Jamais l’Equipe de France n’était peut-être apparue aussi belle et aussi ambitieuse avant une compétition. De Nicolas Batum à Vincent Collet, pour la première fois, on affichait ses ambitions : on voulait faire mieux que le bronze en 2019 à la Coupe du monde, et mieux que l’argent remporté aux Jeux olympiques, puis à l’Euro. En clair, on visait l’or ! Une progression logique pour l’une des meilleures nations de basket.
Et puis, tout s’est écroulé ! Une bonne mi-temps face au Canada, et ensuite le trou noir. D’abord, une défaite de 30 points face aux coéquipiers de Shai Gilgeous-Alexander. « Une branlée » pour Evan Fournier, « un crochet » pour Rudy Gobert. Globalement, les commentaires étaient les mêmes : il fallait prendre une bonne claque pour redescendre sur terre. Sauf que l’Equipe de France a creusé sa propre tombe dans les sept dernières minutes du match face à la Lettonie. En tête d’une dizaine de points sans jamais maîtriser son sujet, la France a coulé, et la Lettonie l’a coiffée au poteau. Une courte défaite (86-88), synonyme de qualification pour les Lettons, et d’élimination pour les Bleus.
Un problème « politique » ?
Depuis dimanche soir, les « tauliers » comme on les appelle et leur coach ont tenté de trouver les mots pour expliquer ce fiasco. Pour Rudy Gobert, c’était un problème d’état d’esprit. Pour lui, les Bleus ont oublié qu’il fallait « se salir les mains » pour gagner. Pour Nicolas Batum, c’est un problème plus global, et sans le citer, l’ailier des Clippers a évoqué la suspension de Thomas Heurtel, écarté de l’Equipe de France pour avoir accepté un contrat en Russie.
« Tout le monde doit se remettre en question : joueurs, coachs, fédération, même là-haut. Tout le monde doit se remettre en question sur ce qu’il s’est passé cet été et pourquoi ça n’a pas été bon. On se prive de certains joueurs, on perd des joueurs à cause de certaines conditions. (…) Les joueurs, on a déconné, certes, mais y a une grosse remise en question à faire pour beaucoup, beaucoup de personnes. Il me reste un an avec cette équipe-là. On a besoin de tout le monde à Paris, on a besoin des meilleures conditions. J’en ai rien à foutre de ce qui est politique ou je sais pas quoi. Il nous faut la meilleure Equipe de France possible. »
Depuis le retrait de Tony Parker, l’Equipe de France n’a jamais gagné sur son talent
Pour Collet, la France a simplement oublié le sens du mot « humilité« . Peut-être qu’elle a aussi oublié qu’elle avait deux intérieurs qui peuvent dominer sous le cercle, peut-être qu’elle a oublié ce qu’était un écran retard, peut-être qu’elle a oublié que la maitrise de ses nerfs est essentielle dans une grande compétition. Peut-être qu’on avait aussi oublié que la France s’en était sortie sur des victoires miraculeuses à l’Euro, et qu’elle ne maitrisait déjà pas son sujet.
« Je ne l’ai pas dit assez fort avant qu’on commence la compétition mais on ne peut pas être performants à ce niveau dans un tel concert de concurrence si on n’a pas l’humilité pour se battre. Ça n’empêche pas l’ambition. Bien sûr qu’il faut aussi du talent, mais ce qu’on a pu faire ces dernières années n’étaient pas fait qu’autour du talent. Le croire serait une erreur fondamentale. C’était un travail de tous les instants pour être une grande équipe. »
Le feuilleton Lessort
Peut-être aussi que la blessure de Frank Ntilikina, qui montait en puissance lors de la préparation, a perturbé le groupe. Peut-être que le feuilleton Lessort aussi. Absent pendant toute la préparation, l’intérieur du Pana a débarqué à Jakarta sans jouer le moindre match amical, ni participé à aucun entraînement collectif. Vincent Collet ne cessait de dire que son profil était essentiel au groupe. Un vrai « energizer ». Mais comment s’intégrer dans un collectif en quelques jours ? Comment modifier des rotations et un groupe qui avaient fonctionné pendant la préparation ?
A l’extérieur, Evan Fournier a été l’arbre qui cache la forêt dans les deux rencontres. Tant qu’il mettait dedans, l’équipe surnageait. Et une fois qu’il a été muselé ou maladroit, les Bleus ont été inexistants. Pourquoi ? Peut-être parce que notre collectif ne permet pas de compenser une baisse de régime individuelle. Peut-être parce qu’on ne sait toujours pas servir ses intérieurs. Même lorsqu’ils ont la main chaude comme Guerschon Yabusele face à la Lettonie. L’ailier-fort du Real Madrid inscrit 18 points, mais il ne prend que 9 tirs. C’est moitié moins que Fournier…
L’utilisation de Rudy Gobert
Enfin, les maux de la préparation n’ont jamais été corrigés. Des maux qui ne datent pas d’hier, comme les balles perdues, le rebond, le manque de mouvements en attaque… Les systèmes sont exécutés de manière scolaire, et le pauvre Rudy Gobert se contente de suivre la circulation de la balle pour prendre la position préférentielle. Même lorsqu’il est libre, il ne reçoit pas forcément le ballon. Comme sur cette dernière action. Sylvain Francisco prend le 3-points pour la gagne, alors que Gobert est seul, sous le cercle. Une action symbole d’une équipe de France qui n’a jamais vraiment fait confiance à son meilleur joueur, et ça ne date pas d’hier, préférant rêver d’un Joel Embiid ou d’un Victor Wembanyama. Le pivot des Wolves n’a pris qu’un tir dans le match. Un dunk dans le « money time ». Une discrétion qui nous renvoie forcément aux propos de Collet il y a trois semaines.
« Je suis persuadé qu’à l’intérieur, on a de quoi dominer beaucoup d’équipes » expliquait le sélectionneur. « Je le pensais déjà l’année passée, mais nous n’avions pas réussi à exploiter ce potentiel. Parce qu’on n’avait pas la qualité nécessaire pour mettre la balle à l’intérieur. Ce ne sont pas des passes évidentes à faire. Cette année, les deux meilleurs passeurs sont revenus [De Colo et Batum, ndlr] et on voit comment ça influence le jeu. Et également les autres joueurs qui ne la mettaient pas forcément avant… Mais ça doit venir aussi des intérieurs qui doivent prendre de bonnes positions. [Rudy] prend de meilleures positions que l’an passé, et dès [aujourd’hui], on va continuer à travailler ça. »
Au final, depuis trois semaines, rien n’a été fait, et la sanction est tombée.