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« Moi, Chris Washburn, accro à la coke… »

La boîte aux lettres de Basket USA est une vraie caverne d’Ali Baba. On y trouve plein de pépites : des missives passionnées, des liens épatants, des montages vidéo qui déchirent… Preuve que ce site rassemble une communauté de vrais mordus du basket.

Dernièrement, on a reçu une lettre pas tout à fait comme les autres. Elle nous vient d’un ancien joueur NBA qui a beaucoup déçu. Beaucoup souffert aussi. C’était un gros consommateur de cocaïne. Il est devenu l’un des plus grands bides de la draft…

« Salut à tous les lecteurs de Basket USA ! Lors de mes dernières vacances en Inde, au Tamil Nadu, on m’a beaucoup parlé d’une rubrique qui cartonne vachement, paraît-il, sur votre site. Alors je suis allé y faire un tour et j’ai vu quelques récits de carrières qui ont mal tourné. Y’avait Kemp, Coleman, Baker et même Rozier (quelle histoire, celui-là !). Y’avait Fernand, y’avait Firmin. Y’avait aussi Francis et Sébastien… Mais pas moi ! Pourquoi je n’y suis pas, moi ? Moi aussi, je me suis planté en beauté ! Bon, faut dire que j’ai déconné un max. Vous ne me connaissez pas ? En même temps, c’est un peu normal…

Je ne m’appelle pas Mashburn, comme Jamal, mais Washburn. Avec un « W ». Washburn, comme le grand fabricant de guitares américain. Mon petit prénom, c’est Chris. Pour l’état civil, je suis Christopher Scott Washburn. J’ai 44 ans. J’ai été choisi en 3e position de la draft 1986 par Golden State mais je n’ai passé que deux ans en NBA. Ouais, je sais. C’est trop la honte. En attendant, je veux mon quart d’heure d’humiliation mondiale comme les autres… Enfin non, de célébrité ! C’est pour ça que je vous écris.

J’ai vu que vous aviez parlé de Richard Dumas. Mais lui, c’était un petit joueur à côté de moi. Moi, je l’ai jouée défonce flamboyante, façon Woody Harrelson dans « Larry Flint ». La lose, c’est un art de vivre. Y’en a qui essaient de perdre avec panache. Z’y arrivent pas. Faut pas croire : foirer sa carrière, c’est à la portée de tous (y’a qu’à voir tous ceux qui réussissent). Mais foirer sa carrière en beauté, en décevant tous ceux qui croyaient fort en vous, ça, c’est réservé à une élite. Et moi, j’en fais partie.

Je suis né à Hickory, en Caroline du Nord. L’Hickory est un arbre mais… Ah, fuck ! Dans votre langue, ça ne s’appelle pas comme ça. Attendez, je prends mon Robert & Collins… Voilà, j’ai trouvé : « caryer ». Donc, le caryer est un arbre mais Hickory, c’est aussi un nom de ville très répandu aux USA. Moi, je viens d’Hickory, Caroline du Nord. Comme la chanteuse Tori Amos. Elle est partie quand elle avait 2 ans et elle ne sait pas ce qu’elle a loupé. La femme de Denzel Washington a grandi à Hickory elle aussi. C’est Pauletta, son p’tit nom. Et puis y’a Chris Hughes, le co-fondateur de Facebook avec Mark Zuckerberg (vachement bien le film « The Social Network » de David Fincher).

Je suis un bon gars. Je ne me suis jamais pris la tête. Très jeune déjà, j’étais un garçon toujours souriant, facilement abordable. J’inspirais confiance. Avec moi, on nouait des liens facilement. Mes camarades et mes coéquipiers disaient que j’étais un esprit indépendant.

Mon lycée, c’était le Laurinburg Institute, une école avec une grosse tradition basket. Sam Jones vient de ce bahut. Charlie Scott aussi. Ça ne vous dit rien ? Ben, ça devrait ! Sam a été une star du grand Boston des années 60. Il est entré au Hall of Fame en 1984 et fait partie des 50 plus grands joueurs de l’histoire. Charlie a cartonné à North Carolina. Il a été cinq fois All-Star, trois fois avec Phoenix, deux fois avec les Virginia Squires, l’équipe de Julius Erving. C’était en ABA il y a 30 ans. Mon école a mal tourné. Une grande enquête en 2007 a mis à jour quelques pratiques douteuses… Du coup, le lycée est blacklisté.

Ah, j’oubliais : Renaldo Balkman, le Nugget, est passé à Laurinburg lui aussi. Vous ne le voyez pas beaucoup à Denver ? Regardez les matches de Porto Rico ! « Taz » est dans l’équipe. L’ailier des Knicks Shawne Williams a fait la même high school. Jimmy Walker, le papa de Jalen Rose, également. Et puis Earl Manigault. Vous ne savez pas qui est « The Goat » ??? LOL ! Là, je ne peux plus rien pour vous ! Faut réviser vos classiques, les gars…

« Toutes les facs bavaient devant mon jeu »

Je pense que j’avais un peu de talent. Sinon, comment aurais-je pu être désigné All-American à trois reprises ? Je n’ai pas le melon mais il faut bien dire ce qui est : en 1984, je faisais partie des lycéens les plus convoités du pays, d’autant que je jouais pivot. A l’époque, Internet n’existait évidemment pas. La hype marchait quand même à fond la caisse. Toutes les facs bavaient devant mon jeu, tout le monde me réclamait. On était trois à affoler la NCAA : moi, Danny Manning et John « Hot Plate » Williams (à ne pas confondre avec « Hot Rod » !). John a choisi LSU. Danny a filé à Kansas. Moi, j’ai choisi North Carolina State à Raleigh. On avait une équipe en béton ! Il y avait Nate McMillan, Vinny Del Negro et Spud Webb, le lutin qui a remporté le concours de dunks en 1986. Nate et Vinny ont sacrément bien réussi leur reconversion. Bon, il faut dire qu’ils en avaient dans la caboche… La femme de Nate était dans le même lycée que moi.

A la fac, j’allais atteindre 2,11 m pour 102 kg. Je crois pouvoir dire, sans prétention, que j’étais un athlète fabuleux (ne soyez pas jaloux !). J’avais été conçu par les dieux du basket, paraît-il. J’avais tout pour moi : la taille, la puissance, l’agilité, une vitesse folle, un toucher soyeux, la dextérité d’un arrière. Et aussi une belle gueule ! Bah ouais… Comment dire ? J’étais un peu le David Astorga de la NBA de l’époque (Etonnés que je le connaisse ? En fait, je suis tombé sur un match de la Coupe du monde en Afrique du Sud). Nate McMillan prétendait que je possédais certains aspects du jeu de Shaquille O’Neal et qu’en plus, je pouvais courir, passer et shooter. A ses yeux, j’étais le basketteur ultime. Un diamant brut.

A 15 ans, je mesurais 2,08 m. J’avais des mouvements très coordonnés. J’étais capable de dribbler, j’avais de bonnes mains. J’étais véloce et costaud. Je n’avais pourtant jamais soulevé de fonte. Je devais être All-Star, c’est une certitude. Le souci quand vous êtes bon, c’est que vous chopez facilement le boulard. Vous vous prenez pour le roi du pétrole. Vous perdez toute forme d’humilité. Comment garder les orteils sur Terre alors que tout le monde est à vos pieds ? On vous dit très rarement « Non ». J’étais conscient de mes qualités. Sans doute un peu trop. Je dominais sans forcer. Je dominais malgré ma nonchalance. Je ne me faisais pas violence. Pas besoin : on n’arrêtait pas de me cirer les pompes et de me répéter que j’étais un crack. Je l’ai cru. J’ai cru que je n’avais pas besoin de bosser dur.

Pour ne rien arranger, je recevais des déclarations enflammées d’un peu partout. Dean Smith et Denny Crum, le coach de Louisville, kiffaient mon jeu. Durant mon année junior, Lefty Driesell m’a écrit lui aussi. Plus il me voyait jouer, plus il était convaincu que je pouvais offrir le titre NCAA à Maryland… Mais j’ai préféré North Carolina State. Ils avaient été champions en 1983 et puis c’était à 135 miles de chez moi. Jim Valvano, le coach, a fait très fort puisque Del Negro et McMillan sont arrivés en même temps.

A la maison, j’avais l’habitude d’être couvé. A North Carolina State, ça n’a pas changé. Dès que j’avais un problème, il y avait quelqu’un pour le régler. Je n’ai eu ni frère, ni sœur. Personne pour me donner l’exemple. Je me suis fait ma propre expérience. Sauf que lorsque je faisais une connerie, il y avait toujours quelqu’un pour l’effacer au lieu de me la reprocher. Et plus on m’en donnait, plus j’en voulais. J’avais eu des notes déplorables au lycée mais je m’en fichais. Le test d’admission à la fac, je l’ai pris par-dessus la jambe. Les coaches m’ont dit que j’étais déjà intégré au programme. Que j’avais juste à faire le test, le fameux SAT, pour la forme. D’après eux, mon score n’avait strictement aucune importance. Alors, je n’ai passé que 22 minutes dessus.

J’ai enchaîné les réponses. J’écrivais sans réfléchir à ce que je marquais… Je serais allé encore plus vite si j’avais pu simplement entourer les réponses ! Si les coaches m’avaient demandé 700 ou 800 points pour valider mon admission, j’aurais pu tenter de les obtenir. Ce n’est pas que j’en étais incapable (je vous interdis de me prendre pour un benêt !), c’est juste qu’on ne me l’avait pas expressément demandé. Le test ne servait absolument à rien puisque ma place était assurée.

Des bruits un peu chelous ont commencé à circuler sur mon compte : je n’allais jamais en cours ou très rarement, je n’avais d’étudiant que le nom, Jim Valvano obtenait ce qu’il voulait et faisait en sorte que personne ne s’émeuve de mes absences… Ce sont des anciens coéquipiers qui ont balancé sur moi. Bastards ! Je m’en fous, j’ai quand même eu le droit de jouer. Enfin, non… J’ai disputé 7 matches seulement durant mon année freshman. J’ai déconné : je me suis fait choper en train de voler une chaîne stéréo dans le dortoir… Elle appartenait à un coéquipier.

J’ai mariné 46 heures dans une cellule. Devant le tribunal, j’ai pris du sursis et on m’a imposé une mise à l’épreuve. J’ai aussi été privé de basket pour un an. Abusé ! J’ai tenté de faire passer le truc pour une farce mais personne n’a gobé ça. Le procureur général ne m’a pas loupé. Il a ressorti mon test d’admission à la fac, le SAT. Ça démarrait à 400 points et je n’en avais même pas 500… 470 exactement. Sur 1 600 possibles. Il fallait 540 points pour être normalement admis. Oui eh ben, je n’en ai rien à cirer ! Les études, ça m’a toujours gonflé. Pour capter des rebonds ou vendre des artichauts, on n’a pas besoin de la trigonométrie, à ce que je sache ! Ça a fait un scandale monstre, en tout cas.

L’affaire est ressortie en 1990 à cause du livre « Personal Fouls » de Peter Golenbock. Il s’est bien occupé de mon cas, le Pete… Une enquête de la NCAA a blanchi le coach, Jim Valvano, mais on a découvert que des joueurs se faisaient de l’argent de poche en vendant des tickets de match et des pompes. Comment ça, c’est interdit ? Le résultat, c’est que North Carolina State a été exclu du Tournoi NCAA 1990 et mis sous surveillance pour deux ans. Y’a une commission qui a rendu un rapport de 32 pages sur la question. Et ses conclusions, c’est que Valvano et son staff avaient transgressé « l’esprit de la loi mais pas la lettre ». Alors pourquoi nous a-t-on cherché des poux dans la tête, hein ? Jim a été contraint de démissionner de son poste de coach en avril 1990. C’est dégueulasse !

« On ne demande pas à un basketteur d’être un prix Nobel »

Pas moins de six entités ont mené des investigations dans cette affaire et aucune n’a mis à jour des irrégularités, que ce soit dans les comptes de la fac ou dans le processus de recrutement. Bon, OK, les membres de l’équipe étaient des billes en classe… Onze joueurs seulement ont eu un « C » de moyenne ou plus avant 1988. Mais bon, ça s’explique aussi : Jim recrutait des éléments sur leurs aptitudes physiques, pas sur leur connaissance de la physique quantique ou de l’œuvre de Charles Dickens… On ne demande pas à un basketteur d’être un prix Nobel de chimie en puissance, si ?

Valvano s’est expliqué dans son autobiographie. C’est sorti en 1991. Après ça, il est devenu consultant pour la télé. Son duo avec Dick Vitale était mortel, on les appelait les « Killer Vees ». C’était les V&V. Ils ont joué dans un épisode du « Cosby Show ». Jim est aussi passé chez David Letterman. Il est décédé en mars 1993 d’un cancer des os diagnostiqué en juin de l’année précédente. Anthony LaPaglia, l’acteur australien de « FBI : portés disparus », l’a incarné dans un téléfilm pour une chaîne américaine. J’aime bien l’épitaphe sur sa tombe : « Prenez du temps chaque jour pour rire, penser, pleurer. » Trop puissant !

Quelle histoire pourrie en tout cas… Car vous ne savez pas tout : le bouquin de Golenbock comportait pas mal d’erreurs. Du coup, sa maison d’édition l’a carrément retiré de la circulation. Il est ressorti en édition de poche. J’en ai pris pour mon grade. Tout le monde était d’accord pour dire que j’étais une tache en cours. Go fuck yourselves ! En janvier 1989, l’ancien directeur du département « Education physique » de N.C. State en a remis une couche. Il a prétendu que mes notes avaient été gonflées pour que je puisse jouer dans l’équipe. Même si c’est le cas, franchement, il a eu à s’en plaindre ? Non ? Alors, camembert !

Je ne suis pas parano mais tout le monde m’a allumé. Paraît que je ne bossais pas assez sur le terrain non plus… Bob Gibbons a craché sur moi. C’est un recruteur qui écume les high schools. Il a dit que ma réputation était flatteuse, que je n’étais pas aussi bon qu’on le prétendait, que je ne méritais pas d’être All-American au lycée, que je ne prenais rien au sérieux, que je n’avais aucune éthique de travail… Fuck you, Bob ! Quand Jim Valvano a annoncé que j’intégrais l’équipe, Gibbons a cassé du sucre sur mon dos. Il a dit que j’allais couler le programme de basket. Bullshit ! Les fans des Wolfpack lui ont fait sa fête, croyez-moi.

Certains accordaient du crédit aux propos de Gibbons parce qu’il habitait à 20 miles de chez moi. Mais ma saison sophomore a prouvé que ses déclas, c’était n’importe nawak. 17.6 points et 6.7 rebonds de moyenne : got you ! Sur les deux années, j’ai tourné à 16.4 points, 6.6 rebonds et 0.92 contre. Dans notre raquette, il y avait deux autres futurs joueurs NBA, Chucky Brown et Charles Shackleford. Avec le recul, je me demande comment on a pu louper le titre NCAA… Chucky et Charles n’ont pas fait une grosse carrière dans la Ligue : 5.9 points en 13 ans pour l’un, 5.4 points en 6 ans pour l’autre. Et moi, je n’ai pas relevé le niveau. Faut croire qu’on n’était pas si bons que ça, finalement. Cela dit, je n’étais pas non plus une quiche !

Brad Daugherty a fait un très beau passage à Cleveland. Cinq fois All-Star. Eh bien un soir de février 1986, avant qu’il ne passe pro, je lui ai mis 26 points dans les dents. MDR ! Et les Tar Heels à l’époque, c’était du très lourd. Ils étaient n°1 en NCAA. On avait gagné 76-65. Brad a été retenu en première position de la draft suivante, ça vous situe le niveau. Au printemps 1985, on a été battus 69-60 par St. John’s dans l’Elite Eight. Au printemps 1986, rebelote face à Kansas : 75-67. Louper le Final Four pour moins de 10 points à chaque fois, ça fout la haine mais bon, je pense qu’on n’avait pas à rougir.

En parlant de moi, Vinny Del Negro, le nouveau coach des Clippers, avait sorti la formule à la con qu’on assaisonne à toutes les sauces ici en Amérique : « Sky is the limit ». Avec ma taille et mon talent, rien ne pouvait m’arrêter. Sauf que je n’ai jamais atteint le 7e ciel ! Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Dès le lycée, j’étais parti en sucette. Je buvais de l’alcool et je fumais de la marijuana. En première mi-temps, j’étais stone. En seconde, je m’endormais. Je ne pensais qu’à la gloire et à ce qui allait avec. Le fric, la fête, les filles… Je n’étais pas prêt à faire des sacrifices, à me mettre minable pour mériter tout ça. Après notre défaite contre les Jayhaws dans la « March Madness », un joueur d’une autre fac m’a fait toucher à la coke. J’ai eu une réaction débile. Il me suffisait de refuser. J’ai voulu faire le malin, jouer avec le feu. Je ne suis plus jamais retourné en cours.

J’ai décidé de quitter la fac après seulement deux ans. Je me faisais suer. Et puis je n’avais plus rien à prouver. Les scouts m’ont fait mousser. A les croire, j’avais tous les talents de la Terre. Je pouvais jouer intérieur ou extérieur, planter près du cercle ou de plus loin. Ma cote était très élevée. La preuve : j’ai été retenu en 3e position par Golden State. Beau carton pour l’Atlantic Coast Conference au passage. Brad Daugherty (UNC) a été pris par Cleveland en n°1 et Len Bias (Maryland) par Boston en n°2.

« La mort de Len Bias ne m’a pas servi de leçon »

Si vous lancez une recherche sur Google, vous trouverez une photo célèbre où je pose avec la casquette des Warriors. A ma droite, il y a Len. A la droite de Len, Brad. A la droite de Brad, Chuck Person, retenu par Indiana en 4e position. Et à la droite de Chuck, Kenny Walker, choisi en 5e position par les Knicks. Ça me fout toujours le cafard de revoir cette tof. Brad est devenu un sacré bon pivot. Dommage que des douleurs au dos aient écourté sa carrière. Pour Len et moi, la draft fut le sommet… Au moins ai-je eu ma chance dans la Ligue.

Vous savez ce qui est arrivé à Len. Deux jours après la draft, il succombait à une overdose. Putain, je n’ose imaginer ce que « Frosty » aurait fait en NBA, surtout avec les Celtics des années 80… C’était l’ailier le plus complet et aérien du pays. Red Auerbach a dit que Boston n’avait pas connu pareil choc depuis la mort de John F. Kennedy. C’est dire l’émotion créée par sa disparition. On prétend aussi que Len est le plus grand joueur n’ayant jamais évolué au niveau pro. Il n’avait que 22 ans. Si c’est pas malheureux…

Son frère Jay a été tué par balles en décembre 1990, à 20 ans, après une dispute près de Maryland. C’était un bon joueur de lycée. Mon Dieu, quel gâchis ! Jay est mort dans le même hosto que Len. Ils ont été enterrés au Lincoln Memorial Cemetery. Faites-moi plaisir : si le documentaire « Without Bias » passe un jour sur une télé française (on peut toujours rêver), ne le loupez pas. Cela dit, je n’ai pas de leçons à donner. Moi aussi, j’ai touché à la coke.

J’ai appris la nouvelle du décès de Len alors que je bossais pour la ligue de la police de New York. C’était un programme contre le crime destiné aux athlètes. J’avais un coup dans le nez vu qu’à l’époque, je n’arrêtais pas de sniffer. Un gars est venu me demander ce que je pensais de ce qui était arrivé à Len. Je ne comprenais pas de quoi il voulait parler. Là, il m’a montré un article dans un quotidien. Pendant une minute, je suis resté complètement sous le choc. C’était un truc impossible à admettre… Je ne suis pas allé à l’enterrement. Rien de tout cela n’avait de sens pour moi. Evidemment, ça me touchait de plein fouet puisque j’étais un consommateur de cocaïne régulier. Après la mort de Bias, j’ai arrêté. Oh, pas très longtemps…

Les Warriors m’ont donc choisi. Vous voulez la vérité ? Je ne savais même pas où était basée la franchise… Je l’ai appris très vite. A Oakland. « La ville de la dope ». Je ne pouvais pas tomber plus mal. J’avais un gros problème avec la drogue et Golden State n’allait pas tarder à s’en apercevoir. Cela faisait neuf ans que la franchise n’avait pas disputé les playoffs. George Karl venait d’être nommé coach en remplacement de Johnny Bach. Il s’était fait virer de Cleveland et il ne le méritait pas. James Fitzgerald, le nouveau proprio des Warriors, voulait du changement. Bach connaissait la musique. Il a bouclé ses valises. Il était chez les Bulls lors du premier « threepeat ». Après avoir arrêté le basket, il s’est mis à la peinture. Paraît qu’on vend certaines de ses œuvres aux enchères.

Le soir précédant la draft, George Karl s’est tué les yeux à regarder des vidéos de moi et d’autres joueurs. Il était tenté de prendre Ron Harper mais j’avais l’air d’une pépite. Il me donnait 3 ans pour devenir une star, à condition de bosser et de changer de mentalité. Coach Karl ne cachait pas son inquiétude. Il se demandait si je ne faisais pas partie de ces joueurs qui vous brisent sans cesse le cœur… Je lui ai fait la totale : retards aux entraînements, retards pour prendre le bus, absences injustifiées. Je sortais toujours des excuses en bois. En match, je n’avais pas une attitude positive. Le coach disait que les joueurs comme moi mettaient leur cerveau sous clé. J’ai récolté au moins neuf amendes. Je m’en fichais : le club m’avait fait parapher un joli contrat de 4 ans pour 3 patates. Sweet life.

On dit que cette draft 1986 n’était pas terrible, que les deux promos précédentes étaient plus bandantes… Mais on n’était pas non plus des pipes ! C’est juste que le destin s’est acharné sur nous. On l’a bien aidé, c’est vrai. Quatre joueurs du Top 7 ont touché à la drogue. J’admets sans problème que les Warriors auraient mieux fait de prendre quelqu’un d’autre. Un Mark Price, 25e choix, un Dennis Rodman, 27e, un Jeff Hornacek, 46e… A l’époque, Golden State était à la rue (ça n’a pas trop changé, remarquez). Chris Mullin, évidemment, vous connaissez. Il était à Bercy début octobre pour le match de présaison New York-Minnesota. Y’avait aussi Purvis Short, Joe Barry Carroll, Sleepy Floyd et Terry Teagle. Tous au-dessus des 14 points de moyenne.

Pour m’aider à progresser, les Warriors m’ont mis Joe Barry Carroll dans les pattes. C’était le premier choix de la draft 1980. J’étais censé m’étoffer pour devenir le nouveau Karl Malone. Il faut être franc : ce patronage n’a servi à rien. Une fois l’entraînement fini, je n’avais plus personne pour me recadrer. J’étais livré à moi-même. Donc, à mes démons intérieurs. Greg Ballard a aussi joué la baby-sitter. Au bout de 15 jours, il en avait marre. Il a dit que ce n’était pas son job. Que j’étais assez grand pour savoir ce que j’avais à faire.

On ne me faisait pas spécialement de cadeaux. Comme tous les rookies, j’ai été bizuté. Parmi les corvées, je devais porter les sacs des autres. OK, c’est la tradition. C’était gentillet, on ne me demandait pas non plus de récurer les chiottes avec une brosse à dents comme à l’armée. Mais il m’arrivait de remporter des petits concours de shoots après l’entraînement. On mettait un peu d’argent en jeu. Et quand je gagnais, je n’étais pas toujours payé par les anciens… J’avais 21 ans, je passais toujours pour un gamin. Je donnais une preuve de mon immaturité en me présentant au practice avec de la poudre dans le pif.

Bon, ça ne se présentait pas trop mal : durant un match de présaison contre les Knicks perdu de 23 points, j’avais mis 16 pions. J’ai disputé 35 rencontres cette saison-là. Temps de jeu rikiki : 11 minutes. Vous vouliez que je fasse quoi avec ça ? De la merde ? Eh bien c’est ce que j’ai fait : 3.8 points en shootant à même pas 40% : 39.3… Trop adroit, le pivot ! Aux lancers francs aussi, j’ai fait très fort : 35.3. Heureusement, je n’en ai tiré que 51. Je n’ai été titulaire que deux fois. L’avenir m’appartenait, soi-disant… George Karl a expliqué que ce fut une année de hauts et de bas pour moi. Tu m’étonnes !

« Une cure de désintoxication… pour rien »

Il paraît qu’au coup d’envoi du training camp, j’étais le joueur le plus doué du groupe. Et de loin. Peu à peu, je me suis désintégré. A cause de mon addiction. George Karl a admis que c’était un problème délicat, l’un des plus difficiles à gérer pour un coach. C’est du donnant-donnant. On vous promet ceci si vous faites cela. Et de son propre aveu, il n’a pas assez donné. Il était convaincu que j’avais un gros potentiel. J’ai foutu tout ça en l’air à cause de la schnouf.

J’ai connu une saison rookie complètement pourrie. Souffrant d’une tendinite au genou, j’ai pris des anti-inflammatoires. Erreur fatale. En janvier, j’ai dû me faire traiter pour une infection rénale. Si vous avez lu l’article sur Sean Elliott, vous savez de quoi je parle. A l’époque, tout le monde prenait des anti-inflammatoires. Pas le choix : consommés à fortes doses, ils atténuaient les douleurs aux articulations. Seulement, une trop grosse consommation pouvait provoquer des troubles rénaux. Sean a développé une insuffisance rénale qui a nécessité une transplantation. Alonzo Mourning, idem. Ils ont pu reprendre leur carrière et je leur tire mon chapeau.

Moi, je n’ai pas atteint cette extrémité. Ce n’était que ma première saison dans la Ligue. Mais en tant que « drug addict », j’étais confronté à un problème tout aussi grave. A la fin du mois de janvier, j’ai dû entrer dans une clinique californienne, à Van Nuys, pour entamer une cure de désintoxication. Je crois qu’il y a un animateur de télé très connu chez vous qui est passé par là récemment, non ? Je ne pouvais pas noyer le poisson. J’ai reconnu ma dépendance à la cocaïne. Deux mois plus tard, je suis sorti de la clinique. Je n’ai pas tout de suite réintégré l’équipe. Pas de langue de bois entre nous : cette cure ne m’a été d’aucun secours. Je continuais de me droguer.

Les week-ends démarraient invariablement par un petit tour à la banque. Il me fallait du blé pour assouvir mes pulsions. Je claquais 20 000 $ en crack et en prostituées. Le lundi matin à la première heure, j’étais de retour à la banque. Ma carrière m’a rapporté 1,25 million de dollars ? J’ai flambé un million. Minimum. Il fallait payer les putes, les chambres d’hôtel, les locations… Je n’aimais pas débarquer dans une maison inhabitée, faire mon rail et planer dans le noir. Je payais pour qu’on puisse éclairer. Je me retrouvais avec des gars qui n’avaient même pas l’eau courante. Il fallait aller dans la salle de bains et pisser dans un seau. Vous voyez le tableau ?

J’étais joueur NBA. J’avais, en apparence, une vie de rêve. Je jouais devant des milliers de personnes. L’envers du décor, c’était la défonce dans des lieux sordides. J’avais une maison de 550 m2 bâtie sur un flanc de montagne et je me retrouvais à sniffer sur un sol sale, sans moquette ni parquet, parce qu’il n’était pas question pour moi de décrocher. J’ai merdé. C’est très con parce que Golden State a fini l’année 1986-87 avec un bilan positif : 42-40… Heureusement que j’ai pu faire les playoffs ! On a sorti Utah 3-2. Les Lakers nous ont battus 4-1 en demi-finales de Conférence. On s’incline face au futur champion après 10 ans sans playoffs : moi, je dis « Respect ». J’ai joué un total de 29 minutes, réparties sur 5 matches. Forcément, fallait pas me demander la lune. J’ai rapporté 11 points (3/7), 1 rebond et 2 passes. J’ai aussi perdu 4 ballons et fait 2 fautes. Ce dont je suis fier, c’est mon 5/6 aux lancers francs. Je sais, c’est pas Byzance…

Au début, George Karl voulait me faire jouer avec Joe Barry Carroll, alias « J.B. ». Mais il n’a pas aimé ce qu’il a vu. Larry Smith a réintégré le cinq. C’était un super rebondeur. D’après eux, je ne foutais rien en défense et je me voyais déjà option n°1 en attaque sous prétexte que j’étais go-to-guy chez les Wolfpack. Larry m’a fait comprendre que c’était l’équipe de « J.B. ». Que je devais me bouger. J’ai fait mine de comprendre. En fait, je ne voulais rien entendre. Aujourd’hui, je dois bien reconnaître que l’équipe était meilleure sans moi. Sleepy Floyd était le deuxième meilleur meneur à l’Ouest derrière Magic Johnson. Et on jouait sans Purvis Short, touché au genou gauche en novembre contre Cleveland.

Purvis avait sorti un truc marrant : avec Larry Smith en 4, les Lakers seraient facilement champions ; si Larry pouvait rentrer à l’intérieur de mon corps, c’est nous qui serions champions ! A l’époque, ça sentait déjà le vinaigre. Larry ne me voyait pas passer une saison de plus dans la Baie. Le coach expliquait que je m’étais remué la couenne au training camp. Puis que quelqu’un avait réussi à pénétrer dans mon cerveau pour me dissuader de trimer. A partir de là, j’avais commencé à branler le mammouth. Je me mettais en tenue, je me trouvais beau. Je regardais les tribunes pour voir qui était en train de m’admirer… Des gars comme Rod Higgins et Ben McDonald rêvaient d’avoir 1/10e de mes qualités athlétiques. Ils ne comprenaient pas que je foute tout ça en l’air.

George Karl n’avait de cesse de le répéter : au fond, je n’étais pas un mauvais garçon. Je n’étais pas plus bête que les autres. Je ne comprenais simplement pas que la vie m’avait fait un cadeau divin. Quand j’ai voulu faire le malin, il m’a demandé si je détenais seulement un record à North Caroline State… Lui en partageait un chez les Spurs. Cinq interceptions dans un match de playoffs. Il m’a dit que j’étais incapable de faire ça sur une année. Je lui ai demandé du temps de jeu. Il m’a répondu que je n’étais même pas concentré quand on installait des systèmes pour moi. Pas faux.

« Dr J a voulu m’aider, je n’ai pas ouvert la porte »

Al Attles, le vice-président, est venu me trouver. Il avait coaché l’équipe de 1970 à 83. Il m’a dit que les Warriors ne me donnaient pas tout cet argent parce qu’ils m’aimaient bien mais parce qu’ils attendaient beaucoup en retour. Je n’avais rien dans le ciboulot ? Bien sûr que si. On a cru que j’étais un âne parce que je ne la ramenais pas. On pensait que je ne savais pas m’exprimer, que j’avais une cervelle de moineau. On me balançait régulièrement ce fichu SAT à la figure. Oh ! Vous allez comprendre qu’on m’avait juste demandé d’inscrire mon nom sur la feuille ?

J’avais cruellement besoin d’un mentor. Julius Erving aurait pu être celui-là. Au début de la saison, on avait affronté Philadelphie. « Dr J » était venu me voir avant le match et m’avait demandé si on pouvait se rencontrer à l’hôtel des Sixers après la rencontre. A l’époque, je vivais moi-même à l’hôtel. Il devait passer me voir. Quand il est arrivé, je suis resté impassible derrière la porte. Je me tenais là, debout. Je l’ai regardé à travers le judas jusqu’à ce qu’il s’en aille. Je ne lui ai pas ouvert. Aurait-il pu me sauver à ce moment-là ? Je ne le saurai jamais. Il me tendait une main. Je ne l’ai pas acceptée…

Ce n’était pas le seul à vouloir m’aider. J’avais acheté une belle maison à Oakland Hills, près du Caldecott Tunnel. Raymond Chester, un ancien Raider, avait joué les agents immobiliers pour moi. Parmi mes voisins, il y avait Reggie Jackson et Rickey Henderson, deux joueurs de baseball. Tous deux ont évolué chez les Oakland Athletics, en MLB. Un jour, Rickey est venu se présenter. Je lui ai serré la main, je me suis pressé de rentrer, de claquer la porte et d’aller me faire un rail. Je sais, c’était nul. Je me suis bêtement isolé.

J’aurais aimé pouvoir bosser sur la durée à Golden State. Les Warriors m’ont condamné trop vite. Comme Clifford Rozier, tiens. Evidemment, mon comportement n’était pas irréprochable. La dope m’a fait déraper. Il m’arrivait de débarquer à la salle à quelques minutes du tipoff. J’ai fait un calcul très con. Louper tous les entraînements me coûtait 10 000 $ en amendes. Si je me présentais au gymnase après avoir sniffé et que je me faisais pincer, c’était 20 000 $. Mieux valait sécher les entraînements… Très vite, tout le monde a compris mon petit manège.

Mes coéquipiers se sont posé des questions. Ils savaient que quelque chose ne tournait pas rond mais ils ne savaient pas quoi faire pour m’aider. La Ligue ne préparait pas les joueurs à cela. Et très franchement, ce n’était pas leur rôle. Mais quelqu’un comme Purvis Short, meilleur marqueur de l’équipe en 1986, ne demandait pas mieux que de m’aider. Le hic, c’est qu’il ne savait pas comment. Lutter contre ce fléau en NBA, c’était comme s’aventurer sur un territoire inexploré.

La saison 1987-88 a démarré sur les mêmes bases : 4.1 points et 2.5 rebonds en un peu moins de 11 minutes. Je vous l’accorde : 43.8% aux tirs, c’était intolérable pour un pivot, d’autant que j’étais ambidextre. Mais Golden State aurait dû me laisser un peu de temps. Au lieu de ça, ils m’ont échangé contre les droits sur Ken Barlow le 15 décembre 1987. Bon, la nomination de Don Nelson comme GM durant l’été avait aussi changé la donne. Dès le training camp, il m’avait dans le nez. Il est allé trouver Coach Karl pour lui dire que mon départ était souhaitable. Voilà comment je me suis retrouvé à Atlanta, dans l’équipe de Dominique Wilkins et Doc Rivers. Ah, au fait : Ken Barlow n’a jamais joué en NBA…

Nelson m’a dégommé. Il a dit que tout en moi était négatif. Que j’étais paresseux. Que j’avais une attitude déplorable. Lui aussi pensait que je pouvais aller très haut si j’exploitais tout mon potentiel. Mais il n’attendait strictement rien de moi. Il était convaincu que j’étais foutu. En Géorgie, j’ai changé mon n°8 pour le 50. Ça ne s’est pas arrangé : mon temps de jeu a été divisé par deux… Devant moi, il y avait Kevin Willis, Antoine Carr, Jon Koncak – bon, OK, lui aussi était nul -, Tree Rollins et Scott Hastings. J’aurais voulu vous y voir, vous ! C’est clair qu’à 2 points de moyenne, je ne servais à rien.

L’équipe a terminé 3e de la Central avec 50 victoires. On a battu Milwaukee 3-2 au premier tour des playoffs avant de pousser Boston jusqu’à un Match 7 en demi-finales de Conférence. Perdu de deux points, 118-116. Je n’ai fait qu’un bout de rencontre. Deux minutes et rien à me mettre sous la dent. Merci, Mike Fratello… J’ai atteint des sommets de frustration. Et puis j’avais une mentalité déplorable.

Le gouvernement soviétique nous a invités pour une tournée l’été suivant. C’était une première, aucune équipe NBA n’avait évolué en U.R.S.S. J’ai dit que je ne mettrais pas les pieds en Russie, que j’avais l’habitude de passer les étés chez moi, en Caroline du Nord. Ce n’était pas non plus une position isolée. Cinq joueurs sur douze étaient partants. Seulement cinq, parmi lesquels Doc Rivers et Randy Wittman, aujourd’hui assistant coach à Washington. Pour Spud Webb, Antoine Carr et Kevin Willis, c’était non. Do Wilkins avait d’autres engagements. Le club ne pouvait pas nous forcer à y aller. Que croyez-vous que Stan Kasten, le président des Hawks, ait fait ? Il m’a sacqué. Lui aussi. Il a dit que j’étais immature et que c’est pour ça que j’étais incapable de franchir le palier pro.

« Le plus gros bide de la draft après Sam Bowie ? »

Je pense que les choses auraient été très différentes si Golden State m’avait envoyé à Portland ou Utah. Atlanta, ce n’était pas un endroit pour un « drug addict ». Je me suis fait pincer dans un contrôle anti-dopage. Suspension d’un an. En juin 1989, j’ai échoué pour la troisième fois à un test. Sanction : suspension à vie. Ma carrière NBA s’est arrêtée là, à seulement 24 ans. Game over. J’ai disputé 29 matches pour les Hawks. Plus 8 pour les Warriors. Plus 35 la première année. Total : 72. Points en carrière : 222.

Vous savez ce qu’est un « bust » ? C’est un gars à qui l’on promet monts et merveilles et qui se viande en beauté. Eh bien je suis très bien placé dans tous les Top 10 des busts de la draft. On me met régulièrement sur le podium des bides. Les Trail Blazers ont été bien cool de préférer Sam Bowie à Michael Jordan en 1984. Je ne peux pas lutter avec Sam. La première place, elle est pour lui. C’est clair, il n’a pas été aidé par les blessures. Mais bon, ignorer le futur meilleur joueur de tous les temps, voilà quoi !

Font très fort, les gars de Portland. On savait que Kevin Durant deviendrait l’un des deux ou trois meilleurs joueurs de la Ligue mais ils lui ont préféré Greg Oden qui avait des genoux en compote avant même d’avoir disputé un match chez les pros. Rien à dire, les scouts font du bon boulot… A la place de Bowie, les Trail Blazers auraient aussi pu prendre Charles Barkley, Alvin Robertson, Otis Thorpe ou John Stockton. Mais non, il leur fallait un pivot. Ils ne devaient pas avoir entendu parler de Sam Perkins et Kevin Willis. Portland a retenu Jerome Kersey en 46e position de la promo 1984. Même lui s’en est mieux sorti que Bowie.

Donc, pour la première place, pas d’hésitation possible : Sam. Les doigts dans le nez. Enfin, ça, c’est valable pour l’ère moderne. Parce que LaRue Martin, n°1 en 1972, c’était très fort aussi. Et qui était sur le coup ? Toujours Portland ! L’équipe avait deux ans d’existence. Ils ont ignoré Boc McAdoo et Julius Erving, deux futurs Hall of Famers, pour prendre Martin. Bien vu. McAdoo et « Dr J », c’est 3 titres NBA, 1 titre de MVP, 9 sélections All-NBA et 16 All-Star Games à eux deux. Martin ? 5.3 points par match en 4 ans. Top of ze top !

Dans ma prochaine lettre, je vous parlerai de Ken Durrett, Corky Calhoun, Kent Benson, Bill Garnett, Steve Stipanovich ou Dennis Hopson… Billy Owens ? Shawn Bradley ? Joe Smith ? Michael Olowokandi ? Kwame Brown ? Bien placés eux aussi mais vous les connaissez, je ne vous apprendrai rien. Je vous l’ai dit au début de ma lettre : je fais partie de l’élite de la lose. 1986, c’était du très haut niveau. Roy Tarpley a payé cash ses problèmes de drogue. William Bedford a pris des kilos. Moi, j’ai mixé les deux pour tomber magistralement dans l’oubli. A ma façon, j’ai assuré le spectacle. Mais pas sur le terrain. Dans ma descente aux enfers.

Après l’arrêt prématuré de ma carrière de basketteur, je suis parti à Houston. La police m’a coincé. Les cops ont trouvé une pipe à coke dans mon appartement. Pendant quelques années, j’ai vécu dans la rue. Comme un clodo. Je menais une vie de clochard. Je faisais les poubelles pour trouver de quoi manger. Je volais sur les étalages des magasins. Ma mère m’avait demandé de mettre ses coordonnées dans ma poche. Comme ça, si la police me retrouvait mort, elle pouvait être alertée…

Je l’appelais le matin pour lui demander du fric. Je la rappelais le soir pour lui dire que je ne me souvenais pas où je l’avais mis et qu’il m’en fallait à nouveau. Je couvrais un mensonge par un autre mensonge. On a dû lui faire comprendre que j’étais un camé et que ça ne datait pas d’hier. Elle ne voulait pas l’admettre. Et moi, je ne voulais pas qu’elle le sache. Ma maman s’appelait Savannah. Mon papa Dwight. Ma mère est tombée enceinte à 40 ans, dans la 15e année de son mariage. Je vous l’ai dit : je n’ai ni frère, ni sœur. Elle considérait cette grossesse tardive comme un miracle. Un cadeau de Dieu. Tout ce qu’elle voulait, c’est que je sois en bonne santé. Elle s’occuperait du reste.

« Prison Break version basket »

Je dormais dans des maisons abandonnées, des immeubles désaffectés. Je squattais là où je pouvais. Je gardais les mêmes fringues pendant une semaine. Parfois des mois… Ça schlinguait, les gars, et pas qu’un peu ! Je continuais de me défoncer. Je traînais dans mes vêtements usés et râpés jusqu’à ce qu’un dealer prenne pitié de moi et m’emmène dans un magasin pour acheter de quoi me changer. J’ai connu, je crois, ce qu’on appelle « la déchéance ». A l’époque, je faisais ce qu’il était nécessaire de faire pour simplement survivre.

J’ai passé du temps derrière les barreaux entre 1991 et 94. Une fois un an, une autre treize mois. J’ai plongé à cause de la coke, évidemment. La seconde fois, j’étais en période de probation. Ma femme m’a plaqué à cette époque. En taule, je jouais un peu au basket. J’ai vraiment touché le fond. Quelques années plus tôt, j’étais sur un parquet devant une foule de 15 000 personnes. Là, je me retrouvais dans la cour d’une prison avec des malabars portant des sandales ou des Rangers. Pas de cheerleaders sur la touche. Juste d’autres prisonniers couverts de tatouages et s’envoyant des soft drinks. J’avais l’impression d’être dans un film. Complètement surréaliste, le truc ! Prenez la prison de haute sécurité au Panama dans la saison 3 de « Prison Break ». Vous me mettez à la place du gosse qui porte le maillot de Tracy McGrady et vous aurez un tableau de la situation…

Une fois dehors, je prenais ce que je trouvais. Je suis retourné en Caroline du Nord. J’ai fait quelques piges comme joueur en Grèce, en Suisse, à Porto Rico, en ligues mineures CBA et USBL… Souvent, j’étais hors de forme. J’avais perdu goût au basket. C’était dur de retrouver l’appétit. Quand la meilleure Ligue au monde vous bannit, tout ce que vous goûtez derrière vous paraît fade.

J’avais pris du poids. Je n’avais plus la flamme. La balle orange était devenue vraiment secondaire dans ma vie. Un quotidien de Charlotte a écrit que la poussière d’ange avait eu des effets secondaires sur moi. Il n’y avait pas que ça. Regardez Charles Barkley. Ce n’est pas à cause de la drogue qu’il a pris du poids. J’avais facilement 45 kg de trop. Tout ça parce que j’avais arrêté de jouer et de m’entretenir. Mais je suis content d’être encore là et de pouvoir vous écrire. Je me souviens d’articles dans les années 80 qui affirmaient que j’étais un toxico de première et que je claquerais avant mes 25 ans. Raté.

Je crois qu’on vous a beaucoup parlé de John Lucas. C’est un ancien alcoolique et drogué. Il a réussi à s’en sortir et depuis, il aide les joueurs en difficulté comme moi. John m’a dirigé vers une douzaine de centres spécialisés. J’ai essayé de refaire surface, sincèrement. Je n’y suis pas arrivé. A chaque fois que je sortais, un dealer était là pour m’emmener fêter ma « guérison »… Et puis le 17 juin 2000, miracle : j’ai dit « Stop ». J’étais malade et fatigué d’être malade et fatigué.

« Je voulais jouer aussi longtemps que Kareem… »

J’en avais marre d’avoir les poches vides. Je ne voulais plus demander 20 ou 30 balles à ma mère. Elle avait 70 ans, elle n’avait pas à traîner un boulet derrière elle. Certains drogués cassent leur pipe ou se retrouvent derrière les barreaux. Moi, j’avais la chance d’être encore en vie et de pouvoir me réinsérer dans la société. C’est malheureux à dire mais à 35 ans, je me suis enfin réveillé. J’ai tourné le dos à mon passé et repris ma vie en main. J’ai tenu bon. Depuis cette date, je n’ai pas replongé. Je suis clean. Je suis un homme neuf. Mon seul péché mignon aujourd’hui, c’est la bouffe…

Je dois reconnaître que le big market 2010 m’a fichu un coup. C’est un aperçu de tout ce que j’ai manqué. Si je n’avais pas fait le con, j’aurais amassé des millions et j’aurais laissé mon nom dans l’histoire de ce jeu. Je l’ai fait mais pas de la bonne manière. Du conte de fées, on est passé au roman noir. Si mon exemple pouvait au moins servir à d’autres… J’étais censé entrer au Hall of Fame. Je le sais. Au lieu de ça, je figure au Hall of Shame. Je suis resté un géant endormi. Vous savez quoi ? Je voulais jouer aussi longtemps que Kareem Abdul-Jabbar ! Mon plus redoutable adversaire, finalement, ce fut Chris Washburn.

Ça fait 22 ans que j’ai quitté la NBA. Pendant que d’autres s’asseyaient sur une montagne de billets verts, moi, je dormais à même le sol, dans des centres pour toxicos. J’ai bouffé des conserves pourries. J’ai passé du temps en prison. J’ai claqué tout mon pognon dans la coke. Je n’avais qu’une obsession : pouvoir faire mon rail. J’ai écumé les unités spécialisées. Mais comme je le disais plus haut, je suis sorti de cet enfer. Ça fait 10 ans que je n’ai pas touché aux drogues. Je vis à Dallas et je bosse pour une société d’emprunts. J’ai quatre fistons et je ne veux surtout pas qu’ils reproduisent mes erreurs.

Je m’attache à reconstruire ce que j’ai démoli. La drogue a fait beaucoup de dégâts dans ma vie. Elle en a aussi fait dans la leur. Je suis plus proche des deux derniers que des deux premiers, Chris Jr et Julian, mais ce n’est pas non plus le type de relation que je souhaite à un père. Je dois encore faire le ménage dans mon passé. Heureusement, plus rien ne m’en empêche. Et surtout pas la poudre. Julian joue au basket. C’est un ailier de 2 m. Il est très doué.

Le samedi soir, je prends la parole dans un centre pour toxicos. Durant le All-Star week-end 2010, j’ai retrouvé Purvis Short. Il m’a demandé d’intervenir dans un camp pour lycéens en Virginie. D’après Purvis, j’ai assuré comme une bête ! Tout ce qui sortait de ma bouche venait du cœur. J’ai décrit une réalité crue. C’est ce que j’avais vécu. J’ai connu de très mauvais trips. J’ai fréquenté des personnes peu recommandables. Je ne souhaite à aucun gamin de connaître ça. J’ai dit aux mômes de garder la tête sur les épaules. De ne jamais toucher à la moindre drogue. D’arriver à l’heure aux entraînements. D’écouter leurs parents. Mon exemple doit leur servir. Len Bias n’est plus là pour parler de ce qu’il a traversé. Moi, si. C’est ma mission.

A Hickory, tout le monde est fier d’un gars du coin qui s’est fait un nom grâce au sport. Ce gars, ce n’est pas moi, c’est le pilote de NASCAR Dale Jarrett. J’aurais pu devenir une superstar en NBA. J’ai tout foiré. Ça a commencé par une bière. A l’arrivée, j’ai peut-être perdu 100 millions de dollars. Quand j’ai réalisé que je n’étais pas un être à part, j’ai eu du mal à refaire surface. J’ai utilisé mon statut de joueur NBA pour ouvrir certaines portes. Et cette Ligue vous ouvre des portes qui feraient mieux de rester fermées… Si cette lettre peut donner de l’espoir à ceux qui ont connu la galère, cela suffira à mon bonheur. Merci à tous de m’avoir lu.

Amitiés sportives,

Chris Washburn »

NB : Pour éviter toute confusion, ceci est une lettre imaginaire inventée à partir d’un article de Marc Spears de Yahoo Sport (que nous remercions au passage).
Crédit photos : D.R.

Stats

2 ans

72 matches (2 fois starter)

3.1 pts, 2.4 rbds, 0.3 pd, 0.2 int, 0.2 ct

41.2% aux tirs, 0% à 3 points, 43.9% aux lancers francs

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