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Les blogs de la rédaction

Shawn Kemp : mon Education sentimentale

Par  — 

tumblr_lyf0aqNcxd1qm9rypo1_1280Quoi du Flaubert sur BasketUSA ?

En fait, je vous explique. Je m’apprêtais à regarder une vidéo de l’excellent site Grantland quand tout à coup, j’aperçois une petite vignette Shawn Kemp dans les vidéos proposées. Je clique immédiatement et me voilà lancé sur une séquence que j’attendais depuis bien longtemps…

Le panel de l’émission Open Court* s’adresse enfin au sujet Shawn Kemp. Dans la famille des « Et si », je voudrais le Reignman !

Ce fichu lockout…

Le débat démarre : et si Shawn Kemp était resté en forme après le lockout de 1998 ? Et si le fantastique ailier qui progressait chaque année, statistiques à l’appui, avait poursuivi son incroyable ascension ?

D’emblée, vous vous ferez votre propre opinion, je suis assez d’accord avec Kenny Smith. Ne nous le cachons pas, le Jet est le plus partisan dans l’histoire, compatissant avec Kemp malgré sa décadence certaine. Il affirme que l’ailier des Sonics n’a pas à rougir de sa carrière.

« Pour moi, ce n’est pas un ‘et si’ ! Il a exploité son potentiel et on l’a vu en action ! »

Ses capacités athlétiques, son sens du dunk (et du spectacle) et ses qualités basket (son shoot extérieur sous-estimé), il les a montrées pendant sa carrière. Même à Orlando ou à Portland quand il ressemblait plus au Bibendum Michelin qu’au joueur félin qui avait dunké sur Alton Lister pour l’éternité, Kemp est resté un joueur NBA avec des qualités indéniables.

Ah, s’il n’y avait pas eu ce fichu lockout ! Si la NBA était bien ce monde féérique de dunks, de alley-oops et de passes dans le dos !

Mais évidemment, non ! La NBA est un business et pour le jeune fan naïf que j’étais dans ma campagne franchouillarde, la réalité du postérieur joufflu de mon idole d’enfance révélait la triste réalité économique de mon sport préféré, le tout signifiant peu ou prou mon passage à l’âge adulte. Rien ne sera plus jamais comme avant !

Quelques chiffres pour se consoler d’un temps révolu…

Et c’est là qu’intervient ce bon Gustave avec son roman d’apprentissage, ou Bildungsroman comme diraient les Allemands. L’Education sentimentale (1869, année stylistique) est une oeuvre majeure de la littérature française. C’est l’histoire d’un provincial qui monte à la capitale pour faire ses études et perd peu à peu pied dans cette société urbaine complexe et romanesque. C’est en fait la parabole du passage à l’âge adulte, avec toute l’ironie jouissive de la gouaille flaubercienne.

Comme Frédéric Moreau s’est épris de Madame Arnoux, j’étais profondément amoureux de Shawn Kemp. Je guettais la moindre de ses apparitions dans mes magazines ou dans les vidéos que j’accumulais par cousins ou copains interposés. C’est le premier joueur qui m’a impressionné… et pour tout dire, c’est lui qui m’a vraiment convaincu que le basket était le sport le plus classe du monde (salut les footeux!) avec ses arabesques en l’air, ses dunks surpuissants et sa vitesse balle en mains (à ses débuts, hein!).

Mais là encore, comme Fred, j’ai vite déchanté. Pour lui, ce fut les coucheries et les tromperies du sérail parisien. Pour moi, ce fut le lockout 98 et ses conséquences désastreuses ! Non seulement on nous prive de basket, mais que vois-je là ? Une photo avec un Kemp énormissime dans une ligue d’été quelconque. Le choc est brutal (et sa légende continue de vivre)…

Mes posters taille XXL du Kemp version Sonics avaient beau trôner dans ma chambre, les highlights du Kemp, époque Cavs, JailBlazers et encore pire Magic, se faisaient bien rares. A l’époque, je vérifiais méthodiquement tous les box scores du Reignman sur le jeune site de la NBA ou dans le Basket Hebdo d’alors. Mais rien… ou pas grand chose. Quelques chiffres pour se consoler d’un temps révolu…

George Karl: « Le meilleur joueur des Finals 96 »

Plus tard, j’aurai l’occasion de papoter un peu avec des proches du dossier, en l’occurrence George Karl et Gary Payton. Pour le premier, j’ai dû fouiller dans mes archives. C’était le 8 avril 2011 à l’occasion d’un match de fin de saison régulière entre Denver et OKC (remporté par le Thunder 104-89). A peine revenu du traitement pour soigner son cancer, coach Karl nous offre quelques instants pour discuter du bon vieux temps des Sonics.

« J’ai eu la chance de voir Shawn Kemp grandir sous mes yeux. Quand je l’ai connu, il ne comprenait pas grand-chose au basket de haut niveau et en 1996, quand on arrive en finale, il est pour moi le meilleur joueur sur le terrain. Je le pense vraiment. Il avait tellement de talent, et des deux côtés du terrain. On a rarement vu autant d’explosivité pour un joueur de cette taille. Il pouvait galoper et terminer très haut. Blake Griffin présente une comparaison décente mais il est plus petit que Shawn. C’est malheureux que certaines décisions financières l’aient autant affecté. Je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé à ce moment-là mais Shawn a toujours été très professionnel quand il s’est agi de faire le boulot sur le terrain. »

Pour le second, c’était à Paris il n’y a pas si longtemps, en janvier dernier. Et encore maintenant, le Glove regrette amèrement la manière dont le duo magique des Supersonics a été démantelé en 1997.

« Franchement, c’était dur. J’ai toujours pensé, et je continue de le croire, que nous aurions tous les deux dû finir notre carrière ensemble à Seattle. Mais bon, il a pris une décision liée au business. On lui proposait beaucoup d’argent et il est parti. Il ne voulait pas se mettre en danger et c’était une décision importante. On en a énormément parlé entre nous à l’époque. Et j’aurais souhaité qu’il fasse différemment… et je pense que lui aussi aurait préféré que ça se passe différemment. Je suis convaincu que lui et moi, on aurait fini au Hall of Fame comme Stockton et Malone si on était resté ensemble. »

L’âge adulte et le temps de l’analyse

A posteriori, il est évident que beaucoup de facteurs sont entrés en ligne de compte pour expliquer une telle pantalonnade. La situation contractuelle de Kemp aux Sonics a effectivement joué un rôle, et ce surtout après la signature du contrat mirobolant de Jim McIlvaine, un pivot journeyman dont on a déjà tout oublié. Mais cela ne peut pas tout expliquer…

Une raison que l’on oublie trop souvent d’évoquer est la non-sélection, choquante, de Kemp dans la Dream Team 96. Quand on sait le petit bijou de saison** qu’avait effectuée Kemp cette année-là (20 points, 11 rebonds à 56% de réussite… et encore mieux en playoffs: 21 points, 10 rebonds à 57%), ce choix est tout bonnement incompréhensible. Le motif invoqué sera le comportement de Kemp, parfois excessif (un dunk en se prenant les parties intimes en main), lors de sa précédente campagne internationale en 1994 à Toronto avec la Dream Team 2 – par ailleurs invaincue.

La difficile saison 1996-97 qui s’en est suivie n’arrangera rien et Kemp quittera Seattle pour Cleveland. Sa première année y sera étonnamment bonne, avec une cape All Star et un accessit aux playoffs. Mais ce n’était que le début de la fin…

« A mon avis, c’est parce qu’il a obtenu beaucoup de succès trop tôt dans sa carrière. Quand on arrive dans la ligue avant 20 ans et qu’on construit une équipe avec autant de succès, ça se paye par la suite car il n’avait pas les outils pour vivre ce succès avec sagesse. »

Brent Barry a raison de souligner que le parcours atypique de Kemp, passé du lycée aux pros (avec un scandale au passage à la fac de Kentucky  dans lequel il sera blanchi) lui est revenu par un violent effet boomerang. Pas forcément préparé à la vie du basketteur au chômage technique, le Reignman n’a plus ses repères habituels. Et au contraire, ses nouvelles libertés lui montent à la tête.

Il cède, il fait relâche. La drogue, les filles, la bouffe… La vie quoi ! Dans tous ses excès certes, mais la vie. Pour celui qui n’a pas eu d’adolescence, c’est le schéma classique !

Il croque dans la vie comme il enfourne le ballon dans le cercle !

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Appelé ‘ManChild’ lors de ses premières années dans la ligue, au début des années 1990 (ça remonte!), Shawn Kemp a appris la vie sur le tas. Sérieux au boulot jusqu’au moment où il en a eu marre d’être pris pour un jambon, le Reignman a foutu sa carrière en l’air mais pour profiter de la vie à la hauteur de son appétit. Gargantuesque, en l’occurrence.

Désormais rangé à Seattle, avec son restaurant, Oscar’s Kitchen, Shawn Kemp coule des jours heureux dans la ville de la pluie. Encore engagé avec sa marque de toujours, Reebok, qui n’a pas hésité à dégainer les vieux modèles de Kamikaze (en plus des Shaq et des Answer d’Iverson), Kemp semble vivre en paix avec lui-même. Les poursuites judiciaires pour payer les pensions alimentaires des gosses qu’il a eus pendant sa période (optimiste) épicurienne / (pessimiste) destructrice sont désormais loin dans le rétroviseur.

Certes, la fin de carrière de Shawn Kemp n’a pas été à la hauteur de la légende qu’il s’était appliquée à construire pendant huit années passées sous la tunique verte et jaune des Sonics. Mais (Gary) peut-on vraiment lui jeter la pierre ? Le garçon a craqué après une dizaine d’années à jouer, penser, vivre basket sans interruption.

Kemp a craqué pour croquer dans la vie comme il enfourne le ballon dans le cercle…

« S’il jouait aujourd’hui, il prendrait une suspension de 5 matchs à chacun de ses dunks. Juste à cause de la violence avec laquelle il dunke » conclut Isaiah Thomas.

Ainsi s’en est allée l’idole de ma jeunesse, avec sa part de passion, de mystère et d’exploits, comme tout bon héros d’un grand roman.

La séquence d’Open Court

https://www.youtube.com/watch?v=3KlLVh7p-c4

Un Top 50 de ses meilleurs dunks (parmi tant d’autres)

Vidéo en cours de chargement...

 

* Et on ne pourra que regretter que Charles Barkley, Chris Webber ou Shaq ne fassent pas partie de ce débat…

** Sachez pour info, que rapportées sur 100 possessions, toujours sur la saison 95-96, Kemp aurait tourné à 30 points et 18 rebonds de moyenne avec une telle réussite aux tirs.

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