Même si les Warriors ont dominé les playoffs comme personne, remportant 16 de leurs 17 matches, tout n’a pas été si simple pour les hommes de Steve Kerr. Passés de « chouchous » à « vilains » après l’arrivée de Kevin Durant, ils ont aussi traversé des périodes de doute, et la cohabitation entre les deux derniers MVP, Durant et Curry, a mis du temps à se mettre en place. Retour sur une saison pas comme les autres.
En ce 6 janvier, encore plus que d’habitude, les projecteurs sont tournés vers l’Oracle Arena. Les Warriors viennent de dilapider une avance de 24 points face à Memphis, encaissant un 49-21 à cheval sur le quatrième quart temps et la prolongation.
C’est seulement leur sixième défaite de la saison mais la manière inquiète. Pour la première fois depuis l’arrivée de Kevin Durant le 4 juillet, les Warriors montrent des signes de fébrilité. Un échange étrange entre Stephen Curry et KD, suivi d’une réprimande agressive de ce dernier par Draymond Green, effacent en quelques secondes deux premiers mois quasi idyllique.
Certes, la défense n’était pas encore au niveau escomptée mais de l’autre côté du terrain les Dubs ont fait le show et amassé des performances incroyables. La démonstration de Durant (39 points) face à son ancienne équipe, les 13 3-points records de Stephen Curry face aux Pelicans, les 60 points de Klay Thompson contre Indiana, les 47 passes décisives face aux Lakers de Luke Walton, ou encore les stops défensifs de Draymond Green contre Atlanta et Milwaukee, Golden State avait tout détruit tout sur son passage et s’est présenté à Cleveland pour la première confrontation entre les deux équipes depuis la finale perdue en 2016 avec un bilan de 27 victoires pour seulement 4 revers.
L’étrange Noël de Mister Steph
Alors que Kevin Durant (36 points, 15 rebonds) nous offre un prélude à ce qui allait venir six mois plus tard, Stephen Curry voit ses démons resurgir. Il termine le match avec 15 points à 4/11 au tir, tout en assistant impuissant depuis le banc, tête baissée entre ses mains, au game winner de Kyrie Irving à 3 secondes du buzzer.
« À cette époque, je voulais contrôler et analyser la situation pour m’assurer que tout le monde était content, » confesse d’ailleurs Curry après le Game 5 des dernières finales.
Perdu dans sa volonté de faciliter l’acclimatation de Kevin Durant, le double MVP n’était plus que l’ombre de lui même. Une discussion avec Steve Kerr et quelques ajustement plus tard remettront Curry et les Warriors sur les bons rails.
« Steph s’est volontairement mis en retrait en début de saison jusqu’à ce qu’il réalise que nous n’avions pas besoin de ça, » explique Draymond Green. « Nous avons besoin de son agressivité, et quand il a compris ça après le match de Noël, nous sommes devenus quasi imbattables. »
Curry n’était cependant pas le seul à devoir trouver ses marques. Malgré des statistiques et une efficacité impressionnantes, Kevin Durant est lui aussi passé par des moments difficiles. Et comme pour son coéquipier, c’est une défaite, celle déjà évoquée face à Memphis, qui a marqué un tournant pour le nouveau venu.
« Je n’étais pas satisfait de mon niveau de jeu mais quoi que je fasse, Steph ou Draymond étaient toujours là pour m’encourager, » avoue Kevin Durant. « Après la défaite face à Memphis, nous étions au resto la nuit suivante à Sacramento et Draymond m’a pris à part pour me dire de simplement être moi-même, de faire confiance au système de coach Kerr, et que tout allait rentrer dans l’ordre. »
« Le plus important c’est le groupe »
Après la finale, Steve Kerr avouera que les dix jours entre la défaite à Cleveland et celle à domicile face à Memphis étaient les plus incertains de la saison. Mais peu importe la tendance du début de saison à laisser filer des matchs dans le money time contre des grosses écuries (San Antonio, Houston, Memphis, Cleveland), le technicien avait une confiance absolue dans son groupe et dans les individualités qui le forment.
« Nous avons un tas de gars qui sont intelligents, talentueux, qui peuvent tirer, passer, dribbler, et qui sont altruistes, » dit-il en souriant. « Je n’avais aucun doute que ça allait fonctionner. »
C’est cet altruisme et cette camaraderie qui avaient d’ailleurs séduit un KD alors enferré dans un système centré sur ses talents individuels et sur ceux de Russell Westbrook.
« J’en avais marre de jouer en isolation, » confesse le MVP 2014. « Je suis venu ici pour m’amuser. Je voulais faire partie d’un collectif. Et dès mon arrivée, personne ne m’a traité comme ‘KD’. J’étais simplement un joueur comme un autre. »
À Golden State, le collectif est plus grand que la somme de ses membres et les valeurs qui en découlent sont incarnées à tous les étages de la franchise. De Bob Myers, à Steve Kerr, en passant par Stephen Curry, une seule chose compte : gagner et leur faire avec le sourire.
« Ce que vous entendez sur Steph, à savoir sacrifier pour le bien de l’équipe, être altruiste, être authentique, ce n’est pas une façade. Il est vraiment comme ça. La seule chose qui l’importe c’est le bien du groupe, » commente Kevin Durant.
Le nouveau Warrior n’aura eu besoin que de quelques semaines de présaison pour réaliser que ce que les Dubs dégagent est authentique. Il suffit de les côtoyer pour s’en rendre compte.
Les egos, normalement si problématiques dans une « super team », restent hors du vestiaires. À Oakland, vous êtes à des années lumières des Lakers de Shaq et Kobe ou du Big 3 de Miami. Ce groupe ressemble plutôt à une équipe de jeunes qui profite du moment et se fait plaisir sur le terrain.
« Vous savez ce qui est le plus sympa avec ce groupe ? » demande Ron Adams quelques minutes après le sacre. « C’est que vous faites tout ça avec des gens que vous appréciez. C’est la raison pour laquelle Durant est venu. Avoir des coéquipiers qui vont encouragent, qui vous soutiennent, c’est ce dont tout le monde a besoin dans la vie. »
Transposé au terrain, cet état d’esprit fait logiquement des ravages et relègue loin derrière les doutes avancés par certains.
« Au début de saison, tout le monde se demandait qui de Steph, de KD ou de Klay allaient devoir prendre moins de tirs, » se rappelle Draymond Green. « C’est une fausse question avec nous car la balle va naturellement trouver le joueur ouvert. Un soir Steph va prendre feu, un autre Klay va mettre 60 points, un autre je vais faire un triple double sans marquer, mais ça n’a pas d’importance tant qu’on gagne. Et Andre Iguodala nous a répété ça toute la saison : Le plus important c’est le groupe. »
Dans un tel contexte, Steve Kerr a également réussi à tirer le meilleur de ses joueurs de compléments, notamment de son trio de pivot, et en particulier de JaVale McGee. Risée de la ligue pour son éternel premier rôle dans Shaqtin’ a Fool, il est passé de farce ambulante à solide joueur de rotation montant en puissance au cours de la saison.
Au même titre, Ian Clark et le rookie Patrick McCaw ont également pu contribuer, aidant les Warriors à glaner 19 victoires pour seulement 3 défaites après la déconvenue face à Memphis début janvier.
L’adversité ou le révélateur des grandes équipes
Malgré la présence de quatre All-Stars et le meilleur bilan de la ligue, tout n’était pas parfait pour Golden State. Paradoxalement, il a fallu la blessure de Kevin Durant fin février, et cinq défaites sur les sept matchs suivants, pour que Steve Kerr et son staff arrivent à faire passer l’équipe à un niveau encore supérieur.
Après un temps d’adaptation à l’absence de KD, et la fin de la partie la plus chargée de leur calendrier, les Dubs ont retrouvé leur identité derrière le retour de Stephen Curry à un niveau de double MVP, le réveil d’Andre Iguodala, et le regain d’adresse de Klay Thompson. Ajoutez à ce cocktail la meilleure défense de la ligue sur le dernier mois de la saison, et vous voilà avec une série de 14 victoires de suite sur les bras, dont une démonstration à San Antonio.
En parallèle et en coulisse, cette montée en puissance permit à Kevin Durant, depuis son perchoir d’observateur forcé, de franchir un palier dans sa compréhension du système de Steve Kerr. Dès son retour KD était comme un poisson dans l’eau, effaçant les mauvaises habitudes forgés par dix ans à Seattle/OKC , bougeant sans la balle et posant des écrans en transition pour Curry et Thompson.
« Nous ne sommes pas allés chercher un joueur d’isolation qui a besoin d’avoir le ballon dans ses mains, » expliquait Steve Kerr pendant la finale. « Il aime bouger sans ballon. Il aime passer. Il aime courir en transition. Il est parfait pour notre système de jeu des deux côtés du terrain. »
Avec tout le monde sur la même longueur d’onde et le duo Curry – Durant de plus en plus complice, les Warriors sont donc arrivés en playoffs en pleine confiance et en bonne santé. Du moins, c’est ce qu’on pensait.
Avant le Game 3 de leur premier tour face aux Blazers, les Warriors annonçait à contre cœur devoir se passer de Steve Kerr, victime d’une rechute, pour une durée indéterminée. Mais à l’instar des joueurs, Mike Brown, remplaçant désigné de l’ancien Bull, allait à son tour briller.
« On ne s’attendait pas à devoir se passer de Steve mais il avait préparer son staff à une telle échéance en leur donnant des responsabilités pendant toute la saison, » se félicitait Draymond Green au podium après le titre. « Et Mike Brown a pris le relai sans le moindre problème. Nous avons pu le soutenir et élever notre niveau de jeu, et il a été fantastique. »
Pourtant menés de 17 points lors du troisième quart temps de son premier match à la tête de l’équipe, ses choix mèneront les Dubs à un succès éclatant à Portland, avant d’enchainer dix succès de suite et de terminer son intérim lors du Game 1 de la finale face à Cleveland. Eh oui, comme head coach, Mike Brown n’a pas perdu un match cette saison !
Un avenir golden
La suite, on la connait. Les Warriors termineront le boulot face aux Cavs avec Steve Kerr sur le banc, Kevin Durant en MVP, et un Stephen Curry étincelant. Et malgré un bilan de seize victoires pour une seule défaite en playoffs, ne leur dites surtout pas que reprendre leur bien était un parcours de santé.
« Les gens s’attendaient à ce qu’on gagne dès la signature de Kevin mais vous ne réalisez pas à quel point c’est difficile de transformer ses attentes en réalité, » soulignait Klay Thompson quelques minutes après la victoire finale. « Les gens vont regarder notre bilan et penser que c’était facile mais c’est complètement faux. »
Si l’équilibre des forces en présence est aujourd’hui bancal avec Golden State d’un côté et Cleveland de l’autre, on ne peut cependant pas dénigrer le niveau de jeu de ces finales et le travail accompli par les Warriors pour transformer un potentiel unique en équipe historique.
« Tout le monde a fait des sacrifices, » s’écriait un David West en transe après avoir gagné son premier titre. « KD aurait pu prendre 30 tirs par match, Steph aurait pu prendre 30 tirs par match, mais ils ne l’ont pas fait parce que ce qui les intéresse c’est de gagner. C’est faire l’extra-pass et jouer comme il faut en respectant le jeu. »
Avec maintenant deux titres en trois ans et leur Big 4 tous sont la barre des 30 ans, les Warriors auront l’opportunité de terroriser la NBA jusqu’à la saison 2019, avant de devoir sortir le chéquier pour Klay Thompson puis Draymond Green.
Si beaucoup de choses peuvent évidemment arriver entre temps, Thompson, qui pourra resigner après la saison 2019 et que certains annonçaient partant après la baisse de ses statistiques offensives en playoffs, donne d’ores et déjà le ton.
« Dans le basket, il y a plus que ses stats personnelles ou être un franchise player, » annonce-t-il. « Je préfère faire partie de quelque chose qui peut laisser une trace dans l’histoire. Et j’espère le faire avec les Warriors pour encore longtemps. »
Dans une NBA qui a cette saison été dominée par des performances individuelles historiques, les Warriors ont préféré, comme depuis l’arrivée de Steve Kerr, miser sur leur groupe.
David West, Klay Thompson, Kevin Durant, dans tous leurs propos, on retrouve un seul et même thème. L’ADN d’un système qui fait la part belle au collectif tout en plaçant les individus au cœur de sa composition. En demandant des sacrifices à tous ses joueurs, qu’ils soient d’ordre financier ou sportif, Steve Kerr savait que les efforts demandés finiraient par être récompensés dans le succès du collectif.
« Il sait ce qu’il a dans les mains, et il sait comment tirer le meilleur de chaque joueur dans le contexte du collectif, » explique Andre Iguodala quand on lui demande de décrire son entraineur.
Le meilleur reste-t-il ainsi à venir ?
Après leur premier titre, les Warriors avaient enchainé en battant le record de victoires en saison régulière. Fort de l’expérience glanée par ce groupe cette année, Andre Iguodala s’attend à une trajectoire similaire pour la saison prochaine.
« Steve essaie toujours d’atteindre le niveau supérieur. Il est obsédé par cette recherche de la progression, » analyse Iggy. « C’est comme avec un oignon que vous épluchez pour dévoiler de nouvelles couches. Il a toujours son couteau à la main pour découvrir de nouvelles possibilités. »
Cette métaphore résume d’ailleurs parfaitement la dichotomie actuelle entre Golden State et le reste de la ligue. Vous pouvez toujours essayer de vaincre les Warriors, mais il y a de fortes chances pour que vous finissiez en larmes.