Il y a deux semaines, ESPN consacrait un magnifique reportage à celui que l’on surnommait « le Mozart du basket » : Drazen Petrovic.
Décédé en 1993 dans un tragique accident de voiture, ses anciens coéquipiers et amis lui rendent hommage au travers de ce reportage avec, en tête de file, Vlade Divac, l’ex-pivot des Lakers et des Kings.
Un documentaire de 90 minutes (en anglais) où l’on découvre les raisons qui ont directement fait passer Divac et Petrovic du statut d’amis à ennemis. Peut-être le plus beau documentaire sur le basket jamais réalisé.
Amis car, ensemble, ils ont écrit l’une des plus belles pages du basket européen. Notamment lors des Jeux Olympiques de 1988 (médaille d’argent), puis lors des Championnats d’Europe de 1989 (médaille d’or), des Championnats du Monde de 1990 (médaille d’or), et des Championnats d’Europe de 1991 (encore médaille d’or).
Ennemis car, en 1991, alors que les Yougoslaves fêtent ce titre de Champions d’Europe, Vlade Divac va arracher un drapeau croate des mains d’un supporter avant de jeter celui-ci sur le bord du terrain. Un geste que Petrovic, le Croate, ne pardonnera jamais à Divac, le Serbe.
Petit rappel historique.
Depuis 1963, la Yougoslavie est un Etat fédéral composé de six républiques, dont la Croatie, où Drazen Petrovic verra le jour en 1964, et la Serbie, qui verra naître Vlade Divac 4 ans plus tard.
En 1989, avec l’arrivée de Slobodan Milosevic au pouvoir, les tensions déjà présentes depuis le début des années 80 se font de plus en plus ressentir. C’est à cette même époque que la Croatie et la Slovénie font part de leurs envies d’indépendance.
Le 25 juin 1991, les deux pays sont officiellement reconnus comme pays indépendants, et un conflit terrible éclate où Serbes et Croates s’opposent dans une guerre sans merci.
Un geste mal interpreté
Vous comprendrez aisément pourquoi Drazen Petrovic ne pardonnera jamais le geste de Divac lors des Championnats d’Europe de 1991. Un geste que n’avait pourtant, aucune connotation politique. Au contraire, Divac voulait protéger son équipe de ces choses qui n’avaient rien à faire dans le sport. Malheureusement l’interprétation fut tout autre.
A partir de 1991, alors qu’ils étaient arrivés en NBA ensemble deux ans auparavant, Divac et Petrovic, pourtant si proches, ne se parleront quasiment plus jamais. La faute à cette guerre qui a laissé beaucoup trop de traces.
Sur le plan historique, ce conflit est l’un des plus terribles que l’Europe ait connu.
Divac n’a jamais pu recoller les morceaux…
Sur le plan sportif, c’est tout simplement la fin de ce que beaucoup appelaient la « dream team européenne », avec d’un côté, Vlade Divac le Serbe, et de l’autre, Drazen Petrovic, mais aussi Toni Kukoc et Dino Radja, les Croates.
Coéquipiers un jour, ennemis le lendemain, la situation était très délicate à gérer pour les ex-Yougoslaves. Avec le temps, Vlade Divac a pu renouer quelques liens, notamment avec ceux qu’il considérait avant tout comme ses frères, Kukoc et Radja.
Malheureusement, il n’aura jamais l’occasion de recoller les morceaux cassés avec Petrovic, emporté sur une route d’Allemagne en 1993 dans un accident de voiture alors qu’il aurait dû prendre l’avion avec ses coéquipiers quelques heures plus tôt.
Bien trop souvent, le sport est rattrapé par des conflits qui le dépassent. Parfois, il nous donne l’impression de passer outre les frontières, les couleurs, les cultures et lorsque c’est le cas, cela donne lieu à des moments chargés en émotions.
C’est en tout cas l’impression laissée par ce reportage magnifiquement réalisé où un Vlade Divac, très touchant et très lucide, nous raconte l’histoire d’un pays, de son pays, mais aussi celle d’un phénomène du basket, celle d’un ami : Drazen Petrovic.