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Les blogs de la rédaction

Faut-il en vouloir à Derrick Rose de déjà ménager son corps ?

Par  — 

rose-irvingSans le vouloir, Derrick Rose a créé une (immense) onde de choc dans le microcosme NBA. En affirmant qu’il allait « davantage se ménager » cette saison, quitte à rater des matchs, le meneur des Bulls a ouvert la boîte de Pandore des sports professionnels: peut-on « se gérer » quand on est un compétiteur grassement payé pour ça ? Peut-on décemment penser à son après-carrière, à sa vie après le basket, quand on est une star avec un salaire démesuré ? En somme, un joueur NBA est-il bien libre de son propre corps ?

Luol Deng: « Derrick jouait blessé en début de carrière »

Dans la foulée, Charles Barkley et Shaquille O’Neal ont réagi sur le plateau de TNT en critiquant de manière virulente les commentaires de D-Rose.

« J’adore Derrick mais ce qu’il a dit est tout simplement stupide ! » a balancé le Chuckster. « On a un boulot formidable, le meilleur du monde à pratiquer notre passion. Je trouve ses propos irrespectueux pour ceux qui travaillent dur et n’ont pas la chance de gagner aussi bien leur vie. J’ai moi-même des genoux complètement détruits mais je ne regrette rien. Quand je rentre chez moi, j’ai une immense maison qui m’attend. Notre métier comporte des risques mais ils ne sont rien comparés aux sacrifices que font d’autres personnes moins chanceuses. »

Avec le Shaq qui a développé l’antienne: « Si je peux marcher, je peux jouer », l’ancienne école semble donc outrée de l’attitude de Rose qui a simplement expliqué qu’il allait se ménager un peu cette saison après deux campagnes minées par les blessures graves. Avouant à demi-mot qu’il veut contrôler son effort et sa débauche d’énergie pendant la saison régulière, Rose a semble-t-il brisé un code implicite de la NBA et du sportif de haut-niveau en général si l’on en croit le dernier blog d’Edwige Lawson-Wade

En tous les cas, ces sorties médiatiques de Barkley et O’Neal ont touché Luol Deng. L’ailier natif du Soudan désormais posé à South Beach n’a effectivement pas apprécié ces commentaires. Et l’ancien des Bulls est donc monté au créneau pour défendre son ancien coéquipier et ami.

« Derrick, je l’ai vu grandir depuis son année rookie. Quand il est arrivé dans la ligue, Joakim et moi, on lui disait tout le temps de ne pas jouer quand il était blessé. Mais il voulait toujours mettre l’équipe et la ville avant sa santé. Et même blessé, il jouait ! Je pense vraiment que ses blessures récentes viennent du fait qu’il jouait blessé. On lui disait de ne pas le faire mais il était déterminé. Il voulait représenter sa ville. Maintenant, après ses deux grosses opérations, il a changé d’approche. »

Le vrai problème, c’est le rythme infernal des saisons NBA

Avec 15 matches joués en tout et pour tout sur ces deux dernières saisons, la phrase de Rose ne me choque pas plus que cela. Au contraire, ça coule de source quand on sait la fatigue et l’enchaînement des efforts que provoque une saison NBA longue de 82 matchs (et ça, c’est sans les playoffs) ! Pour remettre les choses en contexte, le garçon est passé du statut de meilleur joueur de la meilleure ligue à celui de grand blessé dont la carrière est mise au frigo entre son sacre de MVP en mai 2011 et sa première blessure en playoffs (mai) 2012…

Evidemment, les émoluments du joueur font grincer des dents, et c’est bien normal car les 90 millions de dollars qu’ont investis les Bulls sur le joueur Rose il y a deux ans devraient rassurer l’homme Derrick sur son avenir et celui des siens. Mais avancer ces chiffres pour critiquer son discours est un recours un peu trop facile. A ce compte-là, il faudrait alors mettre tous nos hommes politiques, chefs d’entreprises et autres magnats des banques au pilori pour leurs salaires disproportionnés… Dans le fond, personne n’a forcé les Bulls à lui proposer un tel contrat !

Non, la réalité de la chose, c’est que Rose n’a certes pas été très habile dans sa logorrhée ; et que, comme (trop) souvent, ses propos ont été sortis de leur contexte et « soufflés hors de proportion » comme on dirait là-bas… Mais ce sont les médias qui ont créé cette situation. Scruté et placé sous le microscope lors de ses longues absences et ses rééducations successives, Rose alimentait encore tous les sites d’information cet été avec Team USA ou pour son retour cette saison. Avec chacun de ses moindres faits et gestes analysés et disséqués, cette formule malheureuse allait inévitablement lui valoir l’opprobre publique.

Mais il faut savoir raison garder ! Et la première chose, c’est encore de se mettre à la place de Derrick Rose. Pour preuve, on en veut la réaction du nouveau coéquipier de Deng à Miami, un certain Dwyane Wade.

« Quand je me suis cassé l’épaule [en 2007], ça a changé beaucoup de choses dans ma vie, sur ma façon de penser à l’avenir. » ajoute Wade. « Oui, on pense évidemment aux conséquences à long-terme dans ces moments-là. On ne sait jamais ce qui peut arriver. On est tous bien conscients de pratiquer un sport physique qui aura nécessairement un coût sur notre corps. Il faut avoir fait face à ce type de blessure qui peuvent vous coûter votre carrière pour savoir ce qu’il ressent. »

Derrick Rose ne veut pas évoluer quand il n’est pas à 100%. C’est un voeu louable en soi. C’est forcément dommage pour le spectacle mais, très franchement, je préfère le voir en civil à se ménager que le voir jouer comme il l’a fait avec Team USA, avec le frein à main et le shoot de travers… Pire que de le voir se blesser à nouveau un soir où il aura joué quatre matches en cinq soirs.

Et puis, si D-Rose veut hypothéquer sa légende, après tout, ça le regarde ! Quand les Spurs se prennent une amende pour avoir reposé leurs trois joueurs stars, ils ne bronchent pas mais le principe est le même: il s’agit bel et bien de contrôler la dépense d’efforts physiques, de régénérer le corps pour les véritables échéances des playoffs ! Rose ne fait rien d’autre mais parce qu’il l’a explicitement évoqué son après-carrière, ça devient choquant ?

« Les gens veulent nous idolâtrer et idolâtrer Derrick quand il joue blessé mais quand il a une grosse blessure et qu’il ne joue pas, c’est la même rengaine qui revient: ‘pourquoi il ne joue pas?’. En fait, il a toujours tort. » conclut Deng.

L’erreur de la confusion entre la cause et l’effet

Et le vrai problème est bien là: on veut (nous le public, les fans) avoir des matchs compétitifs où les joueurs se donnent à 100% de leurs moyens physiques à tous les matchs, mais sans assumer les blessures qui sont inévitables. Pour moi, c’est encore la question du format de la saison NBA qui ressurgit violemment ! Dans un sport de plus en plus physique, 82 matchs, c’est trop et c’est tout simplement intenable… à moins d’en accepter les conséquences et donc le repos (forcé) de certaines des stars NBA !

On ne peut pas exiger d’un joueur NBA qu’il soit bon à chacun de ses matchs quand une saison compte plus de 100 matchs pendant l’année… En l’occurrence, est-il préférable de voir Rose se reposer pendant les matchs d’hiver qui comptent presque pour du beurre et le voir au sommet de son art lors des prochains playoffs; ou alors le voir lutter et jouer misérablement en novembre et prendre le risque de ne pas le voir du tout (car blessé gravement) lors des prochains playoffs. Comme lors de ces trois dernières années…

Dans toute cette histoire, Derrick Rose est en fait le bouc-émissaire d’une question bien plus large, et il prend en fait toutes les critiques qui devraient retomber sur la NBA et son calendrier infernal ! Comme souvent, il est plus facile de trouver une cible extérieure pour l’accabler de critiques plutôt que de se regarder dans le miroir et faire son auto-critique. Car avant de tirer sur l’ambulance D-Rose, les fans et les critiques qui lui tombent sur le râble feraient bien de se demander s’ils veulent, oui ou non, un spectacle NBA avec leurs stars à leur meilleur niveau sur un nombre réduit de matchs, ou des saisons NBA toujours aussi longues et économiquement pérennes… mais sans les stars qui transcendent le jeu !

Dans Le Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche évoque les quatre grandes erreurs de l’être humain dans sa manière de raisonner et de faire sens du monde réel. Le premier de ces pêchés cardinaux de la pensée humaine est « l’erreur de la confusion entre la cause et l’effet ». On est ici en plein dedans…

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