Bill Russell a beau avoir 86 ans, le légendaire pivot des Celtics s’est empressé de se rendre sur son compte Twitter pour féliciter les joueurs NBA suite à leur action d’hier. La nuit historique vécue par le sport américain lui a sans doute rappelé sa mésaventure, vécue lors d’un match de présaison, en 1961, lorsqu’il avait incité au boycott de la rencontre entre les Celtics et les Hawks de Saint-Louis, sans succès.
Dans sa quête d’expansion, la NBA avait pour habitude d’organiser des matchs d’exhibition dans de nombreuses villes des États-Unis. L’idée était la même qu’aujourd’hui à l’échelle internationale : donner le maximum d’exposition à une ligue en développement. La ligue avait donc coché la ville de Lexington, où se trouve l’université de Kentucky dans laquelle avaient œuvré Frank Ramsey, joueur de Boston, et Cliff Hagan, joueur de Saint-Louis.
L’hôtel refuse de servir le café aux joueurs noirs
Sauf qu’en pleine ségrégation, le projet était visiblement trop ambitieux pour l’époque, quand on sait que les Wildcats de Kentucky ont attendu 1969 afin d’incorporer un joueur noir dans leur équipe…
Ce jour-là, tous les joueurs n’ont donc pas été accueillis des la même façon. La raison du courroux de Bill Russell, prêt à tourner les talons au matin du match ? Une scène digne de « Green Book : Sur les routes du sud », avec le service de l’hôtel de Lexington qui refuse de servir le café à deux futurs Hall of Famers, Sam Jones et Tom Sanders.
Accompagnée des deux joueurs en question et d’un autre futur Hall of Famer, KC Jones, la star des Celtics s’est donc rendue dans la chambre d’hôtel de Red Auerbach, alors coach de l’équipe, pour lui signifier la volonté du groupe de prendre le prochain avion pour Boston afin de boycotter ce comportement raciste.
« J’ai dit à Red que nous partions », avait déclaré Bill Russell en 2013 au sujet de cette triste histoire. « Parce que c’était important pour moi que tout le monde, partout, sache que les joueurs noirs décident de se défendre ».
Mais Red Auerbach n’a visiblement pas été sensible à leur cause, répondant que les billets pour le match du soir étaient déjà vendues…
Bill Russell a donc estimé qu’il était mieux pour lui et son groupe, également composé d’Al Butler, nouveau joueur de Boston, ainsi que deux joueurs de Saint-Louis, qui avaient subi un traitement similaire, de quitter la ville. L’histoire retiendra qu’après ce choix, le joueur de Saint-Louis Cleo Hill avait subi un traitement similaire à celui du joueur de foot US Colin Kaepernick, en se retrouvant mis à l’écart puis exclu de la NBA la saison suivante.
Bill Russell s’en va, les joueurs blancs disputent la rencontre
Là où l’histoire diffère de celle d’hier, c’est donc que le match a quand même eu lieu, uniquement entre joueurs blancs ! Si Red Auerbach s’était montré inflexible, le président des Celtics de l’époque, Walter Brown, avait déploré que le match ait été maintenu, déclarant vouloir « ne plus jamais soumettre mes joueurs à cet embarras ».
Même s’il avait joué la rencontre, le meneur des Celtics, Frank Ramsey, avait affiché son soutien « à 100% » envers Bill Russell dans son combat.
« Aucune personne dotée d’un cerveau dans le Kentucky n’est ségrégationniste, » avait-il assuré. « Je ne peux pas vous dire à quel point je suis désolé, en tant qu’être humain, en tant qu’ami des joueurs impliqués et en tant que résident du Kentucky, de l’embarras de cet incident. »
L’autre star des Celtics, Bob Cousy, s’était montré plus discret et a lui aussi disputé la rencontre, comme si de rien n’était. Il s’est excusé de son comportement à travers une lettre à Bill Russell, 58 ans plus tard. « Avec le recul, j’aurais dû faire plus pour partager votre douleur. Je suis désolé de ne pas l’avoir fait », avait-il écrit.
Au lendemain du match amical entre Boston et Saint-Louis, Bill Russell avait menacé la NBA de recommencer si ce genre de comportements se reproduisait.
« Nous devons montrer que nous désapprouvons ce genre de traitement, sinon le statu quo prévaudra. Nous avons les mêmes droits que n’importe qui d’autre et nous méritons d’être traités en conséquence. J’espère que nous n’aurons plus jamais à subir ce genre d’abus. Mais si cela se produit, nous n’hésiterons pas à prendre à nouveau les mêmes mesures » avait menacé le pivot de Boston.
Amen! This has to stop! https://t.co/Q6cipGCdrY
— TheBillRussell (@RealBillRussell) August 24, 2020