Une des choses les plus agréables de Milwaukee, au-delà de la statue du héros de Happy Days Fonzie, c’est la disponibilité des joueurs au Bradley Center. Surtout quand le joueur courtisé est étranger. « Je ne pensais pas voir de journalistes français ici ! », s’amuse Tony Parker en plein serrage de pinces, une heure avant la facile victoire face aux Bucks.
Eh oui Tony, Basket USA – accompagné de Romain Brunet de l’Equipe 21 – a fait le trajet de Chicago pour venir tailler la bavette avec toi !
Tony, Pop’ a élargi sa rotation, avec un banc plus impliqué et plus efficace. Depuis le début de saison, tu joues 30 minutes en moyenne, c’est quelque chose qui avait été discuté en amont avec le coach ou c’est le contexte des matches qui l’a dicté ?
Bien sûr que je le savais, Pop m’avait prévenu. On a fini la saison précédente fin juin et moi j’ai enchaîné avec l’équipe de France et on connaît Pop, il est un peu parano avec les blessures. Le plus important pour lui c’est qu’on soit au top pour les playoffs. Pour l’instant y’a dû avoir je crois sept matches dans lesquels je n’ai pas joué le quatrième quart temps et moins de trente minutes. C’est la première fois de ma carrière. J’adhère à cette stratégie, je préfère garde mon énergie pour la fin de la saison. C’est vrai que ce n’est pas facile d’enchaîner des longues saisons avec des campagnes en équipe de France, surtout que moi ça fait dix ans que je joue tous les étés. Et puis ce que fait Pop là ça va me permettre de jouer plus longtemps et comme j’ai envie de jouer pendant encore pas mal d’années, je suis sûr que ça va me servir.
Est-ce que cette plus grande implication du banc et une rotation à 11 voire 12 joueurs explique la productivité des remplaçants ? Hier face à Toronto, vous avez encore trois remplaçants en double-figure !
Logiquement quand tu joues plus, t’as plus de chances d’être en double-figure quand tu sors du banc. Les remplaçants savent qu’on va compter sur eux, avec Tim Duncan qui a 37 ans, Manu 36 ans et moi qui sors d’un gros été. C’est important qu’ils soient prêts et performants car ça na vous servir à l’avenir pour les playoffs.
Le coach vient de juste de dire que Manu (Ginoboli) n’avait pas en aussi grande forme depuis longtemps, après ne pas avoir eu d’obligations internationales pendant l’été. Tu confirmes cette analyse ?
Manu est en forme, ça c’est clair. Il joue bien et ça se voit sur le parquet. Après à savoir si c’est parce qu’il n’a pas joué cet été, c’est un peu l’éternel débat. Moi je joue tous les étés depuis dix ans et chaque année je progresse et joue de mieux en mieux. C’est un débat dans lequel je ne vais pas rentrer car chaque joueur est différent. Il faut se concentrer sur le fait que Manu est en forme, c’est le principal. Après, le pourquoi du comment…
« Jouer moins pour jouer plus longtemps »
Quand tu parles du banc et de sa rentabilité, tu évoques le temps de jeu. Mais le fait de jouer plus n’est pas tout le temps la garantie de marquer plus. Chez vous à San Antonio, ça l’est. Est-ce que finalement ce n’est pas ça la touche Spurs ?
Oui c’est sûr que jouer plus n’est pas automatiquement synonyme d’un meilleur scoring. Mais bon, chez nous les joueurs sont talentueux. Pop a toujours fait confiance à son banc et là en ce moment, ils sont biens.
Récemment en discutant avec Ian (Mahinmi) et Nico (Batum), les deux mettaient en avant le modèle Spurs. Ian pour rapprocher ce que ce construisent les Pacers depuis cinq ans, Nico pour évoquer la constance des Spurs dans le cours d’un même match. Est-ce pour toi, ce modèle que vous avez construite avec Tim et le coach restera finalement comme un de tes plus beaux héritages ?
C’est vrai que les Pacers nous ressemblent et qu’en général, grâce à notre banc, on arrive à garder une avance, même si ce n’est pas tout le temps le cas. Donc oui, bien sûr que ce modèle restera mais ça, c’est le genre de trucs dont les journalistes parleront quand je serai à la retraite. Après, c’est vrai que cette longévité est impressionnante, d’être à ce niveau là pendant autant d’années, de continuer à gagner. Même moi ça me bluffe encore quand je me dis que ça fait 13 ans que je suis en NBA et qu’on continue de gagner. Le niveau de discipline ici pour être performant à chaque match est très, très élevé. C’est bien mais le plus beau, c’est de terminer avec le titre car c’est ce dont se souviennent les gens.
Est-ce que c’est ça qui explique que quand vous avez des joueurs de qualité, forcément derrière ça suit et les gars sont performants ? Car les gros échecs individuels sont très rares aux Spurs !
C’est complètement ça, je suis d’accord. Belle analyse.
Merci ! Et est-ce que tu es aussi d’accord si je te dis qu’à San Antonio, c’est la franchise qui fait le joueur et pas l’inverse ?
C’est un juste milieu. Nous avons des joueurs intelligents, on laisse Pop nous coacher (rire). Il est toujours le premier à nous dire qu’il nous remercie de pouvoir nous coacher comme il le fait, car sa façon de faire ne pourrait pas marcher partout en NBA, c’est sûr. Je le répète, il y a des joueurs intelligents ici, tout ce qui compte pour nous c’est que l’équipe gagne. On sait que Pop est un grand coach et qu’il veut gagner autant que nous, donc on l’accepte.
C’est aussi ça qui est impressionnant chez vous, c’est cette constance dans le discours et le message. Si je reprends une interview de toi en 2005, 2007 ou 2009, tu y dis la même chose !
Tout simplement parce que c’est la vérité. Je ne vais pas changer mon discours si c’est la vérité (rire). Chaque joueur qui vient ici sait qu’il doit respecter le coach et l’histoire de la franchise. Regarde Stephen Jackson, il a peut-être eu des problèmes dans les autres franchises mais dès qu’il est venu chez nous, il était nickel.
Dernière question Tony, est-ce qu’entre le titre de champion d’Europe et ta future paternité tu perçois ton quotidien autrement.
Non, non.
Tu n’es pas plus serein ?
J’ai toujours été serein (rires).
Propos recueillis au Bradley Center