Des frangins en NBA, c’est fréquent. Aujourd’hui, il y a les jumeaux Lopez et Morris, ou bien sûr les Gasol. Hier, il y avait les Barry, Jon, Brent et Drew, ou les Grant et les Wilins. Au milieu des années 90, Mark Price et son frère cadet Brent furent brièvement coéquipiers sous le maillot des Washington Bullets.
Automne 1996. Dans une équipe des Rockets qui possède tellement de stars qu’elle pourrait ouvrir son propre Hall of Fame, tous les yeux sont braqués sur Hartley Brent Price. Le n°20 peut-il shooter aussi bien que Sam Cassell ? Est-il capable de passer aussi bien que Kenny Smith ? Peut-il être le meneur titulaire d’une équipe qui souhaite retrouver au plus vite les sommets ?
Après avoir échoué dans sa quête d’un troisième titre consécutif (sweep face aux Sonics en demi-finales de Conférence Ouest), Houston a procédé à un grand ménage. Les Rockets ont cédé Sam Cassell, Robert Horry, Chucky Brown et Mark Bryant à Phoenix pour obtenir Charles Barkley. Ils ont aussi signé l’intérieur Kevin Willis, coupé en juin précédent par les Warriors et donc libre. Sur le papier, les Texans font peur. Houston espère secrètement créer une version moderne du showtime avec Clyde Drexler, « Sir Charles » et Hakeem Olajuwon en maîtres artificiers.
Reste le cas Brent Price. L’homme qui détient le pouvoir de faire décoller la fusée est un meneur de 1,85 m et 75 kg avant tout connu pour être le petit frère du point guard des Warriors Mark, quatre fois All-Star sous le maillot de Cleveland entre 1989 et 1994 et membre de la « Dream Team » II pour les championnats du monde 1994 au Canada, avec une médaille d’or à la clé.
Brent fait 2 cm de plus que Mark. Plus grand, il est aussi plus costaud. C’est un shooteur silencieux qui détient le record NBA pour le nombre de tirs à 3 points réussis consécutivement (13 sur trois matches du 15 au 19 janvier 1996, deux de plus que les 11 de Scott Wedman et Jeff Hornacek). Les Rockets ont signé le cadet des Price en tant que free-agent.
Drafté en 1992 (32e choix) par les Bullets, futurs Wizards, Brent a passé les quatre premières années de sa carrière pro dans la capitale fédérale, avec une saison blanche en 1994-95 pour cause de genou H.S. Il fut coupé par Washington le 19 avril 1995 mais resigné en octobre suivant. A son arrivée dans le Texas, il totalise 214 matches NBA dont 72 comme titulaire. L’exercice 1995-96 a vu le frangin de Mark tourner à 10 points et 5.1 passes de moyenne sur un peu plus de 25 minutes. Aussi, ils sont plusieurs à penser que le champion NBA 1994 et 95 a réalisé une excellente affaire.
Brent est un garçon qui fait peu de bruit mais beaucoup de dégâts. Sur les 50 matches démarrés dans le cinq de départ des Bullets, il s’affichait précisément à 13.4 points, 6.7 passes, 48.4% de réussite aux tirs et 88% aux lancers francs. Ironie du sort, Brent saisit sa chance lorsque Mark, alors chez les Bullets, dut se résoudre à faire soigner deux graves blessures au pied. Un très mauvais coup du sort : les deux frères s’apprêtaient à disputer leur première saison sous les mêmes couleurs. Le malheur de l’un fit le bonheur de l’autre…
Pour autant, les Price ne sont pas interchangeables. Brent n’a pas la vitesse de Mark ni sa capacité à lancer des contre-attaques. Mais comme lui, c’est un sacré shooteur. En 1996, il sort d’un exercice à 47.2% aux tirs, 46.2% derrière l’arc (n°6 NBA) et 87.4% aux lancers francs (n°5 NBA).
Tu rates un shoot ? Tu sors !
Brent a bossé ses fondamentaux dans les gymnases de l’Oklahoma et du Texas. Il a deux frères, Mark et Matt. C’est le cadet. Le papa, Denny, a été coach. Dans la famille Price, tout le monde joue ou a joué au basket. Des matches 2 contre 2 opposaient régulièrement la paire Denny-Brent au duo Mark-Matt. Les trois frangins se livraient des duels sans merci. Du un contre un des familles ! Celui qui marquait conservait le ballon. Celui qui manquait un panier était aussitôt remplacé par le troisième frère.
« C’était la grosse compétition ! », se souvient Mark.
Matt n’a pas oublié l’époque où papa avait besoin de deux joueurs pour former des équipes pour un camp de basket organisé derrière l’église. Denny aligna Matt dans une équipe et incorpora Brent dans l’autre. Il leur demanda de passer la balle aux autres joueurs et de déguerpir pour les laisser s’étriper.
« Si je m’en rappelle ? Oh que oui ! Ce n’était pas mon jour de fierté », glisse Brent.
« Ça saignait de partout », précise Mark en se remémorant les matches-up. « Pas de sang ? Pas de faute ! Notre père était le genre de gars qui refuse de perdre. Un jour, notre mère lui a demandé : « Pourquoi ne laisses-tu pas Mark et Matt gagner juste une fois ? » Il lui a répondu que notre jour viendrait. Je ne sais pas s’il comptait nous laisser gagner juste une fois histoire de nous donner le goût de la compétition. »
« Je me rappelle avoir contenu mes larmes sur la ligne des lancers francs », explique Brent. « Je ne sais pas si c’était uniquement à cause de notre père mais tout le monde voulait être compétitif. Nous avons toujours été comme ça. Denny a toujours eu le même comportement. Tu jouais aux dominos contre lui ? Il voulait te battre à tout prix. On allait à l’église en prenant deux voitures ? Tu pouvais être sûr qu’il allait tout tenter pour rentrer à la maison avant toi, en faisant la course. La compétition, toujours… »
Le basket occupe à temps plein la vie des Price mais ce n’est pas leur religion. La famille est très croyante. Profondément chrétienne. Mark et Brent comptaient poursuivre ensemble une carrière de chanteurs religieux après le basket (Brent interpréta l’hymne américain avant la dernière rencontre de saison régulière Sacramento-Golden State au printemps 2002 et avant un Bullets-Cavaliers en mars 1993). C’est avec la même foi, la même dévotion, le même engagement qu’ils se sont consacrés à la balle orange. Denny et Ann, prof de piano et grande fan d’Elvis Presley, ont élevé leurs fils dans le respect de ces valeurs-là. Les trois sont allés à la fac. Au milieu des années 90, deux sont donc devenus joueurs en NBA.
« On se rend compte aujourd’hui de la chance qu’on a eue », avance Brent. « Nos parents nous ont élevés dans l’amour et la discipline. Beaucoup de gens pensent que le basket est la seule chose importante pour nous. Mais la seule qui importe réellement, c’est la prière. Aucun doute là-dessus. Si les portes d’une église étaient ouvertes, on y entrait. Nous avons toujours su que nos parents seraient là pour nous. Je n’ai jamais eu besoin de modèle parce que j’en avais un à la maison. Nos parents nous emmenaient à l’église et nous lisaient la Bible. Ça ne suffisait pas encore. On a étudié la façon dont ils vivaient. Nous voulions avoir exactement la même vie. »
Denny Price fut une légende d’un lycée d’Oklahoma. Un jour, il planta 42 points dans un tournoi de l’Etat. Le record tiendra 30 ans. C’est Mark qui le fit tomber ! Joueur à Oklahoma City puis dans la « seconde division » de la NBA à l’époque, Denny passa sa vie à coacher des lycéens et des universitaires. Il était surtout réputé pour être un expert de la gestuelle. En 1995, l’arrière de Cleveland Bobby Phills (R.I.P.) resta quelques jours avec lui afin de perfectionner son tir. Brent fit de même. Après toutes ces années, Denny ne peut plus regarder un match à la télé. Il aboie contre les arbitres, critique le coaching, remue sans arrêt sur son fauteuil… La famille s’inquiète un peu. Il a déjà eu une attaque cardiaque.
« Je déteste ce que le coaching fait à mon père », expliquait Brent. « On dirait qu’il y a deux personnages différents en lui. Avec nous, c’est un gentleman. Pendant les matches, son esprit guerrier ressort. Il est trop perfectionniste. Il se rend malade. »
Barré par Michael Adams et Rex Chapman
C’est la même passion exacerbée qui a guidé les premiers pas de Brent. Il débuta à l’université de South Carolina et fut transféré à Oklahoma après deux saisons. Très vite, il se révéla un solide shooteur et playmaker. Au cours d’un match contre Loyola Marymount lors de son année junior, il plante 11 paniers à 3 points sur 19 pour un total de 56 unités. Un an plus tard, en 1992, le diplômé en communication est sélectionné dans le premier cinq de la Conférence Big Eight (18.7 pts, 6.2 pds) puis retenu au 32e rang de la draft par les Washington Bullets.
Le cadet des Price s’est épanoui sur le tard. Contrairement à Mark (25e choix par les Mavericks en 1986) du côté de Cleveland, il a longtemps fait banquette, tapi dans l’ombre de Michael Adams et Rex Chapman. Il loupa sa troisième saison pro en se bousillant le genou gauche dans une ligue d’été. Et maintenant, alors que Mark approche de la retraite, Brent se voit offrir l’opportunité de sa vie. A Houston, c’est lui qui doit diriger la manœuvre. Comme Elvis Presley, qu’il a appris à imiter grâce à la collection de disques de maman, et Emmitt Smith, running back légendaire des Dallas Cowboys qu’il vénère, il est censé devenir le « King ».
« Censé » est bien le mot qui convient à la situation : le rêve du natif de Shawnee (Oklahoma) s’écroule comme un château de cartes dès la pré-saison. Le 24 octobre 1996, il se fracture l’humérus gauche en plein match. Débuts différés au 28 décembre. Entre-temps, Houston sort sa roue de secours. Son nom : Matt Maloney. Un meneur blanc non drafté, quelconque, qui a végété en ligue mineure CBA avant d’obtenir une chance dans l’élite du basket nord-américain.
Brent enfile le maillot des Rockets juste avant de basculer en 1997. Il dispute 25 matches comme remplaçant et s’attache d’abord à retrouver condition et rythme. En termes de chiffres, c’est maigrichon : 5 points et 2.6 passes sur 15.6 minutes, 41.9% aux tirs, 32.1% derrière l’arc, à peine sauvés par son 21/21 aux lancers francs. Le n°20 garde la tête froide. Tout ceci n’est qu’une question de temps.
Du temps, Price n’en aura malheureusement pas : le 25 février contre les Lakers, il est victime d’une rupture d’un ligament du genou droit et doit passer sur le billard. Saison terminée. Sur les 10 matches précédant sa blessure, il s’était déjà hissé à 10.1 points, 4.9 passes, 48.2% dans le champ et 46.2% from downtown… En son absence, Maloney fait le plein de temps de jeu (29.1 mn). L’ancien playmaker tricard est titulaire pour les 82 matches de saison régulière, auxquels s’ajouteront 16 rencontres de playoffs. Si tout le monde a oublié les 26 points atteints à deux reprises par Matt durant cette campagne, c’est parce qu’il se fit ridiculiser par John Stockton en finale de Conférence Ouest (4-2 pour le Jazz).
Le « Big Three » des Rockets Drexler-Barkley-Olajuwon explose en plein vol. En tribunes, Brent bout. Le 11 février contre Vancouver, il avait sorti son meilleur match de la saison (20 pts à 8/11, 6 pds). C’est peut-être lui qui aurait été sur le parquet contre Utah si le sort ne s’était pas acharné. Et nul ne sait ce qui serait advenu.
Au coup d’envoi de l’exercice 1997-98, Maloney conserve la direction des opérations. Il fera toute la saison comme titulaire sans offrir beaucoup plus de garanties (8.6 pts, 2.8 pds et 40.8% sur 28.4 mn). Brent Price n’est pas une alternative fiable. Il se montre maladroit (41.3%) et n’atteint pas les 6 points de moyenne sur plus de 18 minutes. Utah punit à nouveau les Rockets, cette fois au 1er tour des playoffs (3-2).
Le départ à la retraite de Clyde Drexler est compensé par l’arrivée de Scottie Pippen pour la saison écourtée par le lock-out. A la mène, ça reste toujours très léger. Un rookie du nom de Cuttino Mobley se retrouve bombardé dans le cinq. Matt Maloney est mis au placard (15 matches). Brent Price a 30 ans. Il obtient 20 minutes de temps de jeu et se classe 12e NBA pour l’adresse à 3 points (41.1). Dans le champ, ça a de la gueule (48.3). Dommage qu’il lui faille séjourner sur l’injured list en avril 1999 après avoir subi une arthroscopie au ménisque droit.
Chanteur de gospel dans un quartet
Sa deuxième et dernière campagne de playoffs est un peu faiblarde (8.3 pts, 3.5 pts). Les Rockets se font sortir par Los Angeles au 1er tour, en quatre manches. Scottie Pippen ne sera pas le seul à claquer la porte. Le 27 août 1999, un blocbuster deal impliquant trois équipes démantèle la fusée texane. Direction Vancouver pour Antoine Carr, Michael Dickerson, Othella Harrington et Brent Price. Houston récupère Steve Francis qui avait fait un caca nerveux pour ne pas rejoindre les Grizzlies.
Les trois dernières années du cadet des Price dans la grande Ligue – deux en Colombie Britannique, deux à Sacramento – n’auront rien de « priceless » (inestimable). Retenez simplement qu’il fut concerné par le trade qui amena Mike Bibby chez les Kings en juin 2001. C’est en Californie et avec le n°25 que sa carrière NBA s’interrompit au printemps 2003, après une dernière saison blanche. Il avait 33 ans. Longtemps après, on retrouva sa trace à l’Oklahoma Storm, une équipe de ligue mineure USBL. Après son départ du Texas, Brent fut souvent écarté des parquets, notamment en raison de douleurs récurrentes au dos.
Marié à Marcy, « le troisième Price » a eu quatre enfants. Comme son frère Mark, professeur ès shoot souvent consulté par les basketteurs pros et aujourd’hui aux Bobcats, Brent a dispensé son savoir. Il a donné des leçons dans une série de vidéos baptisée « Pro basketball workout with Brent Price » (avec une pastille « NBA record holder » bien pétante et un brin survendeuse…). Il n’y était pas seulement question de fondamentaux et de mécanique de tir : Brent donnait aussi ses trucs à lui pour garder une certaine maîtrise de soi sur les parquets et en dehors. Un self control directement hérité de sa pratique quotidienne de la prière…
Aujourd’hui, il chante au sein d’un quartet, Sojourner, qui se produit dans tout l’Etat d’Oklahoma avec un répertoire gospel. Il s’est également investi dans la lutte contre l’obésité en donnant des conseils de nutrition et de fitness pour la campagne « E-Lose It ». Il tient une rubrique en ce sens dans un journal d’Enid (Oklahoma). Il est également actionnaire de deux sociétés locales, Ross Health Care et Jenkins and Price Industrial Chemical Supply.
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Stats
9 ans
418 matches (80 fois starter)
5.9 pts, 1.6 rbd, 3 pds, 0.7 int, 0 ct
42.6% aux tirs, 38.7% à 3 points, 82.4% aux lancers francs
Records
30 points contre Chicago le 15.1.96
9 rebonds contre Houston le 25.1.96
14 passes contre Denver le 11.3.94
5 interceptions à Orlando le 29.3.96
2 contres (deux fois)
Gains
20 M$