NBA – Draymond Green et les Warriors ont tyrannisé la ligue pendant des années. En fin de règne, ils doivent changer. Pour éviter de transformer la gloire en ridicule.
Lorsque Draymond Green a étranglé Rudy Gobert, j’ai cherché s’il y avait des déclarations sur l’inimitié entre les deux hommes. Pourquoi le joueur de Golden State déteste-t-il autant le pivot des Wolves ? Pourquoi le tacle-t-il à chaque occasion ?
Le résultat de mes recherches n’était pas assez clair à mes yeux, mais il y a un commentaire, posté sur Reddit il y a deux ans, qui m’a semblé vraiment intéressant. Voici ce qu’il disait :
« Beaucoup de gens sont déroutés. Mais cela (l’animosité de Draymond Green envers Rudy Gobert) n’a rien à voir avec le fait qu’il soit français, qu’il soit aussi un défenseur et n’a même rien à voir avec le talent. Ou du moins pas directement. Ce n’est certainement pas une question de microphones (la blague de Rudy Gobert au moment du Covid). Je vais l’expliquer très simplement.
Beaucoup de joueurs de la NBA sont des « bullies » (des tyrans de la vie quotidienne).
C’est un mélange entre différentes personnalités et structure sociale. Les personnes extraverties qui cherchent à attirer l’attention, comme Shaq et Draymond, essaient de prendre le contrôle d’une hiérarchie sociale par la force de leur personnalité.
Les autres peuvent réagir de deux manières différentes. En réponse, vous pouvez (a) accepter l’humiliation (« bien sûr que tu es le meilleur »), (b) dominer en retour ou être déjà tellement établi que vous êtes au sommet par défaut (« n’essaie même pas mec »), ou (c) montrer que vous vous en fichez (« peu importe mec, on se voit au match demain »).
Si, pour une raison quelconque, vous ne pouvez pas être dans l’une de ces catégories, vous devenez une sorte d’ennemi. Je suis presque sûr que chacun d’entre nous, à partir de 14 ans, s’est retrouvé quelque part dans cette situation stupide, et si vous vous souvenez du gars qui a été le plus malmené, c’est peut-être Gobert. Trop fier pour baisser la tête, mais incapable de « dominer » en retour (la protection du cercle est une question d’atténuation et non de domination), et pire que tout, clairement sensible (c’est pourquoi le fait de pleurer est si important).
Est-ce que tout cela n’est qu’un ramassis de conneries stupides dignes de lycéens ? Oh oui. Tout à fait. Mais la NBA est une hiérarchie sociale lycéenne étendue, et la plupart de ces gars n’en sortent pas avant d’avoir quitté la ligue. »
J’ai repensé à ce commentaire en écoutant le podcast de Draymond Green, dans lequel il revient sur sa suspension suite à son étranglement de Rudy Gobert puis sa manchette sur Jusuf Nurkic. Il y a sûrement un peu de cinéma et de « storytelling », j’ai notamment beaucoup de doutes sur le fait qu’il a réellement envisagé de prendre sa retraite quelques mois après avoir signé sa prolongation de contrat à 100 millions de dollars avec les Warriors.
Mais il y a des choses très intéressantes. Draymond Green explique notamment avoir écouté le maximum de critiques suite à sa suspension, car c’est son essence. Le quadruple champion se motive en cherchant à prouver aux autres qu’ils ont tort. C’est la définition même du « bully », qui a besoin de rabaisser les autres pour s’élever lui-même.
Quelle autre essence pour le moteur de Draymond Green ?
Mais ce dont le joueur des Warriors est bien conscient, c’est aussi qu’il ne serait pas là où il en est sans cette mentalité. Enfant d’une mère célibataire pauvre du Michigan, Draymond Green avait besoin de cette essence pour aller aussi loin. « La raison pour laquelle vous connaissez le nom de Draymond Green, c’est en partie parce que je suis capable de prendre tout ça et de dire : ‘Regarde ce que je te fais avec l’essence que tu m’as donné’ » lâche-t-il clairement.
C’est pour cela que Draymond Green a longtemps répété qu’il ne changerait pas. Parce qu’il ne sait pas vraiment si son moteur peut fonctionner autrement…
Le plus important, à mon sens, dans le podcast de l’ailier fort, c’est le message de Steve Kerr quand le coach est venu lui rendre visite. « Finissons ça comme il faut ». C’est clairement le même message que celui que le coach a fait passer à Klay Thompson, lui aussi frustré, même si le « Splash Brother » l’exprime d’une façon différente.
« Steve et moi avons eu une super conversation hier, qui m’a aidé à réellement me détendre » expliquait ainsi l’arrière/ailier. « Parfois, j’oublie le succès et la chance que j’ai eus, de faire partie d’une équipe qui a remporté des titres, d’aller au All-Star Game, de gagner des médailles d’or (avec Team USA). Quand on veut retrouver ça à tout prix, on peut être tenté de le forcer, plutôt que de le laisser venir naturellement. »
Steve Kerr a aussi demandé à Klay Thompson de « finir ça comme il faut ».
« On a eu une conversation sur le fait de vraiment apprécier ce dernier chapitre de ma carrière, sur le fait que je suis vraiment chanceux de pouvoir toujours pratiquer ce jeu. De le faire à haut niveau. Que je dois être un meilleur mentor pour les jeunes, être un leader par l’exemple. D’être dans la bonne énergie à chaque match. Ça m’a fait comprendre que j’avais une énergie négative et que ça affectait l’équipe » continuait le « Splash Brother ».
La dynastie des Warriors touche en effet à sa fin, et elle est peut-être même déjà terminée. Les joueurs de la Baie ont tyrannisé la ligue. Ce n’est plus le cas et il leur faut désormais l’accepter. Ils ne peuvent plus se comporter comme des tyrans de lycée.
Pour les philosophes grecs, la différence entre un roi et un tyran venait du fait qu’un roi, sûr de son pouvoir, pouvait se concentrer sur la vertu et le bien commun. Le tyran, en danger constant de perdre son trône, était lui forcé de régner par la peur. Et il devenait d’autant plus cruel et plus tyrannique que la menace sur son pouvoir augmentait.
C’est vrai sur un trône comme dans le grand lycée de la NBA. Les Warriors, et en particulier Draymond Green, doivent accepter leur déclassement dans la hiérarchie de la Grande Ligue.
Rien n’est plus seul et ridicule qu’un tyran sans pouvoir.