Destin hors du commun que celui d’Hasheem Thabeet, n°2 de la draft.
Le pivot tanzanien de Memphis, formé à Connecticut, n’avait jamais joué un match de basket digne de ce nom à 15 ans. Thabeet ou le fabuleux destin d’un enfant du Continent noir qui marche sur les traces d’Hakeem Olajuwon, son idole.
En novembre prochain, lorsque Hasheem Thabeet mettra les pieds en NBA, il prendra un instant pour regarder derrière lui et mesurer le chemin parcouru. Un parcours semé d’embûches en tout genre. De coups du destin. La vie n’a pas toujours été tendre pour le pivot tanzanien de Memphis, né le 16 février 1987 à Dar es Salam. En 2002, son père, architecte de profession, décède du diabète. Hasheem puise une énergie surhumaine dans cette tragédie.
« J’ai été profondément marqué par sa disparition. Etant l’aîné de la famille (ndlr : il a une sœur, Sham, et un frère, Ahkbar), j’ai dû prendre soin de mes proches. J’ai répété plusieurs fois à ma mère que je voulais bien travailler à l’école pour avoir un bon métier, de façon à pouvoir aider ma famille. »
Période difficile pour le clan Thabeet puisqu’au même moment, Rukia, la maman, perd son job.
« J’allais à la pêche puis je rentrais au port pour vendre le poisson. Ça me permettait de rapporter un peu d’argent à la maison », se remémore Hasheem qui joue alors au handball et au football mais qui ignore tout du basket.
S.O.S. d’un basketteur en détresse
Lors d’un tournoi au Kenya, à Nairobi, il tisse sa toile dans une cage de hand. Son envergure lui permet de tout stopper. Un scout du nom d’Oliver Noah le remarque et s’empresse d’aller discuter avec son coach. Ce Français qui vit à Los Angeles voyage beaucoup. Il invite l’entraîneur tanzanien à le faire changer de discipline pour qu’Hasheem Thabeet puisse s’épanouir pleinement. L’ado abandonne le handball pour le basket. En 2004, toujours sur le port de Dar es Salam, il entre dans un cyber café avec l’idée de regarder ce qu’on peut lui proposer aux Etats-Unis. Sur le Net, Thabeet lance de véritables S.O.S. mais ses appels désespérés n’obtiennent aucune réponse positive : à 15 ans, il n’a toujours pas joué un match de basket digne de ce nom. Il faut un coup de pouce du destin. Ainsi le clan Jurney tombe-t-il sur l’un de ses mails. Les Jurney sont une famille texane de Houston. Ils ont régulièrement été en mission dans des églises africaines, en Zambie notamment. Ils connaissent très bien la Tanzanie aussi. Le message de détresse d’Hasheem les interpelle immédiatement. Ils prennent contact avec Mark McClanahan qui coache Cypress Christian HS, une highschool dans la banlieue de Houston. Les Jurney mettent en avant les qualités athlétiques extraordinaires du jeune Africain.
Thabeet s’installe chez les Jurney, au Texas
A la rentrée suivante, Hasheem bouleverse le quotidien des Jurney. Ben, le plus jeune (14 ans), lui cède sa chambre tandis que Melissa fait office de grande sœur tutélaire au lycée. Il faut déplacer les meubles et acheter un lit « king size » pour permettre à Thabeet de dormir confortablement. A 16 ans, il mesure 1,98 m !
« Ma famille adoptive à Houston a été extraordinaire, raconte-t-il aujourd’hui. Elle s’est comportée comme si j’étais son propre fils. »
La séparation est d’autant plus difficile. Chaque enfant prend une orientation différente. Pour Hasheem, la suite s’annonce compliquée. Il ne maîtrise pas très bien l’anglais.
« Et puis pour beaucoup de coaches en college, il était encore considéré, à 17 ans, comme un parfait débutant faute de vrais fondamentaux », se souvient Gary Jurney.
En 2005, Hasheem est à Los Angeles, plus précisément à Stoneridge, une prep school. Il profite des contacts d’Oliver Noah pour évoluer dans le Mississipi, à Picayune HS, mais les recruteurs de college sont toujours aussi sceptiques.
« Ce joueur ne pourra pas évoluer en Division 1 NCAA. Il a trop de lacunes. »
Ils ont tout faux. A force de courage, de volonté et de ténacité, Thabeet confond ses détracteurs. Révélant toute l’absurdité de leur jugement. Celui qui rêvait d’une réussite à la Hakeem Olajuwon prend sa revanche en beauté. Pendant trois ans, il fait le bonheur des Huskies de Connecticut. Une réussite éclair orchestrée de main de maître par Jim Calhoun à UConn. Thabeet a tout connu en NCAA. Un Final Four à Detroit au printemps dernier (première apparition des Huskies à ce stade depuis 2004). Un titre de meilleur joueur de la Big East partagé avec DeJuan Blair, l’intérieur de Pittsburgh drafté en 37e position par les Spurs. Des distinctions à la pelle : record de contres sur un match (10) lors de son année freshman – égalé l’année suivante -, titre de meilleur défenseur de la Big East et citation dans le deuxième cinq All-Big East lors de son année sophomore… Puis, comme junior, l’explosion avec 13.6 points et 10.8 rebonds de moyenne. Le premier triple-double de sa carrière intervient le 31 janvier 2009 contre Providence (15 pts, 11 rbds, 10 cts). Un total de 152 blocks lui vaut la réputation de « joueur dissuadant l’adversaire de simplement tenter un tir »…
Au bout du compte, il y a eu la draft. Hasheem Thabeet s’est déclaré le 14 avril. Il a été retenu en 2e position derrière le Clipper Blake Griffin (Oklahoma). Un grand saut dans l’univers NBA rendu possible par « un travail monstrueux et une discipline irréprochable », pour reprendre les termes de Coach Calhoun. Ce qui n’était qu’une utopie il y a quelques années sur les bords de l’Océan indien, à Dar es Salam, est devenu réalité. Hasheem a été rejoint par son frère Ahkbar, qui joue au soccer à Connecticut. Oui, Hasheem disait vrai lorsqu’il expliquait à sa mère, ado :
« Je dois réussir pour tous vous aider dans la famille ».
Rukia, sa maman, n’a jamais autant visité les Etats-Unis que depuis la saison 2008-09…