Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques 2000 à Sydney, de bronze aux Championnats d’Europe en 2005, Fred Weis fut un cadre de l’équipe de France de basket durant huit ans, entre 1999 et 2007. L’ancien joueur du Limoges CSP et de Malaga cumule 100 sélections à son compteur. Aujourd’hui retraité, il reste un observateur très avisé du basket français et européen. Comme lors de chaque compétition internationale depuis deux ans, il s’est installé avec nous pour suivre l’EuroBasket. Quelques jours après la fin de cette compétition, c’est le moment de tirer un bilan à froid.
Avant de revenir sur certains moments clés de cet Eurobasket, qu’as-tu pensé de cette finale entre la Slovénie et la Serbie ?
Un scénario incroyable. Doncic se blesse, Dragic chope des crampes, Prepelic sort le match de sa vie mais n’est plus là dans les dernières minutes car il n’est pas bien non plus, Randolph présent au scoring, Vidmar aussi avec un match incroyable, c’était vraiment un grand moment de basket. Leur langage corporel était éloquent, on voyait qu’ils voulaient l’emporter, les Serbes ont très vite baissé la tête au contraire des Slovènes, sûrs de leur force. Ils avaient déjà gagné avant le match. Cela fait longtemps que je n’avais pas vécu un match comme ça et honnêtement, cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un tel Eurobasket. Je pense que les amoureux de basket ont adoré.
« J’ai même rêvé d’actions slovènes »
Le MVP de la compétition est Goran Dragic. À titre personnel, je n’ai pas de souvenir récent d’un joueur extérieur aussi fort sur l’ensemble d’un Eurobasket, même en intégrant le Tony Parker de 2013. Qu’en penses-tu ?
À notre époque, on a la vidéo, on sait que les équipes sont scoutées et on peut se dire que normalement, on peut préparer une défense particulière sur lui. Tu ne le lâches jamais et forcément, son rendement doit baisser. Il n’a jamais baissé de pied sur ce tournoi. Sur le match le plus important de l’Euro, il met 35 points. Goran Dragic a été monstrueux, un vrai leader, incontesté. Son niveau d’engagement était exemplaire, il a tenu son équipe. Sur les temps-morts, c’est lui qui prenait la parole avant le coach. Tout le monde sait que c’est un joueur fantastique mais là, c’était encore un cap supérieur.
Tu as mentionné la qualité de cet Eurobasket. Peux-tu développer ?
Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu un Euro de ce niveau depuis longtemps, en effet. Il y a eu beaucoup d’absences et cela m’a fait peur au départ, je pensais que ça pénaliserait la qualité de la compétition et finalement, cela a été monstrueux offensivement, le niveau d’engagement des joueurs et des équipes était incontestable. Il y a eu de beaux matchs, de l’enjeu, du suspense jusqu’à la finale. J’ai passé des moments de basket exceptionnels. J’ai même rêvé d’actions de jeu slovènes. C’était si fantastique et intense que j’en ai rêvé.
J’aimerais revenir sur les vaincus serbes et plus particulièrement Sasha Djordjevic. Trois finales de suite en trois ans pour lui. Quel place occupe t-il désormais comme coach dans le basket européen ?
C’était un joueur de légende qui est en passe de devenir un entraîneur de légende. Trois finales de suite, c’est très fort. Dernièrement, la Serbie avait connu des difficultés et il a tout remis en place, tout nettoyé. L’avantage d’avoir été un grand joueur est qu’il est respecté par les éléments de son effectif, c’est rare d’être aussi respecté par des Serbes. On voit qu’il a imposé sa patte : malgré leurs qualités premières d’attaquants, il arrive à les faire défendre. À terme, il rentrera dans la légende aussi dans cette fonction. Regarde jusqu’où vont les Serbes avec l’équipe qu’ils avaient : il leur manque certains de leurs meilleurs joueurs, comme nous avec Rudy Gobert et Nicolas Batum, et ils finissent médaille d’argent quand même. Imagine le vivier qu’ils ont.
« Juanca Navarro et Pau Gasol se sont roulés une grosse galoche »
Parmi les autres vaincus, parlons un peu des Espagnols. Juan-Carlos Navarro a confirmé sa retraite internationale. Que restera t-il de lui dans l’histoire du basket européen ?
Quand on dit ‘La Bomba’, ça résume bien le joueur. Même si c’est une action de jeu, c’est aussi simple que ça : c’est juste une bombe, ce mec. À n’importe quel moment, il pouvait te sortir un shoot ou cette ‘Bomba’, il était plus rapide que les autres même s’il ne le paraissait pas, il avait une énorme confiance en lui. Je l’ai déjà vu rater dix shoots de suite et prendre le onzième sans sourciller en l’inscrivant dans les moments chauds. Athlétiquement, je t’assure qu’à son retour de NBA, je l’ai vu, il était vraiment très rapide sur ses deux, trois premiers pas. C’était même franchement impressionnant. C’est un joueur hors normes qui s’arrête, c’est dommage, il y en aura d’autres qui suivront.
Tu l’as beaucoup affronté, soit avec l’équipe de France, soit dans le championnat espagnol. Qu’en est-il de l’homme ?
C’est un mec super ! J’ai une anecdote par rapport à lui : Pau Gasol et lui se sont embrassés sur la bouche, avec la langue, pour un pari fait dans leur équipe. C’est pour cette raison que tout le monde les pensait gays en Espagne, alors qu’il s’agissait simplement d’un pari et qu’ils sont comme frères [ndlr : il suffit en effet d’une simple recherche sur un moteur pour lire de vieilles rumeurs sur des forums]. Pour gagner de l’argent et ce pari, ils se sont roulés une grosse galoche. Sur le match pour la troisième place, on aurait dit qu’ils avaient quinze ans. Il faut que les gens se rendent compte, Pau Gasol quoi ! Le mec se jette sur tous les ballons juste pour offrir à son meilleur ami une dernière médaille. Un joueur de ce calibre-là capable de se donner comme il l’a fait… j’avais déjà énormément de respect pour lui, il ne fait que grandir.
« Quatre ans d’attente, c’est trop long »
L’Espagne n’a pas manqué une médaille dans un Eurobasket depuis 2005. Reverra t-on une génération aussi puissante ?
C’est difficile à dire car c’est extraordinaire ce qu’ils ont fait. Beaucoup de choses se sont alignées car ils avaient un deuxième arrière unique avec Juan-Carlos Navarro, un 4/5 de légende avec Pau Gasol. Ils avaient une génération fantastique, ils ont dominé. D’autres équipes vont prendre le relais mais seront-elles à ce niveau de domination ? Cela m’étonnerait.
D’ailleurs, le nouveau calendrier international change la donne. C’était le dernier Euro en organisation bisannuelle. Au regard de cette finale et de la compétition en général, avec beaucoup de jeunesse, à quoi ressemblera le paysage du basket européen dans quatre ans pour le prochain Euro ?
Tu imagines tout ce qu’il peut se passer pendant ce temps ? Prends le cas de Luka Doncic : il n’aura que 22 ans pour le prochain Euro. Honnêtement, je trouve que quatre ans d’attente, c’est trop long. Je n’aime pas du tout ce calendrier. On avait une belle compétition tous les ans, avec la Coupe du Monde, l’Euro, les Jeux Olympiques et on n’avait pas de fenêtres débiles pendant la saison. Ce nouveau calendrier est une hérésie. Maintenant, après la victoire de la Slovénie sur l’Espagne, je t’avais parlé de passation de pouvoir. Et à la vue de cette confrontation en finale, c’est le cas. Il ne faut pas oublier la Lettonie. Il y a beaucoup d’équipes qui émergent. Cet Euro a été marqué par l’apparition de nouvelles élites. Même s’il s’agit parfois des mêmes nations, il y a des nouveaux joueurs. On voit qu’il y a encore beaucoup de potentiel en Europe.
Justement, quatre ans d’attente, cela signifie que l’on te verra moins sur Basket USA pour l’équipe de France. Un dernier mot ?
Je voulais juste remercier BUSA, BasketEurope et bien évidemment les lecteurs. C’est toujours un plaisir de pouvoir vous lire aussi et j’espère que ça vous a plu.
Propos recueillis par Jérémy Le Bescont