Son nom ne vous dit pas forcément quelque chose, et pourtant il y a 74 ans, le 31 octobre 1950, Earl Lloyd entrait dans l’histoire du sport en devenant le premier basketteur noir à jouer dans un match de saison régulière en NBA.
À l’instar de Jackie Robinson au baseball, c’est un pionnier du basket qui s’était éteint le 26 février 2015, même si Earl Lloyd refusait d’être placé sur le même plan que le numéro 42 des Brooklyn Dodgers.
« En 1950, le basket était confidentiel, et il n’avait pas la notoriété du baseball », avait-il rappelé. « Je ne pense pas que ma situation soit comparable à celle de Jackie Robinson qui évoluait dans un environnement hostile, avec des coéquipiers qui ne voulaient pas être avec lui. En basket, les gars avaient l’habitude d’être intégrés dès l’université. Il y avait une mentalité différente. »
Pionnier par hasard
C’est le hasard du calendrier de la saison régulière qui a permis à Earl Lloyd d’inscrire son nom dans la grande histoire du sport. Car le 25 avril 1950, lors de la première véritable Draft de la NBA, c’est Chuck Cooper qui fut le premier basketteur noir drafté de l’histoire.
Quelques instants après, Earl Lloyd fut le 100e choix de cette Draft, sélectionné par les Washington Capitols.
Les pionniers que sont Chuck Cooper et Earl Lloyd sont, le même jour, ce 25 avril 1950, accompagnés par Nat Clifton. Celui qui était surnommé « Sweetwater » venait de passer quelques années avec les Harlem Globetrotters. Engagé par les Knicks, il devient le premier joueur noir à signer un contrat NBA.
Mais la date la plus forte est bien celle du premier match. Ce fameux 31 octobre 1950, donc, la rencontre opposait les Washington Capitols, une équipe coachée par Red Auerbach de 1946 à 1949, aux Rochester Royals (futurs Sacramento Kings). Elle eut lieu à Rochester. Earl Lloyd (1m96 pour 102 kg) jouait ailier pour les Capitols. La ligue n’avait que quatre ans d’existence et elle ne ressemblait évidemment pas à ce qu’elle est aujourd’hui.
Earl Lloyd, surnommé « The Big Cat » (« Le gros chat »), allait faire tomber une barrière très symbolique ainsi que compiler 6 points et 5 passes décisives dans cette rencontre.
« J’imagine que les gens s’attendaient à voir débarquer des membres du Ku Klux Klan avec leurs cordes et leurs robes. Il ne s’est rien passé. À ma sortie de la fac, je devais montrer à tout le monde que les gars de ma Conférence étaient aptes à évoluer en NBA, pas seulement moi. »
Champion NBA en 1955
Son aventure chez les Capitols s’interrompit après sept matches. Coupé en janvier 1951, il s’engagea dans l’armée avant d’être récupéré par les Nationals. C’est chez eux qu’il signa sa meilleure saison dans la ligue, en 1954-55 (10.2 points et 7.7 rebonds de moyenne) et fut champion NBA cette même année. « The Big Cat » devint, avec Jim Tucker, le premier basketteur noir évoluant dans une équipe championne NBA.
Dans son autobiographie parue en novembre 2009, « Moonfixer : The Basketball Journey of Earl Lloyd », il racontait n’avoir jamais eu une conversation digne de ce nom avec un blanc de son âge avant d’arriver au training camp des Capitols. Son intégration dans l’équipe se déroula normalement. Bill Sharman, rookie blanc sorti de Southern Carolina et futur Hall of Famer, le prit sous son aile.
Chaque jour, il l’emmenait à l’entraînement en voiture puis le raccompagnait. Earl Lloyd trouva en Horace McKinney, originaire du Sud, un entraîneur très compréhensif et attentionné. On rapporte une anecdote à ce sujet : lors d’un déplacement, un hôtel accepta Earl Lloyd mais refusa qu’il accède au restaurant. Le basketteur appela le « room service » pour se faire apporter à manger dans sa chambre. Horace McKinney refusa qu’il déjeune seul.
Premier assistant noir de la NBA
Né le 3 avril 1928, Earl Lloyd fut distingué par le Hall of Fame en 2003 en tant que pionnier de la lutte contre la ségrégation raciale. Sorti de West Virginia State College, une fac qui ne comptait que des étudiants noirs, il passa une décennie en NBA : quelques semaines à Washington donc, six saisons à Syracuse et deux à Detroit.
Après sa fin de carrière de joueur à Detroit, il s’essaya également au coaching, d’abord comme assistant et il sera d’ailleurs le premier assistant noir en 1968.
Trois ans plus tard, il devient même « head coach » des Pistons (77 matches entre 1971 et 1972). Il y travaillera aussi comme scout pendant cinq ans, et on dit qu’il a découvert des joueurs comme Earl Monroe et Willis Reed.