La fin de carrière expéditive de Steve Francis a posé énormément de questions sur la vie privée du triple All-Star, à sa grande époque chez les Rockets. Aussi rapidement arrivé en 1999 que débarqué de la scène NBA en 2008, il a connu une trajectoire peu commune. Et les dernières infos le concernant n’avaient rien de vraiment rassurant, à vrai dire…
« Il y avait 50 dealers d’un côté, 50 de l’autre et Petit Steve au milieu »
Dans un long papier publié dans la Players’ Tribune, Steve Francis revient sur son parcours du combattant avant d’arriver dans la Grande Ligue.
« Quatre ans avant que je sois dans cet avion avec Hakeem [Olajuwon] qui me propose d’aller acheter des costards en cachemire, quatre ans avant que je joue contre Gary Payton, j’étais au coin de la Maple Avenue à Takoma Park, dans le Maryland, à vendre de la drogue devant un magasin chinois. Ma mère était décédée et mon père était dans une prison fédérale. On vivait à 18 dans le même appartement. J’avais déjà quitté le lycée. Je n’avais pas de bourse, pas de GED. Rien de rien… »
À l’aube de son adolescence, Steve Francis n’était clairement pas destiné à évoluer en NBA, loin de là…
« J’ai 15 ans, je survis avec des tickets alimentaires, je suis tout petit, je grandis entouré de drogués au crack, et je ne peux même pas jouer au basket au lycée… »
On ne choisit pas où on naît, et dans le cas du meneur, c’est un sacré handicap à surmonter.
« J’ai eu mon premier boulot en tant que phone boy quand j’avais 10 ans. Vous savez ce qu’est un phone boy ? C’était facile. J’attendais à l’extérieur du magasin chinois et je m’asseyais près du téléphone, tout innocent. Et quand le téléphone sonnait, je répondais. C’était toujours des personnes qui cherchaient des drogues, des filles… Je leur disais où aller et voilà. Toute la journée, toute la nuit. Il y avait 50 dealers d’un côté, 50 de l’autre côté de la rue et Petit Steve au milieu, près du téléphone. »
Sans véritable modèle, sachant que son père en avait pris pour vingt ans après un braquage de banque, Steve Francis est projeté dans un monde de violence et de pauvreté extrême.
« Je me ramenais au premier entraînement de l’année au lycée, en pensant que j’étais le patron, et ils me foutaient à la porte ! Ils voulaient que je joue en JV parce que j’étais si petit. Ça m’a tué ! J’ai quitté le terrain et je n’ai jamais rejoué au lycée… sauf pour deux matchs ! Deux matchs en carrière au lycée, vous le croyez ? Je jouais un peu avec une équipe de AAU et je jouais sur les playgrounds et c’était tout. J’aurais certainement dû fermer ma bouche et continuer à bosser dur, mais il faut comprendre que tout est compliqué quand on grandit dans la pauvreté. On bougeait tout le temps. J’ai connu six lycées différents, je n’avais aucune stabilité. J’ai l’impression d’avoir grandi dans une machine à popcorn… »
« Ce qui m’est arrivé, c’est que je buvais beaucoup »
Et pour ne rien arranger, comme il le dit lui-même, c’est durant ces années 90 qu’est arrivé le « fléau » du crack…
« Je suis resté dans mon coin de rue, à faire ce que j’avais à faire pour survivre. C’était n’importe quoi et je ne veux pas glorifier ça. Je me suis fait voler avec une arme sur moi des millions de fois. Je me suis fait tabasser des millions de fois. J’ai vu plein de fusillades et de drive-by. Mais ce qui me faisait le plus flipper, plus que les coups de feu, c’était les drogues. Les aiguilles, les pipes, le PCP… Les gens s’écroulaient avec cet air dans leurs yeux, c’était partout ! Et c’était des gens normaux : des infirmières, des professeurs, des facteurs, le maire de D.C., Marion Barry. C’était l’apocalypse zombie. C’était mon environnement, chaque jour, chaque minute. »
Avant d’arriver en NBA, par l’intermédiaire de deux Junior College (le premier au Texas puis le deuxième dans le Maryland), Steve Francis a bien failli tout lâcher à la mort de sa mère en 1995.
« Quand ma mère est morte du cancer quand j’avais 18 ans, c’était mort pour moi. J’étais fini ! J’avais tout arrêté. J’avais arrêté le basket, quitté mon équipe AAU, arrêté de jouer au parc. J’ai quitté l’école pour de bon et mon business est passé à l’étape supérieure. Je voulais construire mon petit empire jusqu’à ce que je me fasse tirer dessus. »
Ayant réussi à sortir de ce cercle vicieux de sa ville natale, Steve Francis a malheureusement plongé à son tour après sa fin de carrière en queue de poisson. Revenu à Houston en 2007, le meneur pensait bien pouvoir renouer avec sa propre histoire dans le Texas. Mais sans temps de jeu sous Rick Adelman, il quitte la NBA un an après et son ultime expérience professionnelle en Chine ne durera que pour quatre matchs…
« Qu’est-il arrivé à Steve Francis ? Le plus dur pour moi était de lire que je prenais du crack. Quand je pensais que ma grand-mère peut lire ça, ou mes enfants, ça m’a brisé le coeur. J’ai effectivement vendu du crack quand j’étais plus jeune, et ça je l’assume. Mais jamais je n’en ai pris. Ce qui m’est arrivé, c’est que je buvais beaucoup. Et c’est presque aussi grave. En quelques années, j’ai perdu le basket, mon identité et mon père adoptif qui s’est suicidé. Je me suis laissé aller… »