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Portrait | Damon Stoudamire, la souris déglinguée

NBA – Protégé d’Isiah Thomas qui voyait en lui son clone version gaucher, Damon Stoudamire (51 ans, ce 3 septembre) signa un début de carrière étourdissant sous le maillot des Raptors.

La saison 1995-96 a démarré avec la classe de rookies la plus jeune de l’histoire mais c’est le plus âgé du lot qui a émergé. Le gus s’appelle Damon Lamon Stoudamire et mesure 1,78 m à tout casser pour 78 kg. Boudé par les fans des Raptors à l’annonce de son nom lors d’une draft dont il fut le 7e choix, Stoudamire a eu peu de temps pour séduire et convaincre au sein d’une franchise nouvellement créée.

« Dans le milieu, on a sans doute pensé que les Raptors commettaient une grosse erreur en me prenant. Et ça m’a encore plus motivé », explique le natif de Portland.

Au sortir de la Woodrow Wilson High School (26 pts et 9 pds dans sa saison senior chez les Trojans), en 1991, Stoudamire prit la direction d’Arizona pour intégrer le programme de basket de Lute Olson. A cette époque déjà, son mental et son jeu ne connaissaient aucune limite. Damon est un meneur puissant, rapide et explosif, une puce électronique difficile à déprogrammer. Grisé par les récompenses individuelles, comme ses deux titres de Joueur de l’année de l’Etat d’Oregon parmi les lycéens, « Stoud » pavoise. C’est un garçon fier, confiant et têtu. Certains lui reprochent de se la raconter et de frimer avec sa démarche faussement décontractée mais quand il s’agit de prendre le shoot décisif, on peut compter sur lui : il en a dans le pantalon. Pardon, dans le short.

Son entrée fracassante en NBA (19 pts, 4 rbds, 9.3 pds, 1.4 int durant sa saison rookie), Damon la devra à un autre « little big man », Isiah Thomas. Vice-président exécutif et actionnaire minoritaire de Toronto, le meneur des Pistons doubles champions NBA voit en lui son clone version main gauche. Le soir de la draft 1995, Thomas fait croire à tout le monde qu’il choisira Ed O’Bannon, champion NCAA avec UCLA. Quand Toronto lui préfère, comme premier pick de l’histoire de la franchise canadienne, Stoudamire, c’est la stupeur. Et la colère. Vexés et se sentant trahis, les supporters des Raptors huent l’usurpateur. Les spécialistes trouvent Damon définitivement trop petit. L’intéressé les toise : « A la fin de l’année, vous m’applaudirez ».

« Il a un gros cœur, des tripes… et des couilles ! »

Au sujet de sa taille, objet de toutes les querelles, il lancera : « J’ai toujours vécu dans une forêt où poussaient des arbres géants. A chaque fois que j’ai joué au basket, j’ai été le plus petit. Mais beaucoup de ballons passent par mes mains parce que les grands doivent commencer par essayer de m’attraper. »

Ses yeux trahissent rarement une émotion. Avec « Speed Damon », tout est dans le langage du corps. Il porte des tatouages sur chaque épaule. A gauche, son nom est gravé en écriture gothique. A droite est dessinée une souris inspirée d’un célèbre cartoon et équipée, pour l’occasion, d’un ballon. « Mighty Mouse ». La souris atomique. Surpuissante. Sur son bras gauche, il s’est fait tatouer le portrait de sa grand-mère, Wanda, décédée d’un cancer alors qu’il était au lycée.

« Ce sera un super », prédit son partenaire John Salley, double champion NBA avec les Pistons qui glanera deux autres bagues chez les Bulls et les Lakers. « Je l’appelle « Biggie Smalls ». Il a un gros cœur, une envie énorme, des tripes… et des couilles ! Tout ça dans ce petit corps. C’est de la bombe, mon gars ! »

Les supporters de Toronto s’en rendront très vite compte. Après seulement quelques semaines, le n°3 est définitivement rebaptisé « Mighty Mouse ». Le 21 novembre 1995 contre Seattle et Gary Payton, pour son 11e match NBA, Stoudamire se fend d’un triple-double (20 pts, 12 rbds, 11 pds), le premier de l’histoire de la franchise. Contre les Bullets, futurs Wizards, il la joue Speedy Gonzales et réussit un jump shot victorieux au buzzer après un coast to coast d’enfer. Dès sa troisième apparition sur un parquet pro, le petit diable passa 22 points (8/15) aux Bulls, chez eux s’il vous plaît. Il ajouta 10 passes, 6 rebonds et 3 steals. « Il a le basket dans la peau, il respire le jeu », s’exclama un Michael Jordan bluffé.

Pour la petite histoire, Toronto est l’une des rares équipes qui envoient Chicago au tapis cette année-là. Celle des fameuses 72 victoires-10 défaites. Deux fois, en novembre et janvier, Stoudamire sera élu Rookie du mois (2 citations aussi pour Joe Smith, 1 pour Jerry Stackhouse et Arvydas Sabonis). Pour la presse de Toronto, le petit jeu consiste à comparer ses stats avec celles d’Isiah Thomas lorsque ce dernier était rookie, en 1981-82 dans le Michigan (17 pts, 7.8 pds). Débutant ou pas, Damon a le calibre « franchise player ».

Lors d’un temps mort contre les Pacers, le coach de Toronto, Brendan Malone, stoppa son speech et se tourna vers lui : « Si je n’avais pas été à cette place, j’aurais payé pour te voir ! »

Papa est en voyage d’affaires

Revers de la médaille : utilisé plus que de raison, le dinosaure miniature se blesse au genou gauche, ce qui lui vaut de rater les 10 derniers matches de sa première saison au sein de l’élite. Mais le plus gros a été fait. Le titre de Rookie de l’année, assorti du titre de MVP du Rookie Game à San Antonio (19 pts, 11 pds, 4 ints), vient couronner une entrée en matière étourdissante. A l’exception du nouveau coach des Warriors Mark Jackson (18e choix en 1987), aucun joueur drafté aussi bas n’avait terminé Débutant de l’année. Arvydas Sabonis et Joe Smith, le first pick, sont complètement largués. Mais contrairement à ce que l’on peut croire, rien n’est venu facilement.

« Sa plus belle arme est de savoir attaquer une défense », explique Brendan Malone. « Il doit encore améliorer sa sélection de shoots mais il apprend et vite. Il a un comportement exemplaire sur le terrain. On parle de talent naissant alors qu’il faudrait parler de talent confirmé. Il écoute et travaille dur. »

Depuis son adolescence, Damon s’est toujours montré sûr de lui, sur les parquets comme en dehors. Cela se vérifia lorsqu’il mena les Wildcats au Final Four 1994 à Charlotte (défaite 91-82 contre le futur champion Arkansas en demi-finales). Comme pas mal de personnes de petite taille, il était obsédé par l’idée de prouver que le cœur, le courage et le talent n’étaient pas une affaire de centimètres.

« C’est un sentiment que j’ai toujours eu et que j’aurai toujours. Je sais qu’on a toujours dit que j’étais trop petit. Pour moi, ça signifie simplement que je dois mettre les bouchées doubles. »

Gamin, ses héros n’avaient rien à voir avec le sport. Il admirait plutôt des gens ordinaires comme sa mère, Liz Washington, caissière dans une compagnie maritime. Liz l’éleva seule. Elle dut lutter pour cela. Souvent, elle râla. Muté dans une brasserie à Milwaukee alors que Damon avait 7 ans, le père, Willie, disparut de la maison une bonne dizaine d’années. Un papa lui aussi basketteur, drafté au 8e tour en 1972 par les Sonics après avoir été formé à l’université de Portland State. Willie et Liz n’étaient pas mariés. « Damon a été obligé de grandir très vite », explique « Mom ». « Il était le seul enfant et je devais travailler. Il a vite appris à s’occuper seul. »

Ce n’est pas tout à fait exact. Il a trois demi-sœurs et Wanda, la grand-mère, mit la main à la pâte. Bien des années plus tard, Willie Stoudamire reviendra à Portland. Peu à peu, il renouera des relations avec le fiston. Liz, bien sûr, est toujours là. Elle a aidé Damon à trouver sa voie. Elle s’occupe aussi de lui au quotidien. C’est elle qui a aménagé le bungalow face à la mer loué par papa grâce à l’argent des pubs. Au contrat de 3 ans signé avec les Raptors (4,6 M$) est venue s’ajouter une pige pour Nike dans un deal individuel. Papa Willie est simplement heureux : « A Toronto, les gens semblent bien l’apprécier. N’importe qui peut l’aborder dans la rue. »

Le capitaine le plus jeune de l’histoire de la NBA

Damon n’est jamais resté enfermé dans sa bulle. Durant ses années universitaires (4 ans, 15 pts, 5.4 pds, 45.7% et 40.2% à 3 pts), il parcourut le monde, voyageant en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada, en Finlande, en Allemagne et en Russie. Durant son temps libre, celui que l’on surnommera « The quiet assassin » aime faire de la photo, écouter du rap et du jazz, jouer aux jeux vidéo, regarder la télé en dégustant des fettucine au poulet – son plat favori – et remplir son journal intime. Autre plaisir simple : se promener au clair de lune. Enfant, ses joueurs préférés avaient pour nom George Gervin et Nate Archibald. Une fois en NBA, il citera Hakeem Olajuwon. Son cinq All-Time ? Magic Johnson, Oscar Robertson, Larry Bird, Kareem Abdul-Jabbar et Wilt Chamberlain.

Pour occuper son temps une fois ses sneakers remisées au placard, Damon s’imagine une reconversion dans le journalisme sportif. A moins qu’il ne puisse décrocher un bon poste au sein d’un quelconque front office. C’est pour cela qu’il prit une option « Sports broadcasting » à la fac, pour compléter son diplôme « d’arts médiatiques ». Mais en 1996, on est encore loin de la retraite. Le lutin de Toronto prend une dimension supérieure sous la houlette de Darrell Walker, successeur de Brendan Malone. A 23 ans, il devient le capitaine le plus jeune de l’histoire de la Ligue.

Il passe la barre des 20 points de moyenne (plus 8.8 pds) et permet à la franchise canadienne, qui a drafté Marcus Camby en juin précédent, d’atteindre celle des 30 victoires, soit une progression de +9. Cette saison-là aussi, les Raptors sont l’une des rares équipes à croquer Chicago. Houston, Utah et Miami s’ajoutent au tableau de chasse. Soit tout bonnement les quatre futurs finalistes de Conférence. Dommage que l’adresse de Damon ne soit pas à la hauteur (40.1%). Tout au long de sa carrière, le cousin de Salim (157 matches avec Atlanta en 2005-08) s’encombrera de pourcentages suspects. Il s’affichera sous les 42% à dix reprises et descendra sous les 40% six fois…

Ce n’est pas le seul grief. Si le 7e choix de la draft 1995 est un meneur fait pour cavaler et pénétrer, il est nettement moins inspiré sur demi-terrain. L’autre « Stoud » offre le profil-type du point guard scoreur attiré par le cercle. Il est nettement moins à l’aise dans un registre de playmaker pur. Quelques années plus tard, Portland le regrettera amèrement… Assez paradoxalement, Damon fut un tireur beaucoup plus fiable derrière l’arc. Avec 1 236 « treys » en carrière, il est actuellement classé 69e. Ses 35.68% de réussite le hissent au-delà de la 250e place. En 1996, il avait cassé le record de paniers primés réussis par un rookie, propriété de Dennis Scott (133). Parmi les passeurs, il se classe aujourd’hui 55e (5 371 pds).

Avec le départ d’Isiah, il perd son ange gardien

A l’entame de l’exercice 1997-98, Damon est toujours sur un petit nuage. C’est le petit protégé d’Isiah. Et « Zeke », qui monte en grade, est en passe de devenir actionnaire majoritaire après le retrait de John Bitove. En passe seulement. Thomas se brouille avec la nouvelle direction et quitte ses fonctions. Dans un vestiaire qui a accueilli le joueur le plus jeune de la Ligue, Tracy McGrady, le malaise est profond. Les blessures ont décimé l’équipe qui s’incline 17 fois de suite. Glen Grunwald s’installe dans le fauteuil de « Zeke ». Stoudamire a perdu son ange gardien, son mentor et deuxième père. Il réclame immédiatement son transfert.

Son contrat arrive à échéance et il laisse clairement entendre qu’il n’est pas question de rempiler. Toronto ne peut se permettre de le laisser filer sans contrepartie. Le 13 février 1998, après deux années et demie dans l’Ontario, le Rookie de l’année 1996 prend donc la direction de son Oregon natal. Portland récupère Carlos Rogers, Walt Williams et l’ancien Wildcat contre Kenny Anderson – qui refusera de migrer au Canada et sera cédé à Boston -, Gary Trent, Alvin Willams et trois tours de draft.

Damon respire. Il est simplement heureux de rentrer chez lui. Pour Liz Washington, ce retour au bercail est un don du ciel. C’est ici qu’elle l’a élevé, c’est ici qu’elle veut le voir tutoyer les sommets. Elle n’avait jamais imaginé que le visage de son Damon s’afficherait sur les murs d’une ville dont il connaît chaque ruelle. Elle n’avait pas ménagé sa peine pour que son fils chéri puisse pratiquer son sport préféré. Ses tontons Charles et Anthony l’initièrent au foot US mais son choix fut vite fait. Elle savait toujours où le trouver. A Irving Park, dans le quartier d’Irvington, au Nord-Est de Portland, la silhouette fluette de Damon se confondait avec les panneaux plantés dans le bitume. Il y apprit à transformer son manque de centimètres, handicap notoire, en arme de destruction massive. Et s’attira les premiers compliments d’ados rêveurs. « Les gars disaient tous : « Damon, tu as trop la classe, tu vas jouer en NBA ! » Nous le sentions », se souvient Ervin Cowan, son pote et confident.

Stoudamire devint la superstar du lycée Wilson qui afficha un record historique de 74 victoires pour 4 défaites et décrocha deux titres de champion de l’Etat, en 1989 et 91. Parfois, Damon joue les petits caïds. Il sait ce qu’il veut. Fait ce qu’il veut. S’en prend aux arbitres, hurle sur ses coéquipiers, envoie balader les chaises, jette son maillot à la figure du coach. Il aime dicter sa loi. Et franchit parfois les limites. Dans sa dernière année de high school, il sera mêlé à une rixe violente dans la cantine scolaire. Il est inculpé de coups et blessures au second degré. Ce n’est pas le seul responsable mais ses antécédents en matière de discipline en font le bouc émissaire idéal. C’est lui qui porte le chapeau. L’incident entache le CV d’un surdoué dont la plupart des universités courtisent les 26 points, 9 passes et 3.6 rebonds de moyenne. Il préférera Arizona à Louisville mais aussi, plus étonnant, à l’université d’Oregon qui voulait bien de lui.

« Portland, the best team money can buy »

La suite, vous la connaissez. Quatre saisons pleines chez les Wildcats, un Final Four, une 4e place au classement des meilleurs marqueurs du campus, une 2e au classement des passeurs, une 1ère au classement des shooteurs à 3 points, 2 matches à 40 points (perf inédite pour un Wildcat), trois sélections dans la meilleure équipe de la Pac-10 et deux titres de Conférence. Il devint le deuxième joueur de la Pac-10 après Gary Payton à compiler 1 800 points, 600 passes et 400 rebonds. Avec son compère Khalid Reeves (passé par Pau où Claude Bergeaud le traita de « malade mental »…), Stoudamire a formé l’un des backcourts les plus redoutables du pays. Finaliste pour le titre de College player of the year, il est désigné All-American à l’unanimité. Il partage aussi le titre de Joueur de l’année de la Pac-10 avec Ed O’Bannon.

Tout cela est désormais très loin. Pour la première fois, il joue dans une équipe compétitive avec des joueurs talentueux… et caractériels comme lui. Il y a là Isaiah Rider, Rasheed Wallace plus le pivot lituanien Arvydas Sabonis, largement trentenaire, et Brian Grant, un formidable guerrier des parquets qui lutte aujourd’hui contre la maladie de Parkinson. Sur le banc se détachent Stacey Augmon et un prospect de 19 ans du nom de Jermaine O’Neal. Les autres remplaçants – Rick Brunson, Kelvin Cato, John Crotty… – n’ont pas les mêmes prédispositions mais avec le milliardaire Paul Allen, la planche à billets fonctionne non-stop. Portland va s’offrir la plus belle addition de talents pour l’époque. Et même après. « The best team money can buy » (La meilleure équipe que l’argent puisse acheter), résumera Phil Jackson.

On n’a toujours pas vu mieux depuis. Même avec la réunion des « 4 Fantastiques » à L.A. ou la constitution du « Méga 3 » sur South Beach. En 1998, le monstre à cinq têtes commence à prendre forme. Damon Stoudamire se retrouve, à 25 ans, aux commandes d’un cinq terriblement excitant. On l’ignore encore mais le 1er tour des playoffs est prémonitoire. Qualification des Lakers en quatre manches. Damon garde le sourire et annonce qu’il veut rester dans l’Oregon. Il attend la fin du lock-out de 1998-99 et la signature d’un big contrat, sûr de pouvoir relever tous les défis. « Si tu estimes qu’il n’y a pas d’obstacle, alors l’obstacle n’existe plus », philosophe-t-il.

En coulisses, le GM Bob Whitsitt – celui qui drafta Shawn Kemp à Seattle – poursuit les grandes manœuvres. C’est lui qui liquida une équipe vieillissante deux fois finaliste au début de la décennie. C’est lui qui a fait venir le « Sheed » et la tête brûlée Isaiah Rider. Jermaine O’Neal drafté directement à sa sortie du lycée, c’est aussi lui. Au lendemain du lock-out, Portland accueille Jim Jackson, Greg Anthony et un rookie de 22 ans formé à Ball State University, Bonzi Wells. L’équipe de Mike Dunleavy termine 1ère de la division Pacific et se fait sweeper par San Antonio, le futur champion, en finale de Conférence Ouest. Dans ce rendez-vous, l’incapacité des Trail Blazers à gérer les écarts et les possessions-clés perce déjà.

Le 3 points victorieux de Sean Elliott à la fin du Game 2 marque le tournant de la série. Dans le troisième quart-temps, Portland compte jusqu’à 18 points d’avance. San Antonio passe un 8-2 puis un 9-0. Stoudamire obtient une faute et rentre un lancer sur deux pour porter le score à 85-83 avec 12 secondes à jouer. Temps mort. Mario Elie passe la balle à Sean Elliott. Au bord de la touche et sur la pointe des pieds, le swingman des Spurs plante un « trey » assassin sur la tête de Rasheed Wallace. L’histoire a déjà choisi son camp.

Il plonge trois fois à cause de la marijuana

Enivré par la puissance financière illimitée du patron, Bob Whitsitt continue de déplacer les pions. Avec les arrivées de Scottie Pippen, Steve Smith et Detlef Schrempf, Portland s’offre un casting hollywoodien. Gary Grant, Antonio Harvey et Joe Kleine s’excuseraient presque d’être là… Damon Stoudamire tombe à 12.5 points et 5.2 passes. « Impossible » de faire mieux dans une équipe qui n’a plus assez d’un seul ballon.

Portland rate son deuxième rendez-vous avec l’histoire le 4 juin 2000 au Staples Center. Menés 3-1 par les Lakers en finale de Conférence Ouest, les Trail Blazers s’imposent 96-88 à Los Angeles puis 103-93 au Rose Garden. Septième et dernier match en Californie. A -15 dans le quatrième quart-temps, la situation des Lakers semble désespérée. Ils s’imposeront 89-84. Un alley oop d’anthologie Kobe-Shaq clôture l’un des come-backs les plus incroyables et improbables du basket moderne. Ce jour-là, le monde entier comprend pourquoi Scottie Pippen ne sera jamais Michael Jordan. Au lieu d’être rouge et noire, la première dynastie de la décennie sera pourpre et or.

Les Trail Blazers ne sont plus. Place aux « Jail Blazers ». Une ribambelle de cas sociaux, individualistes et immatures. Bob Whitsitt ne s’embarrasse pas des casiers judiciaires, du pedigree ou de la sacro-sainte « chemistry ». Pour contrer la domination des Lakers, la seule solution envisagée consiste à empiler les stars. La complémentarité des joueurs ? La bonne mentalité des recrues ? La quiétude d’un vestiaire où chacun sera jaloux de ses prérogatives et soucieux de son temps de jeu ? Manifestement éludées… Whitsitt se met à dos le public du Rose Garden en transférant le très populaire Brian Grant. Jermaine O’Neal deviendra All-Star à Indiana et fera regretter l’acquisition de Dale Davis.

Clou du spectacle : le fantôme de Shawn Kemp. Débauché à Cleveland, le « Reign man » traînera sa dépression, son alcoolisme et ses kilos en trop sur le parquet. Sur le banc, Rod Strickland fait la gueule. Los Angeles sanctionne logiquement au 1er tour des playoffs 2001 (3-0) les errances d’une politique sportive qui n’a pas encore touché le fond. Ce sera le cas avec l’acquisition de Ruben Patterson. Celui qui s’était autoproclamé « Kobe stopper » est rebaptisé « Nanny stopper » par les fans après une tentative de viol sur la baby-sitter qui s’occupe de son enfant, en septembre 2000. Bien sûr, le deuxième sweep infligé aux Trail Blazers par Los Angeles au 1er tour des playoffs 2002 a un goût amer. Mais l’incroyable gâchis orchestré deux ans durant par Bob Whitsitt file encore plus la nausée et la gerbe.

Une douzaine de joueurs auront maille à partir avec la justice ou la NBA. Zach Randolph, drafté en 2001, prendra le pli. Même Damon Stoudamire y va de sa boulette. Au sens propre comme au sens figuré : il se fera pincer plusieurs fois pour possession de marijuana. En novembre 2002, alors qu’il revient d’un match à Seattle, la police l’arrête sur l’Interstate 5 pour un excès de vitesse. Ce n’est pas lui qui conduit le Hummer mais les forces de l’ordre trouvent dans le véhicule un peu moins de 40 grammes de marijuana. Rasheed Wallace est lui aussi de l’expédition et il ne carburait pas au jus de carottes. Plus tôt dans l’année, des policiers avaient déjà trouvé un sac de marijuana chez « Mighty Mouse » en allant vérifier un système d’alarme.

Maurice Cheeks, qui a succédé à Mike Dunleavy en 2001, envoie le « ganja guy » tâter du banc. En regardant Scottie Pippen et Bonzi Wells mener le jeu à sa place, Stoudamire a tout le temps de méditer sur la difficile condition de remplaçant. Il accepte de se faire suivre pour que les charges retenues contre lui soient abandonnées. Pour la saisie à son domicile, il avait bénéficié d’un vice de forme : un juge déclara la recherche de stupéfiants illégale.

Stoudamire tombera une troisième fois à cause de la weed, en juillet 2003. A l’aéroport de Tucson, où il embarque pour New Orleans, l’incorrigible fumeur tente de passer le détecteur de métaux avec de l’herbe dissimulée dans une feuille d’aluminium. Le club lui infligera une amende de 250 000 $ et une suspension avec obligation d’entamer une cure de désintoxication. L’affaire éclate au plus mauvais moment : nommé président de Portland, Steve Patterson tentait de restaurer l’image de la franchise en faisant le ménage au vestiaire. Il jette un œil au contrat du multi-récidiviste pour voir si une clause ne permet pas de le mettre à la porte. Ce n’est pas le cas.

Stoudamire problème n°1 des Trail Blazers ?

« Mighty Mouse » s’acheta un début de conduite en acceptant de suivre un programme de réhabilitation de trois mois. Il donna aussi son accord à un journaliste sportif du « Oregonian » pour subir un test inopiné. Au cours de la saison 2003-04, John Canzano se présenta donc à l’improviste au locker room et l’invita à pisser dans un flacon. Analyse par un labo indépendant. Résultat négatif. Damon était parfaitement clean. Si elle fit son petit effet, la manœuvre lui attira les foudres de l’association des joueurs NBA. Qui ne sont pas censés se soumettre à des tests non-réglementaires.

Dans une ville très proprette et sage comme Portland, la désaffection d’un public pourtant fidèle et passionné atteignit des sommets. Bob Whitsitt démissionna de son poste en 2003 en laissant derrière lui un champ de ruines. D’une « Dream Team » tout à fait capable de supplanter les Lakers et d’empiler les titres, il fit une cour de récré pour enfants capricieux et rebelles à l’autorité. En tant que maîtres d’école, Mike Dunleavy et Maurice Cheeks faillirent également à leur tâche. Quant aux pions, pseudo-tauliers, surveillants passifs et/ou complices, ils auraient mérité quelque heures de colle…

Tout en ayant maintenu sa production dans des eaux respectables (12-13 pts et 5-6 pds entre 1999 et 2002), Damon Stoudamire n’échappe pas aux critiques. « Mighty Mouse » avait estimé que le problème n°1 des Knicks finalistes NBA en 1999 se nommait Charlie Ward. Question : ce Portland-là pouvait-il être champion sans un meneur pur, un rassembleur viscéralement tourné vers le collectif, d’abord préoccupé par la cohabitation des talents, l’équilibre d’un effectif surabondant et la paix sociale au sein du vestiaire ?

Trois ans après l’arrêt de sa carrière, le sentiment général est que le n°3 des Trail Blazers (anciennement 20 chez les Raptors) n’a pas tout à fait, voire pas du tout répondu aux attentes créées par son énorme potentiel. Et pas seulement parce qu’il ne fut jamais All-Star. Restent quelques performances isolées. En janvier 2005 par exemple, il réussira huit « 3-pointers » et établira un record de franchise en inscrivant 54 points contre les Hornets. Le 15 avril de la même année, il perd les pédales et prend… 21 tirs derrière l’arc (record NBA) pour seulement 5 réussites.

Une page se tourne avec le départ de Rasheed Wallace au cours de la saison 2003-04. Durant l’exercice suivant, la franchise plonge à la 4e place de la division Northwest (27-55). Zach Randolph et Shareef Abdur-Rahim, les deux meilleurs marqueurs de l’équipe, sont limités à 46 et 54 matches. En s’affichant à 15.8 points, Damon signe sa meilleure moyenne depuis son départ de Toronto. Mais il est free-agent, il a 31 piges et ses meilleures années sont désormais derrière lui. Portland veut passer à la suite et engage Juan Dixon qui se voit attribuer son n°3. Le message est on ne peut plus clair…

Boston lui préfère Sam Cassell l’année du titre

Désireux de rejoindre Houston dans le cadre d’un sign and trade, Stoudamire se voit opposer une fin de non-recevoir. Il aurait fallu récupérer un gros contrat et plomber un peu plus la masse salariale. Le lendemain de la signature de Dixon, il s’engage à Memphis pour 4 ans. C’est avec le n°20 qu’il assurera la succession de Jason Williams, parti glaner un titre en Floride. Sa saison est malheureusement limitée à 27 matches. En décembre, chez lui à Portland, il se blesse au genou droit et doit passer sur le billard. Il échappe donc au troisième sweep (0-4 face à Dallas) enregistré par la franchise du Tennessee pour sa troisième participation aux playoffs.

Quand Marc Iavaroni choisit Mike Conley comme option n°1, la souris déglinguée décide de boucler ses valises. En janvier 2008, à 34 ans, Damon négocie un buyout. Son téléphone sonne souvent. Les Celtics pensent à lui mais lui préfèrent finalement Sam Cassell. Au bout de la route, il y avait une bague de champion. Too bad… Damon Stoudamire écarte les propositions de Phoenix, Denver et Toronto et prend une pige à San Antonio, où il récupère son 3 fétiche. Au moment où Los Angeles met le grappin sur Pau Gasol et Phoenix sur Shaquille O’Neal, l’identité de la top recrue des Spurs arrache quelques sourires dans l’assistance… Stoudamire remplacera épisodiquement Tony Parker et livrera une septième et dernière campagne de playoffs complètement anecdotique (35 mn de jeu et 13 pts).

Parce qu’il ne veut pas terminer sa carrière sur une fausse note, l’ancien Raptor parle de participer au training camp des Rockets. Il y renoncera. En février 2009, il rejoint le staff de Lionel Hollins chez les Grizzlies, comme assistant coach. Il gérait auparavant le développement des joueurs de Rice University, à Houston.

En mai 2011, Stoudamire est passé des Grizzlies aux Tigers (NCAA). Il y épaula pendant deux ans Josh Pastner au sein d’une fac’ qui forma Penny Hardaway, Tyreke Evans et Derrick Rose. Aujourd’hui, après des passages dans les universités d’Arizona et à nouveau de Memphis, et après avoir pris les rênes de l’université de Pacific, il a débarqué en NBA en devenant assistant d’Ime Udoka chez les Celtics, avant de revenir en NCAA.

Stats

13 saisons

878 matches (792 fois starter)

13.4 pts, 3.5 rbds, 6.1 pds, 1.1 int, 0.1 ct

40.6% aux tirs, 35.7% à 3 points, 83.3% aux lancers francs

Palmarès

Rookie de l’année 1996

All-Rookie First Team : 1996

Records

54 points à New Orleans le 14.1.05

12 rebonds (trois fois)

19 passes à Houston le 27.2.96

Gains en carrière

99,6 millions de dollars

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