Marc Gasol, de « Graisseland » à Graceland

Ce soir, Marc Gasol sera pour la première fois de sa carrière le pivot titulaire d’une sélection All-Star. Pour beaucoup, l’international espagnol est à l’heure actuelle l’un des meilleurs, sinon le meilleur pivot de la ligue. Pourtant, il y a encore quelques années, ceux qui lui prédisaient un tel destin pouvaient être à juste titre considérés comme fous. Au contraire de son frère Pau, le talent du pivot n’a pas de suite été décelé à sa juste valeur. Lors de ses jeunes années, il ne présentait déjà pas les mêmes aptitudes physiques : pataud, gras, lent, lorsqu’il arrive au lycée  Lausanne Collegiate de Memphis, Marc Gasol n’a pas grand chose de la future star NBA.

« C’était King Kong qui jouait au basket. » se souvient le jeune retraité Shane Battier pour le Bleacher Report.

Dirk Nowitzki : « Jamais je n’aurais pu penser qu’il deviendrait aussi fort… »

Là-bas, Marc Gasol poursuit ses gammes sportives et apprend à vivre avec la culture américaine, aidé par l’arrivée de son frère en NBA chez les Grizzlies, à quelques jours d’intervalle de la sienne au lycée.

« C’était une bonne chose pour moi de changer. Même si je quittais ce que j’aimais le mieux, là où je me sentais le plus à l’aise, mon équipe de Barcelone » concède Marc.

À l’époque, Pau Gasol brille en NBA, élu rookie de l’année 2002. Son frère, lui, peut aspirer à une carrière professionnelle mais force est de croire que son destin ne se dessine pas dans la grande ligue américaine. Voisin de chambre d’hôtel lors du All-Star week-end 2002, Dirk Nowitzki se remémore un gros échalas bien loin des proportions des pivots américains.

« Je suis sorti de ma chambre et ce mec énorme est arrivé. Il était massif, grand. Il devait peser 170 kilos ou quelque chose d’aussi dingue. Ils m’ont dit que c’était le frère de Pau. Jamais je n’aurais pensé qu’il se serait développé en un tel joueur. » admet l’Allemand.

Depuis, Marc Gasol est en effet devenu un des meilleurs joueurs de la planète, NBA et FIBA confondus. Entre temps, il a aussi énormément travaillé, conscient des exigences du basket de très haut-niveau.

« Je suis sûr d’avoir perdu au moins 45 kilos, » répond-il. « Je me suis regardé dans la glace, j’ai vu à quel point j’étais gros, et ce n’était pas comme ça que je voulais être. Je savais que je devais revenir aux fondamentaux, aller étudier et repartir du début. »

Zach Randolph : « Marc Gasol n’ira nulle part »

Après un retour en Espagne où il se tue à la tâche, aidé par sa future épouse, Marc Gasol est sélectionné au second tour de la draft par les Lakers en 48e position. L’ironie de l’histoire le voit être échangé quelques mois plus tard contre son frère. À cette époque, nul ne le sait mais Memphis réalise une excellente affaire.

« Au-delà de toute logique. » dira même Gregg Popovich au sujet de cet échange.

Six ans après son arrivée, Marc s’apprête à affronter son frère, également titulaire du All-Star Game. À Memphis, le pivot est une star, le meilleur joueur de l’équipe, un roc inébranlable redouté par tous les adversaires. Son emprise sur le jeu fait l’unanimité parmi ses pairs.

« Si l’on parle d’équilibre des deux côtés du terrain, de polyvalence, c’est peut-être le meilleur pivot de la ligue. » affirme Tyson Chandler. « Je suis un grand fan. » poursuit Dirk Nowitzki.

Une reconnaissance synonyme de sollicitations futures, en particulier cet été où l’Espagnol testera le marché. Mais pour ses coéquipiers, l’affaire est déjà réglée.

« Il ne va nulle part. » dit Zach Randolph sans le moindre doute. « Il ne vous le dira pas, mais il est de Memphis. On le dit tout le temps. Il incarne tout ce que la ville évoque : la dureté, l’éthique de travail des cols bleus, toutes ces choses sont comme il se comporte. C’est un gars discret, pas un de ceux qui veulent être sous les lumières. » poursuit Mike Conley.

Si le joueur ne donne aucune réponse définitive quant à sa future décision, sa gratitude envers la ville de Memphis est sans équivoque et entre les lignes, il est aisé de comprendre que Marc Gasol portera probablement encore très longtemps l’uniforme des Grizzlies et ce, alors qu’il sera courtisé par les Knicks, les Lakers, voire même les Spurs.

« On ne peut pas changer ce que Memphis signifie pour moi. C’est un endroit unique à mes yeux. Il n’y a aucun doute. »

Et s’il continue à porter son équipe ainsi, la ville pourrait bien lui rendre en lui érigeant une statue, non loin de celle du King.