C’est seul, et avec un T-Shirt à l’effigie de Tim Duncan, que Gregg Popovich s’est présenté devant les journalistes pour commenter la retraite de son joueur de toujours. D’habitude peu bavard devant les caméras, le coach a cette fois développé tout le bien qu’il pensait de celui qu’il a dirigé pendant 19 saisons. Une éternité en NBA…
« Passer du temps avec Tim Duncan était vraiment magnifique, de plusieurs façons. Les gens ne savent pas à quel point il est intelligent. Je pense à des gens comme John Cleese [acteur des Monty Python], qui sont à la fois intelligent, perspicace et sarcastique. Personne ne sait ça sur Timmy. Je pouvais passer un match sur son dos, à lui demander devant tout le monde pourquoi il ne prenait pas bien les rebonds, et en revenant, il me répondait : ‘Merci pour la motivation, Pop’, ‘Merci pour le soutien, Pop’, puis il se tournait en levant les yeux au ciel et on se mettait à rire tous les deux. Les gens ne voient pas ça mais ses coéquipiers si, et c’est pour ça que ses coéquipiers l’adoraient, parce qu’il était le meilleur coéquipier qu’on puisse imaginer ».
« Pensez au nombre de joueurs qui ont évolué avec lui. Tout ce que Tim Duncan avait à faire, c’était lever un de ses bras, le droit ou le gauche, le poser sur leurs épaules, et ils ressentaient la chaleur et le confort qui leur permettaient de devenir le meilleur joueur possible. Il y a des tas de joueurs qui sont venus ici et qui ont réussi avant de partir ailleurs parce que Tim Duncan a créé cet environnement, pour que tous ceux qui viennent ici puissent se développer et faire carrière pour leurs familles. Et nous lui en sommes tous reconnaissants ».
D’ailleurs, Gregg Popovich assure faire partie de ceux-là.
« Ce n’est pas de la modestie. Les gens qui ont grandi avec moi le savent. Je ne serais juste pas devant vous sans Tim Duncan. Je serai dans une Ligue Budweiser, quelque part aux Etats-Unis, en train de tenter de jouer ou de coacher au basket. Il est la raison pour laquelle je suis devant vous. Il a offert des salaires à des centaines d’entre nous, staff et coaches, durant des années, sans dire un mot. Il venait juste bosser tous les jours. Il arrivait tôt, partait tard. Il était là pour tout le monde, de la plus grande star de l’effectif au dernier joueur du banc. Il était comme ça ».
« Quand il parlait, ça voulait dire quelque chose pour les autres »
Contrairement à d’autres équipes après la retraite de leur franchise player, les Spurs ne sont toutefois pas en mauvaise position. Avec Kawhi Leonard, LaMarcus Aldridge et l’arrivée de Pau Gasol, San Antonio a toujours les armes afin de lutter pour le titre. Mais, évidemment, la disparition du totem dans le Texas va laisser des traces.
« Il est irremplaçable. C’est quelque chose qu’on n’arrivera pas à faire. Nous sommes tous uniques mais il a été tellement important pour tellement de gens que ça en est fou. C’est difficile d’imaginer aller à l’entraînement, au match, dans le bus ou prendre une part de gâteau aux carottes en pensant à ça ».
Car Tim Duncan était l’essence même de la culture développée par les Spurs.
« L’aura qu’il a créée, la figure iconique qu’il a établie toutes ces années, la sécurité, tout ça venait de ce qu’il était en tant que joueur. Même lorsqu’il marquait moins, comme ces deux dernières années, les gens ne se rendaient pas compte à quel point il était efficace défensivement. Regardez juste où il était classé défensivement sur le plan individuel et vous comprendrez vite. Offensivement, les gars savaient réagir parce qu’il était là. Il remontait le terrain et il réagissait alors que les autres joueurs ne comprenaient pas, et ils étaient alors sur le bon chemin. Il savait où aller. Même si statistiquement, sa production n’était plus la même, nous avons encore gagné 67 matchs parce qu’il était le centre de tout ce que nous faisions des deux côtés du terrain, même si d’autres marquaient plus. Ça va nous manquer et il va falloir trouver des solutions. D’autres vont devoir passer un cap, en termes de leadership. Ce sera très important pour nous : qui va passer un cap et devenir ce leader tranquille que tout le monde écoute et respecte ? Peu de gens peuvent le faire. Donc on verra ».
Gregg Popovich a en effet souvent dit que c’est parce que Tim Duncan acceptait d’être coaché comme n’importe quel joueur qu’il pouvait de son côté imposer une certaine vision à son équipe. Forcément, là aussi, les choses vont changer.
« Il y a différents types de leadership. Il était un silencieux. Il n’agitait pas les serviettes, il ne donnait pas de grands discours. Quand il parlait, c’était avec un but. Avec lui, la rareté rendait les choses précieuses. Et quand il parlait, ça voulait dire quelque chose pour les autres ».