Après avoir parcouru le nord des Etats-Unis, de Minneapolis à Milwaukee, en passant par Detroit, notre photographe Thomas Savoja a pris la direction de New York pour vivre au rythme de la fin de la saison universitaire.
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J’ai parcouru de long en large les Etats-Unis, mais New York est assurément une cité à part dans le paysage des métropoles US. Elle n’est en tout cas jamais timide lorsqu’il s’agit d’affirmer sa supériorité sur le reste du pays. Le monde du Basket n’échappe pas à la règle. Avec deux franchises NBA, 6 équipes évoluant en Division I NCAA, des ligues lycéennes parmi les plus compétitives du pays sans parler d’une culture « Basket de rue » inégalée : nous sommes bien dans « La Mecque » du Basketball, le surnom du Madison Square Garden.
Le mois de février n’est jamais très hospitalier dans la Big Apple mais le millésime 2015 s’annonce spécialement gratiné au regard des blocs de glace qui encombrent l’Hudson River le jour de mon arrivée. C’est dans cette atmosphère polaire que j’arpenterais la ville pour vous faire découvrir les endroits qui comptent en matière de Basketball avec un focus particulier sur le basket Universitaire à l’approche de March Madness.
Ma promenade débute à Brooklyn où j’ai pris mes quartiers. Je loge à Prospect Height dans un « Brownstone », ces fameuses maisons de pierre brunes. Elles attirent les familles fuyant la frénésie de Manhattan et ses petites surfaces aux loyers prohibitifs et qui cherchent à s’installer dans les alentours hype de Prospect Park. Ici on supporte les Nets car le Barclays Center n’est qu’à une station de Métro sur Atlantic Avenue. En face de la salle, je fais quelques emplettes chez Marshall’s où le maillot de Kevin Garnett est bradé à 15 dollars. Puis je remonte à pied sur 1km Flatbush Avenue et ses immeubles décorés de fresques « street art » pour rejoindre le campus de Long Island University. Les Blackbirds (12-17) évoluent dans la NEC et et ne brillent pas vraiment cette saison. Il n’en reste pas moins que les rencontres face aux voisins et rivaux du St Francis College (22-10) situé à Brooklyn Height juste en face du fameux pont s’avèrent toujours intenses et disputées. D’autant que les Terriers, leaders de leur conférence, évoluent dans une salle intime et accueillante où l’ambiance est bouillante et les fans sont assis tout près du parquet.
Un peu plus au Nord, du côté de Dumbo, je déguste une fameuse pizza chez Grimaldi’s avant de faire un petit crochet par le Cumberland Hospital qui a vu naître un certain Michael Jordan. Il est désormais temps de prendre le « D train » qui me conduit en 20 minutes à Manhattan jusqu’à Morningside Heights au nord-ouest de Central Park à quelques encablures de Harlem. Ce quartier paisible héberge la prestigieuse université de Columbia (13-13): Les « Ivy Leaguers » disposent d’un orchestre étudiant de premier choix qui met à chaque match une ambiance de feu dans une conférence qui a l’habitude de produire quelques cendrillons lors du tournoi final (Cornell en 2010 ou Harvard en 2013).
A deux pas d’ici se trouve le mythique Rucker Park nommé en l’honneur d’Holcombe Rucker, professeur à Harlem qui fut le premier à organiser un tournoi de basket sur les playgrounds du parc dans les années 50. Quand on connait les grands noms qui ont arpenté l’endroit, de Julius Irving à Wilt Chamberlain en passant par Lew Alcindor (devenu plus tard Kareem Abdul-Jabbar), ça impressionne. Plus au sud de Manhattan du côté de Greenwich village se trouve du côté de la 4e rue un autre playground de légende appelé « The cage ». Il y a souvent foule les beaux jours mais en ce moment avec la neige qui est tombée c’est plutôt le fantôme d’Anthony Mason qui flotte derrière les grilles.
Alors que le soleil s’est totalement couché et qu’un froid piquant est tombé sur la ville, il est désormais temps de descendre Manhattan jusqu’à la 33e rue. En sortant du Subway, je débouche à l’angle de la 6e avenue sur la silhouette cylindrique du « saint des saints » qui est ce soir habillé de rouge. Autoproclamée « salle la plus célèbre du monde », le Madison Square Garden reste un sanctuaire où vibre l’âme du Basketball. J’ai la chance d’y shooter ce soir une rencontre de la BIG EAST entre l’équipe locale de St Jonh’s et les Muskeeters de Xavier. Le Red Storm évolue normalement dans le Queens du côté de Jamaica. Mais pour cette 80e saison du programme de Basket, les plus belles affiches ont été délocalisées au MSG pour mon plus grand bonheur. C’est la première fois que je mets le pied au Garden et cette salle a un sacré cachet. Pour ne rien gâcher ma famille est dans les tribunes.
Une jolie blonde délivre une interprétation vibrante de l’hymne national et les hostilités peuvent débuter. Même si le match ne se joue pas à guichets fermés, il n’y en a pas moins une superbe ambiance et le spectacle est au rendez-vous sur le parquet comme en tribune. La rencontre est à couteaux tirés et les deux équipes se rendent coup pour coup. Les Johnette’s, l’équipe locale de Cheerleaders toutes de rouge vêtues, excellent dans leurs chorégraphies hip hop alors que le « Pep band » ne cesse de jouer des airs endiablés qui met le public dans un état de semi transe. Le niveau d’engagement est impressionnant et j’avoue que je me régale à shooter cette rencontre universitaire.
Le décalage horaire a eu raison du fiston en tribune malgré les efforts redoublés de Johnny la mascotte du Red Storm. Les protagonistes nous livrent un final irrespirable. Un layup de l’omniprésent Sir’Dominic Pointer en contre-attaque donne à St. John’s un avantage de 5 points à deux minutes du terme mais Xavier répond par un Dunk surpuissant et réussit un stop sur la possession suivante. Trevon Bluiett obtient alors deux lancers francs pour revenir à un point de St John’s avec 25 secondes à jouer. Xavier a une dernière possession pour tenter la décision mais Myles Davis parti dans un dribble fou manque le panier et les locaux sécurisent le rebond.
D’Angelo Harrison la star tatoué de St John’s inscrira finalement 20 points et son acolyte Sir’Dominic Pointer en ajoutera 19 pour permettre au Red Storm (19-9) de battre Xavier (18-11) sur le score de 58 à 57 et enregistrer leur seconde victoire en 10 jours face aux Musketeers. St John’s pointe désormais en 5e position de la BIG EAST et semble bien partie pour décrocher un ticket pour le Tournoi NCAA.
Après une nuit de repos bien méritée, j’orchestre un départ matinal pour Battery Park sur la pointe sud de Manhattan. J’embarque à bord du Ferry qui mène à Staten Island. La balade est spectaculaire avec une vue de choix sur le Skyline de Manhattan et sur la Statue de liberté. Une fois débarqué, il ne me faut que quelques minutes pour atteindre Wagner College et son campus verdoyant dans le style des Colleges anglais. Les Seahawks (10-20) évoluent dans la NEC et viennent de réaliser une saison décevante même si l’équipe n’est apparue qu’une fois dans son histoire dans le tournoi NCAA.
Pour terminer ce tour d’horizon, il me faut remonter tout au nord en direction du Bronx. Le quartier à mauvaise réputation mais tout au bout de la péninsule au delà de la 242e rue du côté du verdoyant Riverdale se trouve l’antique Gymnase Draddy où évoluent les Jaspers (16-13) de l’Université de Manhattan pensionnaires de la MAAC. A moins de 3 km au sud se trouve le campus de l’Université de Fordham (9-19). Les Rams évoluent quand à eux dans la compétitive Atlantic 10 et affichent régulièrement de belles fréquentations dans leur gymnase historique de Rose Hill qui n’est autre que la deuxième plus ancienne salle de Division I.
Dire que certains affirment que New York n’est plus vraiment la Mecque du Basket ! Le « All Star Game » qui se déroulait ici le mois dernier ne comptait effectivement qu’un unique joueur originaire de la ville en la personne de Carmelo Anthony qui a passé sa jeunesse à Brooklyn. Mais après cette promenade aux quatre coins de la grosse pomme, j’espère vous avoir convaincus du contraire !
Toutes les photos du match st John’s vs Xavier : Flickr