Même si la série « Starting 5 » n’apprend pas grand-chose aux fans réguliers de la NBA, il y a tout de même quelques séquences intéressantes et amusantes. Notamment lorsque LeBron James et sa femme Savannah évoquent les siestes du « King », un rituel absolument sacré pour le meilleur marqueur de l’histoire de la NBA.
« Il y a quelques cas typiques dans le monde sportif, comme LeBron James et Roger Federer, avec ce dernier qui déclare être à 11 ou 12 heures de sommeil par cycle de 24 heures au cours de sa carrière. Ce sont des cas typiques de sportifs qui ont identifié le sommeil comme une priorité pour être performants saison après saison. Et ils ont réussi à s’organiser pour préserver ce temps de sommeil » nous explique le chercheur Mathieu Nédélec, « en charge de tous les projets de recherche sur la récupération et le sommeil » à l’INSEP, et qui vient de publier un livre, « Dormez mieux grâce aux secrets des grands sportifs ».
Rempli de tests, de témoignages de sportifs (Stéphane Diagana, Marine Johannès, Jean Galfione, Lenaïg Corson, Yann Schrub…) et d’états des lieux de la recherche sur le sommeil, l’ouvrage entend « faire profiter au plus grand nombre des dernières avancées scientifiques sur le sujet. En tant que chercheur, on est amenés à écrire des publications scientifiques, notamment en anglais, et c’était l’occasion de faire profiter des dernières avancées au plus grand nombre. Et puis le sportif de haut niveau a une vie quotidienne particulièrement intense, avec un niveau de stress important, une charge physique et mentale importante au quotidien, une fatigue liée aux voyages, parfois avec décalage horaire, mais ce sont des contraintes qu’on retrouve aussi dans la société » continue Mathieu Nédélec. « Donc l’objectif principal, c’était vraiment de faire profiter des stratégies que les sportifs ont pu développer pour gérer tous ces facteurs de stress qu’on retrouve dans nos journées quotidiennes. »
Marine Johannès explique notamment qu’en WNBA, elle n’hésite pas à prendre de la mélatonine et du jus de cerise (également riche en mélatonine et en antioxydants) après les rencontres, pour se calmer et mieux trouver le sommeil, malgré les voyages et le décalage horaire.
La régularité plutôt que la durée
« La mélatonine n’induit pas le sommeil » détaille Mathieu Nédélec. « Ça a plutôt des visées de synchronisation de l’horloge biologique, et c’est pour ça que c’est plutôt prescrit chez des personnes âgées, qui peuvent présenter des décalages de phase, ou chez des plus jeunes, qui peuvent présenter des décalages de l’horloge biologique. Évidemment, c’est préconisé chez les personnes qui voyagent régulièrement et qui subissent le décalage horaire. Mais ça peut provoquer de la somnolence et comme chacune en secrète naturellement, la quantité nécessaire est très variable d’un individu à l’autre et puis selon le chronotype des individus, en prendre à certains moments inopportuns peut plus dérégler l’horloge biologique d’autre chose. Il faut donc être bien accompagné pour en prendre, et savoir ce que l’on fait, ce qui est loin d’être le cas pour la majorité des personnes qui en consomment. »
Le chronotype (dauphin, ours, lion ou loup) définit la préférence d’une personne pour des activités du matin ou du soir, notamment l’heure de coucher et de lever. Selon des études, il joue d’ailleurs un rôle sur le type de sport pratiqué, les athlètes « du soir » étant ainsi plus performants pour les sports collectifs, pratiqués en soirée.
Au-delà de la quantité, il y a la qualité de sommeil
Ces sportifs « du soir » seront ainsi moins perturbés dans leur sommeil par les matchs et les entraînements en soirée, même si tous les sportifs doivent s’adapter aux décalages générés.
« C’est la contrainte des matchs en soirée, typiquement sous les coups de 21 heures, car ça va générer un niveau d’éveil et d’excitation particulièrement conséquent à un moment où il est conseillé de s’apaiser et de se détendre pour trouver un sommeil serein. Suite à ce match, les sportifs vont se coucher beaucoup plus tard, le temps de redescendre, entraînant un décalage de l’horloge biologique, avec une tendance à prolonger sa nuit de sommeil le lendemain, et il y a donc une logique de décalage de phase. »
Et on ne rattrape pas les effets bénéfiques du début du sommeil en fin de nuit…
« Beaucoup de personnes se concentrent sur la quantité de sommeil, sur combien d’heures elles ont dormi la nuit dernière, mais c’est une seule dimension du sommeil et il faut aussi considérer la qualité du sommeil car il peut être plus ou moins continu, parfois interrompu par des micro-éveils, qui viennent le fragmenter et le rendre plus léger » détaille Mathieu Nédélec, qui met l’accent sur la régularité plutôt que sur la durée. « Mais notamment en fonction du chronotype, si on est plutôt du matin ou du soir, toutes les heures de sommeil ne se valent pas. Les trois ou quatre premières heures de la nuit sont ainsi particulièrement riches en sommeil long et profond, qui est très récupérateur, vont être déterminantes sur la qualité de cette nuit. »
« Décaler son heure de coucher de une ou deux heures par rapport à ce qui nous convient le mieux, ça va venir rogner sur ce début de nuit, qui est riche en sommeil lent profond. Et on a beau décaler notre réveil d’une ou deux heures, ce sommeil lent profond, on va le perdre en début de nuit sans le retrouver en fin de nuit. En fin de nuit, on est davantage sur du sommeil paradoxal, sur du sommeil lent léger, qui est un autre type de stade de sommeil. »
La sieste pour récupérer du sommeil lent profond
En cas de décalage de l’heure du coucher, suite à un entraînement ou un match, plus que de prolonger la nuit, il est ainsi préférable de faire une sieste, idéalement entre 13h et 16h, via un cycle de 1h30.
« Après le match en soirée, et même si le coucher a été tardif, il est plutôt préconisé de mettre un réveil, de se décaler d’une ou maximum deux heures par rapport aux horaires habituels, d’avoir un minimum d’activité dans la matinée » décrypte ainsi Mathieu Nédélec. « C’est pourquoi les joueurs peuvent être convoqués au centre d’entraînement pour une récupération car ça permet d’avoir une activité dans la matinée, de générer un peu de pression de sommeil puis de compenser par une sieste en début d’après-midi. La période idéale, c’est entre 13h et 16h. Et là, en lançant une sieste, vous initiez un nouveau cycle de sommeil avec du sommeil lent profond. »
Pour les athlètes de haut niveau, le sommeil est en tout cas un enjeu majeur, comme les siestes de LeBron James l’illustrent bien, d’autant plus alors que les écrans contribuent à le perturber.
« Au moment des Jeux olympiques, j’avais participé avec le Comité d’organisation à un livret, qui a été remis à chaque athlète présent au village olympique sur le bon usage des écrans. Aujourd’hui, il y a tout un ensemble de troubles et de pathologies reconnus au niveau des écrans, notamment l’addiction. C’est un enjeu fort sur la performance, en particulier lors de l’usage en soirée, car ça peut perturber la performance le lendemain. Il y a deux inconvénients majeurs liés aux écrans : l’exposition à la lumière bleue jusqu’à tard le soir, qui va retarder l’horloge biologique, et puis le contenu particulièrement éveillant. Quand vous twittez, quand vous écrivez des commentaires, que vous réagissez à différentes choses, votre cerveau est très actif, et c’est incompatible avec un sommeil profond et de qualité. Ça va maintenir le cerveau dans un état d’éveil et de vigilance qui va se prolonger une bonne partie de la nuit, même une fois l’endormissement trouvé » conclut le spécialiste du sommeil à l’INSEP.