« Un effet ‘The Last Dance’ ? Si seulement !« , en rigole Victor Charrier. Hier, ce vidéaste et graphiste, habitant de la région toulousaine, a mis en ligne le premier épisode de sa série documentaire intitulée « Planche ». Il n’y est pas question de Michael Jordan ou de vedettes NBA. Son projet questionne la dimension artistique de la balle orange.
L’idée est d’aller à la rencontre d’artistes, de journalistes et d’athlètes pour capter leur regard sur le sport et de croiser les points de vue. Son premier épisode, consacré à la photographie sportive, est illustré avec des images de New York (The Cage, Brooklyn, Central Park), où il s’est rendu tourner, et au quasi culte voué au « streetball ».
Kevin Couliau, en « guest » du premier épisode
En complément de ces images, la voix de Kevin Couliau, connu pour ses clichés des « playgrounds » du monde entier et pour avoir coréalisé le documentaire « Doin’ It in the park », qui a beaucoup influencé Victor Charrier. Les deux hommes ont en commun cette envie d’exploiter un regard « visuel » sur le basket, avec un sens du détail. « Qu’est-ce que c’est que de shooter quand il y a du vent ? Jouer sous la pluie ? Ou avec les mains gelées parce qu’il fait froid ?« , énumère Kevin Couliau à qui le Toulousain de 29 ans a donné la parole.
Dans les autres épisodes de cette première saison, ce dernier met en scène Dan Peterson, à l’origine du « Project Backboard », un projet fou de rénovation et « recoloration » de terrains de rue aux États-Unis. Ou encore, Ahmed Taofik, l’une des figures majeures du célèbre « playground » parisien de Pigalle, à proximité duquel il gérait un magasin de basket.
« Plus que des portraits, l’idée est vraiment de croiser les regards, » décrit Victor Charrier, qui a commencé à voir le basket différemment après une rupture des ligaments croisés plus jeune. « J’ai interviewé Ahmed et Dan par exemple sur comment ils voyaient cette vie en communauté. C’est plus qu’une question de terrains de basket et d’œuvres d’art. L’idée est aussi de faire le pont entre les personnes. »
Le créateur a d’abord envisagé d’en faire un film mais il a réalisé que le découpage en série lui offrait davantage de « liberté de création« . Outre le basket, ce fan des Knicks s’autorise des détours vers la pratique du skake, à Berlin notamment, et à ses enjeux connexes avec le basket de rue.
« Planche », référence logique au support du panier, est un projet sur lequel il travaille depuis quatre ans. Il en avait présenté les prémices alors qu’il préparait son diplôme de design aux beaux-arts de Toulouse. Fils d’une directrice de centre d’art contemporain et d’un père graphiste-photographe, Victor Charrier, à l’instar de ses deux petits frères, baigne dans le monde de l’art et de l’image depuis son plus jeune âge.
C’est hyper gratifiant de faire les images dont tu as envie
« À l’origine, je voulais questionner les enjeux des espaces urbains, » se souvient-il. « Surtout les city stades. Je voulais comprendre pourquoi on construisait ce genre de structures pour faire plaisir à tout le monde sans satisfaire qui que ce soit. C’est intéressant en design, l’envie de créer le terrain parfait. » Ces réflexions initiales l’ont donc fait bifurquer vers ce documentaire.
Prendre la caméra a été une nouveauté pour cet habitué du « mixmaking » et des concours en la matière. Connu sous le nom de « Vico » ou « Airvico », il estimait avoir « atteint certaines limites » dans la discipline. Avec « Planche », plutôt que d’aller piocher à droite à gauche dans les « highlights », il bascule dans la création originale totale, du tournage jusqu’à la conception musicale : « C’est hyper gratifiant de faire les images dont tu as envie. Et tu ne te poses pas toutes ces questions de droit à l’image ou de l’utilisation de telle musique. »
Sa série, qui a vocation à être exclusivement diffusée sur YouTube à raison d’un épisode par mois, a été réalisée « avec les moyens du bord« , sans financement extérieur.
Ses images de New York datent par exemple d’un voyage en famille, celles de Berlin de son année Erasmus. Il s’appuie sur une équipe de cinq, six personnes, principalement des proches. Salarié en parallèle d’une boutique aux beaux-arts, il espère bientôt pouvoir vivre de sa double passion pour l’art et le basket.