Architecte du Thunder, Sam Presti s’apprête à vivre un été chargé avec le dossier Kevin Durant à gérer, et d’autres dont Dion Waiters. Mais le GM d’Oklahoma City est serein et optimiste, comme à son habitude.
Perfectionniste s’il en est, Presti a déjà préparé tous les scénarios possibles pour parer à toutes éventualités. Il jette, en sus, un regard apaisé sur cette fin de saison malheureusement écourtée en finale de conférence par les Warriors.
Un camp de basket à Aspen en 1999
« Depuis notre arrivée en 2008, on a pris le parti de ne pas s’occuper du passé ou du présent. Ça ne sert à rien de s’appesantir sur ce qui est arrivé hier, ou l’an dernier. Et puis, ça vaut pour le futur qu’on ne contrôle pas. On a insisté sur le fait de réussir la saison à venir. Et Kevin a été un vrai leader. Sa manière de gérer la future free agency nous a permis de réussir une telle saison. » explique Presti dans le podcast The Vertical. « Il est très intelligent. Il a constamment éteint les questions sur le sujet car il estimait que c’était comme perdre la balle des yeux. Il a vécu sa saison pleinement et il a réussi une grande saison. Il était blessé la saison passée, il ne faut pas l’oublier. J’ai beaucoup de respect pour lui car il a vraiment géré tout ça avec beaucoup de classe. »
Ayant déjà fait son travail de fond, depuis plusieurs années déjà, auprès de Kevin Durant, Presti a délibérément choisi de laisser sa superstar faire son propre choix. Tout en sachant bien que, lui comme KD, ont tout à gagner à rester ensemble.
Par ailleurs, Presti est revenu sur ses débuts en NBA, avec les Spurs où il a commencé par un stage. On est en 1999, Sam Presti est le capitaine de l’équipe de basket de son école, Emerson College, à Boston. Et un de ses coéquipiers, souffrant du mal du pays, veut tout abandonner et rentrer au Colorado dans sa famille. Presti le convainc de rester et le père de son coéquipier s’en trouve si satisfait qu’il invite Presti à un camp de basket chez lui, à Aspen, pour un camp de basket estival.
« C’était un camp de quatre jours et RC Buford en était un des fondateurs. A l’époque, il était assistant GM chez les Spurs. Et il devait faire une apparition et peut-être se choisir un stagiaire parmi les coachs présents. Pendant trois jours, pas de Buford. J’avais vendu plusieurs éléments de ma batterie pour m’acheter mon ticket d’avion et je pensais que c’était râpé. Mais il est venu le dernier jour et on a pu discuter. Je lui ai dit que j’aimerais réaliser ce stage. Je l’ai appelé plus tard au mois d’août et c’est parti comme ça. Il m’a dit d’appeler une autre personne, c’était Mike Budenholzer. C’était un peu comme un film d’espion avec tous ces coups de fil à passer. Et puis de mon côté, je leur cachais que je n’avais pas de voiture. J’ai appelé la seule concession automobile de San Antonio qui a accepté de venir me chercher au motel où j’étais, à côté de l’I35. Avec le peu d’argent que j’avais, je me suis acheté une Buick Skylark des années 80. »
La VHS qui a tout changé
Débarqué dans l’univers NBA par la petite porte, Presti a gravi les échelons un à un. A l’école des Spurs, il a été parfaitement formé. A vrai dire, il fait partie de la toute première génération des « réussites » de la formation made in San Antonio.
« A l’époque, les staffs étaient très réduits. Et franchement, c’est grâce à ça que j’ai eu ma chance. Il n’y avait pas beaucoup de gens et j’ai donc eu la chance de faire pas mal de choses différentes. Et ça m’a beaucoup aidé à comprendre comment une franchise fonctionne. J’ai fait à peu près tout ce qui est imaginable. J’ai mélangé les boissons protéinées, plié des serviettes, rempli les photocopieuses, je suis allé chercher les repas, j’ai tenu la table de marque, pris les rebonds… Mon gros projet de l’époque, c’était les machines à glace. J’ai rédigé un mémoire costaud sur le sujet. Je voulais me rendre le plus utile possible. J’étais là pour un an et je pensais ensuite rentrer chez moi pour aider à coacher l’équipe du lycée ou quelque chose comme ça. J’étais à prendre les rebonds pour Steve Kerr et Danny Ferry. Du coup, ils m’emmenaient chez eux, on mangeait ensemble. Il y avait énormément de personnalités fortes. Je me souviens qu’Alvin Gentry venait à peine de partir quand je suis arrivé. Et c’est Mike Brown qui a ensuite débarqué deux jours après moi. »
Au milieu de ce maelström d’idées, Presti a apporté les siennes. L’expertise naissante de ce stagiaire bosseur a même joué un rôle primordial dans la constitution du « Big Three » des Spurs. Sans l’insistance de Presti, aux côtés de Buford, Tony Parker n’aurait peut-être pas joué à San Antonio…
« La première année, je travaillais à la vidéo. Je faisais de la vidéo, je prenais les rebonds, je gérais l’horloge des 24 secondes, ce genre de trucs… Avec le recul, je me dis que c’est ce qui pouvait m’arriver de mieux de commencer par là. Et puis, le soir, j’allais directement chez RC. Je me souviens, je ramenais des sacs de VHS et on regardait des heures et des heures de Tony Parker. Quand il est venu et que son workout ne s’est pas bien passé, RC était très déçu car on avait beaucoup bossé sur lui et il l’aimait bien. J’ai donc refait une vidéo spéciale [de huit minutes] pour, au moins, qu’il ait un deuxième workout. [Tony] a été très bon. Et on a réussi à l’avoir ensuite à la draft. On a eu de la chance sur ce coup. »
Sergei Karaulov, vous vous souvenez ?
Alors que Popovich pensait qu’ils perdaient leur temps, Presti et Buford ont donc fini par convaincre le head coach des Spurs. Mais si Parker a été un coup de maître (pour un coup d’essai), d’autres essais ont été moins convaincants. Sergei Karaulov, vous vous souvenez ?
« C’était un de ces gars qu’on avait ciblés pour un choix de deuxième tour de draft. On avait un scout qui était basé en Russie et qui l’avait vu en workout. Il nous avait donné suffisamment d’assurance pour le choisir à ce niveau-là. Le problème, c’est que son club pensait qu’on allait leur piquer alors qu’on avait juste besoin qu’il signe une qualifying offer pour confirmer sa draft [et que les Spurs aient ces droits si jamais il venait en NBA, ndlr]. Je me suis donc envolé pour Klaipeda en Lituanie pour aller le voir avec son club [Khimki Moscou] où il était en camp d’entraînement. C’était folklorique ! De Vilnius à Klaipeda, mon taxi tombe en panne. Ensuite, j’ai mis trois jours à enfin localiser l’équipe après avoir essayé plusieurs salles d’entraînement. Au final, je lui ai transmis son offre et c’était bon. Je suis resté un mois en Lituanie. On découvrait beaucoup de joueurs européens. Et je disais à RC que si je restais un peu plus, je pourrai voir Boris [Diaw] et les frères Pietrus [avec Pau en Euroligue, ndlr], ou [Zoran] Planinic, etc. C’était vraiment des moments incroyables. »
Ce géant de 2m15, issu de la République Socialiste d’Ouzbekistan, fut drafté en 2004 avec le 57e choix mais il ne parvint jamais à franchir l’Atlantique. Par contre, Boris Diaw et Mickaël Pietrus y arriveront bien quant à eux. Tout comme Zoran Planinic pour trois ans seulement.
Prophète du changement, Sam Presti, le mélomane passionné de jazz, utilise une citation de Miles Davis pour continuer à évoluer : « il faut beaucoup jouer pour savoir comment on joue seul ».