Sa chambre d’ado était tapissée de posters de stars de la ligue des années 2000/2010. La NBA, il en rêve à l’époque au point de s’imaginer jouer « dans l’équipe à (Dwyane) Wade », au Heat. Dans la tête du jeune « Yvick » (de son vrai nom Yvick Letexier), dont la passion NBA démarre avec Space Jam et NBA Live 2003, des envies et projets bouillonnent déjà pour les parquets ou leurs abords.
Autour de ses 14 ans, lors d’un voyage entre États-Unis et Canada, il confie à son père qu’il aimerait créer une marque pour sponsoriser son club de basket. Pas la franchise floridienne non, le Grenoble Basket 38. Cette idée que les seniors du club, alors en prénationale, puissent s’échauffer avec des tee-shirts à l’effigie d’on ne sait quel produit, fait « kiffer » le natif de la capitale iséroise.
Seulement, « dégoûté du basket » par un coach, gêné au genou par la maladie d’Osgood-Schlatter et en déficit de centimètres, celui qui évolue alors en cadet région élite décide de délaisser un peu la balle orange pour se consacrer plus sérieusement à la vidéo : « Faire plus de blagues » en somme. « Ça s’est avéré payant puisqu’au basket, j’allais finir maximum N3 », se projette en arrière le créateur de 31 ans, joint par BasketUSA.
Plus de 500 millions de vues sur YouTube plus tard, « Mister V » n’est plus tout à fait le même homme. En plus de s’épanouir sur de multiples terrains de jeu (rap, cinéma…), il a déjà désormais une marque à faire valoir : La Pizza Delamama, dont le succès à sa sortie en 2022 est fulgurant (700 000 pizzas vendues en moins de trois mois). De quoi attirer l’appétit d’entités voulant associer leur image à la sienne.
Une opération ponctuelle reconduite
Plutôt que Grenoble Basket, le partenariat rêvé par l’ado isérois se fera avec Paris Basketball. Yvick Letexier connait bien le club parisien. Il assistait déjà aux matchs du second quand celui-ci évoluait en Pro B, à la halle Carpentier. En février 2024, le club, qui cherche un partenaire pour son maillot, fait son arrivée au sein de l’Adidas Arena. Plus de visibilité donc.
« Mister V » n’hésite pas quand l’opportunité se présente. « Il y a un affect tout particulier pour ce club aussi nouveau, aussi excitant dans sa manière de créer, de divertir, de créer l’attente… Ils sont modernes quoi, et moi ça me parle, parce que dans le basket français, on est quand même restés sur quelque chose d’un peu traditionnel, très franchouillard », justifie-t-il.
L’association entre les deux parties a lieu pour les derniers mois de la saison passée. Une opération d’abord ponctuelle, sans argent misé de part et d’autre, jugée gagnante-gagnante. « Nous sommes ravis de pouvoir aussi toucher l’audience importante de Mister V sur les réseaux, ce qui nous permet d’agrandir notre base de fans », résume Jérôme de Chaunac, directeur général adjoint en charge des revenus du club, qui a donc reconduit pour un an (moyennant, cette fois, un apport financier côté Pizza Delamama).
Il ajoute : « Je suis arrivé au club il y a un an, on avait 70 000 followers sur Instagram ; on va bientôt être à 200 000 aujourd’hui. Les statistiques nous montrent qu’on est devant tout le monde, parmi les équipes d’Euroleague, sur les taux d’engagement. » Un effet « Mister V » indéniable, mais aussi la traduction d’une recherche de qualité, au sens large, dans les contenus produits.
Une rencontre avec Tony Parker
Souhaitant s’investir sur le long terme avec le club, « Mister V », qui a noué dans la foulée un partenariat avec le Grenoble… foot 38, peut jubiler : il est membre, d’un peu plus loin, d’une équipe professionnelle. Lorsqu’il ne se rend pas à la salle pour supporter l’équipe, actuelle 3e du championnat français et d’Euroleague, le créateur joue avec sur NBA 2K. « Maintenant je dis carrément ‘nous’ quand on gagne ou quand on perd. J’ai le maillot, je le porte tout le temps. »
Et puis il y a les connections avec Nadir Hifi et les autres membres de l’équipe. « Mister V » entretient depuis longtemps ces liens avec les joueurs professionnels. Y compris, et surtout, avec les Français amenés à traverser l’Atlantique. En 2014, il se faisait embarquer par un autre YouTubeur, Cyprien, pour aller vendre visite à un certain Tony Parker, à San Antonio. Le courant semble bien passer. Le même « TP » qui l’invitera au micro de son podcast en 2022 pour revenir sur son parcours.
« La plupart des nouveaux joueurs qui arrivent sont souvent des gars qui, potentiellement, me suivaient sur YouTube depuis un certain nombre d’années. Wemby m’a par exemple invité à sa soirée organisée pour la lottery, à des matchs. On se follow avec la plupart des joueurs NBA, même si j’ai moins de contact avec la jeune génération. C’est plus avec Rudy (Gobert), Vincent Poirier, Tony Parker évidemment, des gens de ma génération, avec qui j’ai des contacts plus proches », rapporte-t-il.
Encore un projet à venir
La NBA, de façon générale, l’intéresse un peu moins aujourd’hui. Un désintérêt lié au changement d’époque ? D’être passé de la rareté d’infos à la profusion ? Le jeu en lui-même, aux personnalités de la ligue ? Sans doute un peu de tout ça juge « Mister V » qui dit re-goûter au championnat américain aujourd’hui grâce à Victor Wembanyama.
La NBA, pourquoi ne pas en rêver encore par rapport à ses nouvelles activités ? « Ce serait énorme ! Je pense que les budgets NBA sont colossaux… Il faut proposer une offre qui soit cohérente avec les salaires des joueurs là-bas. Si on arrive à se placer sur une mini-activation en lien avec la NBA… »
Il ne termine pas sa phrase, préférant évoquer, vaguement, son dernier projet qu’il officialisera prochainement : « Un projet sportif sur Twitch qui ne sera pas du ‘gaming’. » La promesse d’une énième réussite pour « Mister V » ?
Crédit photo : Faïd