Le All-Star Game 2013 organisé à Houston a marqué une première dans l’histoire du basket tricolore : deux Français – Tony Parker et Joakim Noah – avaient été sélectionnés par les coachs de la Grande Ligue. Mais lors de ce week-end de festivités, un troisième représentant français avait été convié : Benjamin Chevillon.
Sur le dos de ce dernier, le maillot rouge des Bulls, comme le futur défenseur de l’année en NBA. Avec le n°13 aussi, pour pousser un peu plus loin le clin d’œil. Ce passage étoilé dans le Texas restera l’un des moments forts de son année passée à Chicago, avec l’équipe de basket fauteuil affiliée à la mythique franchise NBA.
Plus de dix ans après, et quelques jours après les Jeux paralympiques de Paris, le documentaire « Les Bulls en roue libre » revient sur cette folle aventure très médiatisée à l’époque, un peu oubliée depuis. Une histoire « fabuleuse » qualifie Guilhem Peaucelle, co-fondateur avec George Eddy de l’association PlaygroundTime, qui a aidé à la projection de ce documentaire réalisée par Gaëlle Schwaller.
Surfer sur les Jeux paralympiques
« Ça permet de rester dans l’engouement des Jeux, de continuer à faire passer le message. Ok, c’était il y a onze ans, mais ça permet de servir la cause de manière globale, de faire avancer les choses », résume pour BasketUSA Benjamin Chevillon, qui se déplace majoritairement en fauteuil roulant depuis l’âge de 5 ans suite à une leucémie.
À l’époque, il connaît des complications liées à un nouveau traitement. Atteint du syndrome de la queue de cheval, il est touché au niveau des nerfs dans le bas de la colonne vertébrale. Avec le temps, il peut recouvrer un usage partiel de ses jambes et reste un « mal marchant ».
À l’âge de 16 ans, il cherche à se mettre au sport. Il réalise que s’entraîne, à 50 mètres de chez lui à Dijon, la section fauteuil du club local, la JDA. Le hasard fait bien les choses. C’est le « coup de foudre » avec la discipline. Puis tout va très vite : matchs en première division avec Dijon, détection en Equipe de France espoirs avec le coach Bernard Ganser, championnat d’Europe espoir en Turquie…
Le basket ou l’entreprise ?
L’étudiant en STAPS management des organisations sportives fait également des tournées avec l’équipe première. Mais il peut difficilement combiner son activité de sportif de haut niveau avec le début de son aventure entrepreneuriale, qui l’amène à reprendre un complexe de loisirs dans le nord de la France.
Déjà la question de la professionnalisation du basket fauteuil se pose. Puis, au hasard d’une conversation Facebook, il recroise la route de Daniel Fereira, qui n’est autre que le coach des Chicago Wheelchair Bulls, l’équipe liée aux Bulls depuis 1987 et engagée au sein de la National Wheelchair Basketball Association, une ligue fondée en 1949.
« Si t’es chaud, viens faire un test », lui dit en substance le coach. Quelques années après un essai au sein de l’université de Tuscaloosa (Alabama), le contact américain est ainsi réactivé. Son associé, au complexe sportif, lui dit de foncer vers cette aventure avec les Bulls. Ces derniers financeront visa, assurance et installation dans le logement.
Derrick Rose dans le vestiaire !
Pour des raisons administratives, il ne sera pas rémunéré, contrairement à ses coéquipiers (« 6 000 dollars pour le meilleur joueur » des Bulls), mais sera à « 100% défrayé » (courses, loyer…). « Cela ne m’a quasiment rien coûté. J’étais le seul Français de la ligue à ce moment-là. Je me suis dit : ‘T’es là pour le kif, pour apprendre, fais ton truc’. »
Une cinquantaine de matchs l’attend en baignant non loin de l’environnement NBA. À l’instar des Mavs ou des Pacers, la franchise de l’Illinois ne met pas les Wheelchair Bulls de côté. Celle-ci, habituée à évoluer en championnat devant 500 à 2 000 personnes, a l’occasion de faire des démonstrations devant les 20 000 personnes de l’United Center, l’antre des Bulls, à la mi-temps des matchs NBA.
Des souvenirs mémorables pour le Français, en particulier le jour où un certain Derrick Rose, blessé ce jour-là, s’invite dans leur vestiaire pour les motiver. Il restera au bord du terrain pour assister à la démo. Benjamin Chevillon sera également amené à croiser la route de Tony Parker, Nicolas Batum, la famille Noah ou encore Charles Barkley.
Élimination en playoffs
Le Français baigne dans un autre monde qui donne parfois lieu à des scènes cocasses. Lors de l’un de ses premiers déplacements, les membres de son équipe le dévisagent en le voyant s’occuper lui-même de sa valise et de son fauteuil. « L’intendant m’a dit : ‘C’est mon métier gros !’ »
Sur le plan sportif, celui qui devait être la doublure du meneur titulaire gagne en temps de jeu, semaine après semaine. De quoi valoir au « Yes man » de l’équipe d’être sélectionné au All-Star Game donc (à Houston, le hasard l’a fait se retrouver à partager sa chambre avec Patrick Anderson, considéré comme le meilleur joueur en fauteuil roulant au monde).
Et de contribuer à la qualification en playoffs. Les Bulls chuteront face aux Pacers où évoluent à l’époque Steve Serio et Brian Bell, tous deux membres de l’équipe US championne olympique à Paris cet été. Tout au long de son aventure, il est suivi de près par la caméra de la réalisatrice Gaëlle Schwaller, qui, tout juste sortie de Science Po journalisme, a eu un coup de cœur pour son histoire.
Quid de la professionnalisation ?
Son documentaire est amené à rester au placard pendant quelques années. Jusqu’à ce que PlaygroundTime, qui organise aussi des projections, entende parler du projet. « Je ne connaissais pas du tout cette histoire de dingue. Il fallait vraiment qu’on fasse quelque chose », défend Guilhem Peaucelle dont le compagnon de route, George Eddy, échangera avec le public en compagnie de la réalisatrice et du personnage principal.
Un moyen pour l’ex-membre des Bulls, 36 ans, de boucler sa boucle. Mais également de surfer sur la dynamique en cours autour du handisport. « Les Jeux ont permis de créer une base. La deuxième étape, c’est la professionnalisation », juge le consultant pour Google, qui aimerait que la France s’inspire des modèles allemand ou turc et leurs salaires pouvant grimper à plusieurs milliers d’euros.
Le trentenaire ne trouve « pas normal » que l’Equipe de France de basket fauteuil ait dû attendre vingt ans pour participer à nouveau aux Jeux Paralympiques. « On bricole trop, les autres pays ne bricolent plus », formule-t-il en pensant à la dernière place (8e) des Bleus, sans gagner le moindre match à Paris. « Ce serait bien qu’il y ait une prise de conscience. »
Projection vendredi 20 septembre à 20 h 15, cinéma Louis Jouvet à Chatou (78). Réservation recommandée.