Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques 2000 à Sydney, de bronze aux Championnats d’Europe en 2005, Fred Weis fut un cadre de l’équipe de France de basket durant huit ans, entre 1999 et 2007. L’ancien joueur du Limoges CSP et de Malaga cumule 100 sélections à son compteur. Aujourd’hui retraité, il reste un observateur très avisé du basket français et européen. Comme l’an passé pour l’Eurobasket, il s’installe avec nous autour de l’équipe de France pour nous confier ses pensées sur cette quête des Jeux Olympiques de Rio. Après le match face aux Philippines, il revient aujourd’hui sur la victoire des Bleus face à la Nouvelle-Zélande.
La France gagne 66-59 face à la Nouvelle-Zélande, malgré trois quart-temps compliqués. Elle se reprend dans l’ultime période mais peut-on dire que c’est un hold up ?
Oui, complètement. On a encore joué à se faire peur. Quand tu regardes les deux équipes, tu vois que la France est meilleure sauf que ça fait deux rencontres qu’ils ne rentrent pas bien dans leur match. Face aux Philippines, on pouvait avoir une explication : c’était le premier match, contre une équipe à domicile, etc… Mais justement, après une ouverture très moyenne, ils étaient un peu obligés de se reprendre là.
Les joueurs ne sont pas capables de marquer un trois-points en première mi-temps, c’était la grosse honte.
En plus, on insiste dans ce secteur. Normalement, si ça ne rentre pas, tu t’arrêtes.
47 rebonds des Néo-Zélandais. En tant que pivot, quel est ton ressenti face à cette stat ?
Je crois qu’il y a un joueur qui prend à lui seul 7 rebonds offensif (en fait, 8 pour Isaac Fotu et 6 pour Mika Vukona). Franchement, ça va bien que c’est la Nouvelle-Zélande mais les Turcs sont très grands, les Canadiens sont très athlétiques et très grands aussi, donc ça va être beaucoup plus compliqué là. On va passer à une nouvelle étape du tournoi, si l’on n’est pas capable de lutter au rebond, on va souffrir. On ne tient pas les duels, on ne tient pas les un-contre-un. On ne parvient pas à arrêter les extérieurs, donc quand ils ont un shoot ouvert, soit ils marquent ou ils ratent mais dans ce dernier cas, comme on est en retard sur tout, il y a toujours un mec mieux placé que nous, tu rajoutes un peu plus d’énergie et un peu plus d’envie et ça donne ça. Ce qui m’énerve, c’est la passivité. On va encore reprocher aux pivots de ne pas faire leur travail sauf que si l’on se fait bouffer à l’extérieur sur les un-contre-un comme aujourd’hui, on est obligé d’aider et c’est pour ça que leurs joueurs prennent des pivots. Ça m’ennuie car si on tenait les duels, nos pivots seraient leurs mecs et ces derniers prendraient moins de rebonds. Ça, ça a tendance à m’énerver.
À la décharge des Bleus, les rotations de Vincent Collet semblent encore être en phase de test. Ça peut jouer sur leur constance ?
Oui, je suis d’accord et on voit que Vincent Collet se garde des réserves pour les prochains matchs et c’est bien, on en aura besoin car là, on a joué contre deux équipes pas mauvaises mais si tout va bien, on va maintenant affronter deux très bonnes équipes.
Parmi les satisfactions du jour, j’imagine que tu veux dire un mot sur Mike Gelabale, précieux dans tous les secteurs, notamment la lutte dans la raquette ?
Comme d’habitude, Mike est bon avec les paniers qu’il faut, dont un trois-points impressionnant. Kim Tillie a été bon sur la fin et Thomas Heurtel nous fait beaucoup de bien, aussi, dans le dernier quart-temps. D’autant qu’on était pas très bon à trois-points avant le sien… Tony (Parker) était un peu plus en-dessous aujourd’hui mais il ne peut pas toujours être bon, c’est normal, sauf que dans ce cas, il faut que les autres compensent autour.
On évite le Canada mais même si la Turquie n’est plus cette grande équipe des années 2000, cela reste un groupe très talentueux, dont les joueurs ont l’expérience du meilleur niveau, américain ou européen. À ce stade, les retards sur les rotations évoqués paraissent fatals.
Ah non, mais si on ne s’y met pas en défense dès le début, car l’on voit que la France a de la marge et que dès qu’elle défend, c’est extraordinaire mais si l’on ne commence pas dès le début, on ne va pas pouvoir revenir comme on l’a fait là sur le dernier quart-temps et sur les deux derniers matchs. On passe à une catégorie supérieure.
On a évoqué les rebonds et le problème de la taille. Nous n’en avions pas parlé lors de notre premier entretien mais Alexis Ajinça a été coupé avant le TQO. Est-ce un choix que tu regrettes, d’autant qu’on sait que Rudy Gobert ne viendra pas avant les J.O ?
Quand on voit les problèmes de prise de position face aux très grands et la domination des adversaires sur le rebond offensif, on ne peut honnêtement que regretter l’absence d’Ajinça. Maintenant, Coach Collet a fait ses choix et je pense qu’il avait une bonne raison de ne pas le prendre. Moi, je ne la connais pas, contrairement à lui, donc je ne vais pas discuter son choix. Après, c’est clair que moi, dans l’ignorance de cette explication, je l’aurais pris.
Il y aura probablement aussi un choix à faire sur la ligne arrière, surtout si Evan Fournier revient en cas de qualification, comme il le souhaite. Ce soir, le grain de folie de Thomas Heurtel nous sauve. Penses-tu que c’est de bonne augure pour lui au moment de la sélection finale ?
Je trouve Thomas Heurtel plutôt pas mal, il nous met un panier à trois-points compliqué qui tombe vraiment bien. Je sais que ce n’est pas un arrière mais Kim Tillie est aussi très bon sur la fin. Pour en revenir aux extérieurs, à ce moment précis, à l’instant T, je pense que Thomas Heurtel est meilleur qu’Antoine Diot. C’est certain.
Propos recueillis par Jérémy Le Bescont
(Remerciements à Adidas)