retrouve tout sa liberté à partir du 1er juillet.
Le trade du point de vue de Denver
Reçoit | Envoi | Différence | Masse salariale (avant) | Masse salariale (après) | |
Denver | $17,3 | $33,7 | -$16,4 | $82,4 | $66,0 |
La différence entre salaires reçus et salaires envoyés est de 17 millions de dollars ! Pour Denver, l’opération est clairement financière.
Les Nuggets passent grâce à l’opération en dessous de la limite de la luxury tax, et gagnent sur trois tableaux :
- ils réalisent une économie sur les salaires
- ils doublent cette économie en ne payant plus la luxury tax. Rappelons qu’une franchise doit régler 1 dollar à la ligue pour dollar en salaire versé au delà de la limite.
- Ils bénéficient dès cette saison du système de redistribution des gains de la luxury tax. Comme nous l’avions expliqué (référence), une partie des montants payés en luxury tax sont redistribués aux équipes vertueuses, pour encourager la modération salariale.
Les Nuggets économise donc potentiellement plus de 35 millions de dollar par saison.
Enfin, les Nuggets reçoivent une Traded Player Exception de 17,15 millions de dollars dans l’échange, soit la plus importante de l’histoire de la NBA. Ils auront donc 1 an pour l’utiliser et éventuellement accueillir des joueurs avec des salaires conséquents.
La différence entre les 17 millions de différence de salaire et les 17,15 millions de Traded Player Exception est dû à la manière dont l’échange est découpé : du point de vue des Nuggets Melo est envoyé sans contrepartie, et l’exception représente la totalité de son salaire.
Le trade du point de vue de New York
Reçoit | Envoie | Différence | Masse salariale (avant) | Masse salariale (après) | |
New York | $37,4 | $29,2 | $8,1 | $58,5 | $66,6 |
D’une masse salariale juste sous la limite du salary cap, New York passe à un budget joueur à la limite de la luxury tax. Le contrat de Curry permet de ne pas faire pire, dans la mesure où Anthony et Billups représentent à eux deux 30,3 millions de dollars cette saison.
En y regardant de prêt, un élément est surprenant dans cet échange : le montant des salaires reçus est de 37,4 millions, mais le montant théorique autorisé est de 29,3 * 125% + 0,1 = $36,73m. Les Knicks ne respectent pas la règle exposée plus haut. Comment est-ce possible ?
La réponse tient en une nouvelle exception : lorsqu’on analyse l’équilibre d’un transfert (la règle des 125% + $100k), on n’inclut pas les joueurs payé au salaire minimum. En gros, ces joueurs ne sont simplement pas pris en compte dans un échange.
Si on enlève les montants pris en compte pour Shelden Williams et Anthony Carter, on arrive à un montant envoyé de $35,7m. On est bien sous la limite, l’honneur est sauf.
C’est l’histoire d’un pick de draft…
Dernier élément significatif de l’échange, le premier tour de draft envoyé par New York à Denver. Il existe une règle appelé “Stepien Rule” qui précise qu’une équipe ne peut se séparer de deux futurs premiers tours de draft consécutifs.
A la suite de l’échange de Tracy McGrady vers Houston, le premier tour de draft 2012 de New York a été envoyé à Houston. Donc que ni le premier 2011 ni le premier tour 2013 des Knicks ne peuvent être échangés. Le premier “premier tour” disponible est donc celui de 2014.
Mais l’accord Knicks/Houston a inclus une restriction : le tour de draft 2012 est échangé, sauf s’il est parmi les 5 premiers choix. C’est ce qu’on appelle un pick de draft protégé (ici top 5 protected).
Dans ce cas, c’est le premier tour de draft 2013 qui serait envoyé aux Rockets. Mais ce pick est lui-aussi “top 5 protected“, et de la même manière jusqu’à 2015. Si tous les picks de draft de New York entre 2012 et 2015 sont dans le top 5, les Rockets récupèreront les seconds tour de draft 2015 et 2016.
Même si ce cas de figure est hautement improbable, cela signifie que le tour de draft des Knicks peut être transféré vers les Rockets en 2012, 2013, 2014 ou 2015.
Pour respecter la Stepien Rule, le premier tour de draft des Knicks transféré dans le cadre de l’accord “Carmelo Anthony” sera au plus tôt en 2014, mais sera en fait le premier disponible entre les drafts 2014, 2015, 2016 ou 2017.