Avec le nouveau protocole mis en place pour le coronavirus, c’est avec un périmètre de sécurité obligatoire de deux mètres, dans les coursives du Moda Center (au lieu du vestiaire visiteurs) qu’on a pu discuter avec Elie Okobo. Heureusement, Basket USA a le bras long…
Plus sérieusement, le meneur des Suns s’est ouvert sur son manque de temps de jeu, son travail de fond à l’abri des regards et l’importance de la confiance. Rentré en jeu pour une dernière minute sans importance face à Portland, il avait pourtant réussi un bon match (14 points, 7 rebonds, 5 passes) à San Francisco fin février…
À l’instar de son ami, Frank Ntilikina, lui aussi meneur dans une franchise tourmentée, qui vient tout juste de réussir son premier match à 20 points et 10 passes (son deuxième double-double en carrière) dans sa troisième saison NBA, Elie Okobo a encore besoin de temps pour se faire sa place. Trop réfléchi selon son propre aveu, le meneur des Suns est en quête de confiance.
« Défensivement, je me sens beaucoup mieux. Je tiens mes duels la plupart du temps »
Elie, comment vous sentez-vous globalement, dans votre deuxième saison NBA ?
Je me sens bien. Personnellement, c’est vrai que je me sens mieux que l’année dernière. Il faut que je continue à être plus constant. Dans l’ensemble, ça se passe bien.
Votre production statistique est un peu en baisse mais vous vous sentez en progrès, comment l’expliquez-vous pour le grand public qui ne comprend peut-être pas cette contradiction a priori ?
Oui, il n’y a pas que la moyenne de points ou de passes, c’est la manière dont on joue et la manière dont on gère le jeu. Ça, je pense que je le fais mieux. C’est sûr qu’il peut y avoir des matchs où je mets 15 points et d’autres où j’en mets 0, c’est ça aussi la constance. Si j’arrive à jouer juste et continue à gagner en constance, c’est positif et c’est en ça que je progresse.
Sur quels aspects de votre jeu souhaitez-vous encore passer un cap ? Est-ce que défensivement par exemple, vous sentez une grosse progression ?
Défensivement, je me sens beaucoup mieux. Je tiens mes duels la plupart du temps, je suis intelligent en défense et je fais beaucoup moins d’erreurs qu’avant. En attaque, je pense que je joue plus juste, j’utilise plus mes capacités pour aller jusqu’au cercle et provoquer les fautes. Je dois continuer à travailler sur la constance de mon tir extérieur.
« Être plus régulier dans la justesse »
Peut-on ainsi dire que vous étiez un peu plus timide la saison passée ?
Oui, carrément, c’est sûr que je restais beaucoup autour de la ligne à 3-points l’année dernière. Là, j’essaie vraiment plus d’attaquer les joueurs et d’aller provoquer les fautes et finir sur les intérieurs.
On sait que votre temps de jeu est à géométrie (très) variable, changeant d’un match à l’autre, comment gérez-vous ça mentalement ?
Je reste concentré et je suis prêt quand on m’appelle pour jouer. Je travaille dur à côté de toutes façons. Dans tous les cas, je sais que je suis en train de progresser et que je suis sur la bonne voie.
Mais que vous dit Monty Williams par rapport à ce temps de jeu ? Est-ce sur une tendance positive ?
On ne me dit rien de particulier, je ne sais pas combien de minutes je vais jouer tel ou tel soir. Mais il me dit les choses que je fais bien et les choses que je fais moins bien, ce sur quoi je dois travailler. Je sais que je dois progresser encore pour être plus régulier dans la justesse.
Quels sont les points qu’il a soulevés en l’occurrence ? Que devez-vous bosser en priorité ?
C’est essentiellement sur la lecture du jeu, savoir quand je dois attaquer pour moi ou pour les autres.
Qu’est-ce qui vous manque pour trouver un vrai temps de jeu conséquent et stable en NBA ?
Je dirais la confiance à chaque match. Jamais se poser de questions quand je suis sur le terrain. Il faut toujours avoir cette agressivité défensive et offensive. C’est ce qui manque parfois, ce qui fait que je ne suis pas encore régulier comme j’aimerais l’être.
« Quand je revois certaines vidéos de mes matchs, je suis vraiment surpris et parfois, j’ai même l’impression que ce n’est pas moi, ce n’est pas possible »
Mais comment gagner cette confiance quand on ne joue pas ? C’est en étant sur le terrain à répétition qu’on gagne en confiance, c’est un peu le serpent qui se mord la queue, non ?
Je pense que c’est en travaillant des mouvements, des choses que je fais à l’entraînement ou en cinq-contre-cinq, en les répétant de sorte que ça devienne une habitude. Après sur le terrain, dès que tu as cette confiance, il faut réussir à la garder peu importe ce qui se passe autour, si le temps de jeu diminue ou ci ou ça. Il faut garder la tête froide et être professionnel quoi.
De votre point de vue de joueur, pouvez-vous justement nous dire combien la confiance est importante pour un basketteur ?
C’est une grosse partie. Moi, je vois la différence dans mon jeu. Quand je suis très confiant en mon jeu ou je le suis moins, la différence est incroyable. Quand je revois certaines vidéos de mes matchs, je suis vraiment surpris et parfois, j’ai même l’impression que ce n’est pas moi, ce n’est pas possible. Mais la confiance aide énormément, c’est sûr.
Est-ce que ça change vraiment votre regard sur le terrain cela dit ? Vous voyez plus d’opportunités de tirs ou de pénétrations si vous avez la confiance ?
Oui, tu te sens plus à l’aise pour faire des trucs. Si tu as moins de confiance, tu vas un peu appréhender. Je pense que ça joue beaucoup, c’est très important pour un joueur.
Vous avez connu un autre entraîneur la saison passée (avec Igor Kokoskov), quelle est la différence de culture ou de philosophie avec Monty Williams ?
Il y a un peu plus de libertés dans le jeu cette année. Après, comme le coach l’a dit lui-même, le rôle de meneur remplaçant est un des rôles les plus difficiles à tenir. Si par exemple, Ricky va perdre 5 balles, ça peut passer, mais si moi, j’en perds une, je retourne sur le banc. Une balle perdue pour moi, ça vaut presque 6 ou 7 pour Ricky. Il faut vraiment être propre et faire le taf dès qu’on rentre sur le terrain. C’est ça qui est très difficile mais je continue à bosser là-dessus.
C’est un peu deux poids deux mesures ce que vous nous racontez-là. C’est étonnant d’entendre qu’il y a de telles différences d’exigence…
Oui, mais c’est comme ça, il faut faire le taff quand le titulaire n’est pas là. C’est vrai que la moindre erreur te retombe plus facilement dessus. Mais bon, c’est comme ça. En tant que remplaçant, il faut que tu gères bien la balle. Si tu es à +15, il faut rester à +15 ou même passer à +20. Il faut jouer juste, être réfléchi et donner la balle aux bons joueurs aux bons moments.
Comme le veut l’expression consacrée, est-ce que le jeu se ralentit aussi pour vous dans votre deuxième campagne ? Vous avez déjà fait un tour de piste et vous connaissez donc mieux vos adversaires et leurs tendances, ainsi que les systèmes de jeu.
Les lectures de jeu se font plus rapidement. C’est vrai que je connais mieux les joueurs adverses pour les avoir déjà joués. Mais bon, les très forts joueurs restent toujours très forts, ça sera toujours difficile de défendre sur eux. Mais tu peux prendre un peu plus de recul sur le jeu et tu arrives à voir un peu plus de choses. Voilà, il faut continuer à travailler, être performant et consistant.
« Je sais que j’ai des qualités pour faire partie de cette équipe de France »
Collectivement, vous vous battez actuellement pour arracher la 8e place dans la conférence Ouest (tout comme les Blazers que vous affrontez), pensez-vous que la dynamique actuelle est suffisamment forte pour arracher cette 8e place ?
Oui, c’est ce qu’on veut faire. On est déterminé, on veut gagner le plus de matchs d’ici à la fin de saison et essayer d’arriver à cette 8e place. Ça va être difficile mais on travaille fort là-dessus.
[DeAndre Ayton débarque pour son échauffement dans les coursives avec une poignée de gel hydroalcoolique dans la main et en refile à Elie au passage]
Sur un tout autre sujet, quelle est votre position par rapport à l’Equipe de France, sachant qu’il y a les Jeux Olympiques à venir cet été ?
[silence] Oui, je ne sais pas. Je verrai la liste, je ne la connais pas. L’année dernière, je n’ai pas fait partie de l’Equipe de France donc on verra cette année.
Mais les JO sont tout de même une échéance qui vous interpelle, n’est-ce pas ?
Bien sûr, tout grand sportif a envie de vivre cette expérience et de représenter son pays. Donc évidemment, j’ai envie de les faire. Je sais que j’ai des qualités pour faire partie de cette équipe mais d’autres joueurs ont aussi leurs qualités et en fin de compte, c’est le choix du coach.
Combien de temps vous donnez-vous en NBA ? Autrement dit, jusqu’à quand comptez-vous accepter d’avoir un tel rôle de doublure avec un temps de jeu en dents de scie comme ça ?
Moi, j’essaie juste de progresser, je sais que ça va bien se passer à un moment donné et j’espère le plus vite possible. Après, c’est à moi de continuer de travailler et d’être performant pour gagner la confiance, bien comme il faut, des gens autour de moi qui me donneront l’opportunité.
Mais comment définiriez-vous cette opportunité ?
Je pense que si je fais le travail comme il faut, je peux obtenir du temps de jeu et rester sur le terrain de plus en plus. Voilà, c’est à moi de continuer à faire le taf.
N’avez-vous pas le sentiment de gâcher de belles années à « squatter » le banc tout de même car on sait que vous êtes un compétiteur, que vous voulez forcément jouer davantage ?
Non, c’est sûr. Après, je ne squatte pas le banc non plus. C’est le travail : si je suis bon, je joue, si je ne suis pas bon, je ne joue pas. Je vais tout faire pour être bon et pour jouer.
Il n’est donc pas du tout question d’un retour en Europe à ce moment de votre carrière…
Non, non. J’ai montré que je suis capable de faire de très bonnes choses ici et j’ai montré aussi de l’inconstance. Mais j’ai les capacités, je suis un joueur NBA.
Propos recueillis à Portland
https://www.youtube.com/watch?v=RrVPfm9M1j4
Elie Okobo | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2018-19 | PHX | 53 | 18 | 39.3 | 29.5 | 78.7 | 0.2 | 1.6 | 1.9 | 2.4 | 2.1 | 0.6 | 1.3 | 0.1 | 5.7 |
2019-20 | PHX | 55 | 13 | 39.8 | 35.2 | 70.4 | 0.3 | 1.4 | 1.6 | 2.1 | 1.0 | 0.4 | 0.7 | 0.1 | 4.0 |
Total | 108 | 16 | 39.5 | 31.5 | 73.7 | 0.3 | 1.5 | 1.7 | 2.2 | 1.5 | 0.5 | 1.0 | 0.1 | 4.8 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.