Tout va bien pour la NBA. La valeur des franchises explose, le nouveau contrat TV s’apprête à offrir un gigantesque pactole à se partager et les salaires des joueurs devraient bientôt grimper en flèche. Il s’agit de l’aboutissement d’une stratégie débutée par David Stern, d’abord en tant que conseiller puis comme commissionner, à partir de 1984.
Ligue mineure étouffée par le football américain, le baseball ou le hockey sur glace, la NBA a cherché de la visibilité à tout prix. C’est ainsi que David Stern a encouragé le développement de la ligue vers des niches que les autres sports US délaissaient ou n’intéressaient pas. L’effet mondial de la « Dream Team » de 1992 fut incroyable et l’attraction de Michael Jordan resta longtemps l’atout majeur de la NBA.
Mais après 1998 et le lockout, la ligue a dû faire face à une baisse de popularité auprès de son public principal, aux Etats-Unis. Pour la ligue, il fallait trouver d’autres moyens d’exister et Internet arriva donc à point nommé.
La NBA, le « sport des jeunes »
Aux Etats-Unis, les fans de la NBA les plus investis sont les adolescents et les membres de la communauté noire. Tout l’enjeu pour la ligue a donc été d’élargir cette « fanbase » pour incorporer de plus en plus le public qui avait tendance à délaisser la NBA depuis la retraite de Michael Jordan.
L’internationalisation du jeu et le fait que le basket soit le sport US le mieux implanté hors des frontières de l’Amérique du Nord ont déjà aidé à élargir le public. Néanmoins, les franchises ont toujours en tête cette « quête du public blanc », comme l’illustre l’affaire Bruce Levenson à Atlanta.
En mettant en place le « dress code », David Stern a ainsi tenté de lisser l’image de la ligue, devenue trop hip-hop aux yeux du grand public US. Alors que les audiences du baseball s’effritent et que le hockey sur glace peine à se mettre des nombreux lockouts (1995, 2005, 2013), la NBA a réussi à grignoter l’intérêt du grand public. Pourtant, son public reste jeune.
Un public hyper connecté
Du côté de la NFL ou de la MLB, on s’inquiète ainsi désormais que l’âge médian des téléspectateurs ne cesse de croître. Alors que l’âge médian de l’audience du football américain était de 43 ans en 2004, il est désormais 47 ans. C’est pire pour le baseball, passé de 46 ans à 53 ans !
De son côté, la NBA a réussi à garder des téléspectateurs jeunes puisque la moyenne est restée à 37 ans. De fait, la ligue a compris avant les autres l’importance et les possibilités d’Internet. Avec le développement de son League Pass, sa présence ancienne sur Youtube, Twitter et Facebook, la NBA s’est lancée avant les autres ligues US dans le monde virtuel. Elle compte désormais son avance.
Les rapports Nielsen sur la télévision US montrent ainsi que si le football américain est toujours le sport roi aux Etats-Unis, les fans de NBA sont beaucoup plus connectés, notamment sur Twitter.
L’interaction, la nouvelle arme marketing
En investissant le Web et en adoptant ses codes (les franchises multiplient l’ironie et le détournement sur leurs comptes Twitter), les franchises créent une interaction désormais fondamentale avec leurs fans.
« Les jeunes ont un appétit insatiable pour ce qui se passe sur et en-dehors du terrain. La NBA est la meilleure pour le nourrir », confie ainsi Darren Rovell, spécialiste business pour ESPN, au Washington Post. « Les joueurs NBA, consciemment ou pas, apportent le genre de contenus que la « génération Y » veut ».
Ce que nous confirme Joe Favorito, spécialiste marketing.
« Les réseaux sociaux font partie du storytelling. Les consommateurs, peu importe leur âge, veulent en savoir plus à-propos des marques qu’ils aiment. La NBA l’a compris et a construit sa stratégie autour de ce concept. Elle a de superbes histoires à offrir et doit les faire partager sur toutes les plateformes où se trouvent ses fans ».
Les vidéos Youtube et Vine pirates ? « De la publicité » aussi
Lors de la dernière Sloan Sports Conference, Adam Silver avait d’ailleurs été interrogé par un journaliste qui lui demandait pourquoi la NBA ne faisait pas la chasse aux vidéos pirates sur Youtube et Vine, comme les autres ligues de sport.
« Les highlights, c’est aussi de la publicité », avait répondu le commissionner en souriant.
Pour Joe Favorito, ce « laxisme » de la ligue est en effet trompeur. Avec près de 1 300 matches par saison (saison régulière + playoffs), la NBA est peut-être la ligue qui produit le plus de highlights, lui permettant de ne pas faire la chasse aux pirates.
« Le modèle NBA est différent des autres ligues, notamment en termes d’accès aux images. Par exemple, la NFL a beaucoup moins de contenus à propose en direct, ce qui fait qu’elle doit offrir un accès premium. La déclaration d’Adam Silver est donc un peu trompeuse. La NBA est une entreprise globale qui reste très protectrice de sa marque. S’il y a un abus ou des gains obtenus par un tiers grâce à ses contenus, elle va s’attaquer à lui ».
NB : selon la définition de Wikipedia, la « génération Y » est celle des enfants qui ont grandi dans un monde où l’ordinateur personnel, le jeu vidéo et Internet sont devenus de plus en plus importants.