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Roman de l’été : « Michael Jordan, The Life » (3)

La saison NBA est terminée, il va falloir chasser l’ennui et trouver de quoi s’occuper sur la plage cet été. Basket USA a pensé à vous ! Comme l’an passé, nous vous offrons une sorte de roman de l’été, de longs extraits d’un livre 100% basket américain.

Après « Un coach, onze titres NBA » de Phil Jackson, nous vous proposons le deuxième ouvrage dédié à la balle orange édité par Talent Sport : « Michael Jordan, The Life » de Roland Lazenby, un bouquin de plus de 700 pages qui retrace toute la carrière de « Sa Majesté ».

Nous avons passé les premiers chapitres – qui évoquent les aïeux, l’enfance et la carrière universitaire de Mike – pour attaquer sa première année sur les parquets pros, en 1984-85.

Le roman de l’été, c’est un épisode par semaine jusqu’en septembre. Bonne lecture !

 

Première partie

Deuxième partie

 

LA VISION

En 1982, Sonny Vaccaro en était arrivé à verser par millions l’argent de Nike aux coaches d’université. Il était l’invité de John Thompson au Final Four à La Nouvelle-Orléans cette année-là quand lui vint sa nouvelle grande idée. Il constata que si James Worthy avait été nommé Most Outstanding Player, Michael Jordan lui avait volé la vedette. « Quelque chose s’est passé devant le monde entier, avait dit Vaccaro du shoot de la gagne de Jordan contre Georgetown. » Une star était née.

Vaccaro ne connaissait pas Michael. Dean Smith était sous contrat avec les chaussures Converse, que ses Tar Heels portaient pendant les matches. Jordan lui-même adorait tous les articles Adidas et plus particulièrement les chaussures parce qu’elles étaient prêtes à l’emploi dès qu’on les sortait de leur boîte. On n’avait pas besoin de les « casser » pour qu’elles soient opérationnelles. Il portait des Adidas à l’entraînement puis enfilaient consciencieusement les Converse pour les matches. Vaccaro vit que le charisme de Jordan allait lui donner une grande force en termes de marketing. Il voulait que Nike fasse signer un contrat à Jordan et conçoive une gamme de produits autour de lui. Vaccaro le fit savoir à Rob Strasser et à d’autres dirigeants de Nike lors d’une réunion en janvier 1984. À cette époque, Jordan était encore junior et il n’avait pas encore décidé de sauter son année senior.

Les cadres de la firme disposaient d’un budget de 2,5 millions de dollars pour les contrats de sponsoring de chaussures chez les pros et envisageaient de le répartir sur plusieurs jeunes joueurs, dont Charles Barkley, qui avait acquis une certaine notoriété grâce à son style de jeu et au charisme de sa personnalité excentrique, à Auburn, et Sam Bowie, qui serait drafté par Portland, si proche qu’il se trouvait pour ainsi dire sur le « campus » de Nike en Oregon. C’était cohérent de répartir le budget de Nike sur un panel de jeunes joueurs riches en devenir au sein de la draft très dense de 1984. « Ne faites pas ça, dit Vaccaro à Strasser. Mettez tout sur ce gamin. Mettez tout sur Jordan. » Il s’est ensuite enflammé à propos de l’attractivité de Jordan, expliquant qu’il serait la figure emblématique qui porterait le marketing de la chaussure de sport à un tout autre niveau. Plus important : Vaccaro assura que Jordan était le meilleur joueur qu’il ait jamais vu. Jordan pouvait voler, dit-il à Strasser.

 

All-in pour Sonny Vaccaro

En ce temps-là, beaucoup de contrats de sponsoring de chaussures dans le basket professionnel se montaient à moins de 10 000 dollars. Un seul joueur, Kareem Abdul-Jabbar, le pivot des Los Angeles Lakers, était censé toucher l’équivalent de 100 000 dollars par an pour son contrat de chaussures. Ce qui rendait l’emballement de Vaccaro encore plus étrange, c’était que le public n’avait pas encore adopté Jordan comme une icône. « À l’époque, Michael n’était pas encore glorifié, encensé, souligna Vaccaro. Il était très bon mais il était perçu comme un gars de plus dans l’équipe de Dean Smith. » Vaccaro mit en avant le fait que Jordan était sur le point de décoller vers une starisation inimaginable, incomparable avec ce qu’un simple basketteur avait jamais accompli. Et Nike devait placer sa fortune sur cette étoile montante.

« Mon point de vue était : “Quel que soit le montant dont vous disposez, donnez-le lui”, se rappela Vaccaro. Rob m’a écouté. Puis il m’a demandé : “Tu parierais ton job là-dessus ?” » Vaccaro avait reçu des augmentations de Nike durant les sept années qu’il avait passées avec l’entreprise, il distribuait des centaines de milliers de dollars aux coaches d’université mais il ne se faisait que 24 000 dollars par an en fixe pour ses efforts. Alors, il a souri et répondu : « Bien sûr. » Strasser avait appris à suivre l’instinct de Vaccaro mais il avait des réticences concernant sa manie du jeu. Pour que l’investissement sur un joueur unique fonctionne, Nike aurait à relier un certain nombre d’éléments, dont les chaussures et la tenue, dans une gamme de produits unique, soutenue par une campagne de promotion du produit et de gestion de l’image de la marque.

Rob Strasser approcha David Falk et lui annonça que Nike envisageait de signer Jordan. Falk et Strasser avaient négocié ensemble des contrats avec d’autres athlètes. Ils tombèrent d’accord sur le fait que Jordan devait faire l’objet d’un marketing individualisé, plus comme un joueur de tennis que comme un basketteur, qui était traditionnellement géré à travers ses liens avec une équipe. Strasser suggéra à Falk de faire une proposition pour signer Jordan. Falk lui répondit qu’il commencerait à y réfléchir tout en l’informant qu’il était rare que les joueurs quittent North Carolina avant le terme de leurs quatre années d’études, ce qui n’était pas entièrement vrai. L’aspect facile de cet arrangement était d’obtenir l’attention de Dean Smith car l’associé de David Falk, Donald Dell, était déjà en relation avec Smith.

 

La naissance d’« Air Jordan »

Dean Smith a été vu plusieurs fois, ce printemps-là, en conversation privée avec Falk et d’autres à ProServ. Peut-être Smith prit-il en considération les perspectives de sponsoring avec Nike quand il encouragea Jordan à passer pro, plus tard au cours de ce même printemps. Smith n’a jamais confirmé l’existence d’une telle connexion. Mais comme Billy Packer le fit remarquer, Smith ne révélait jamais rien. Pour l’essentiel, Smith évalua les possibilités de Jordan de passer pro en fonction de ses conversations avec les équipes NBA, dont les Philadelphie 76ers qui étaient coachés à l’époque par Billy Cunningham. L’une des anciennes stars de Smith. Les Sixers avaient dit à Smith que s’ils pouvaient avoir le 2e ou le 3e choix de la draft, ils prendraient Jordan. Mais tandis que Cunningham penchait de tout son cœur pour Jordan, le propriétaire, Harold Katz, semblait se prononcer pour Charles Barkley, comme le révéla l’ancien coach des Sixers Matt Guokas dans une interview en 2012.

Indépendamment de tout cela, la « décision » de Jordan de quitter l’université un an avant la fin de son cursus ajouta du poids au plan de Vaccaro d’élaborer une gamme de produits autour de lui. Rob Strasser et Peter Moore, le designer créatif de Nike, rencontrèrent Falk à Washington en août 1984. À cette époque, Falk avait concocté une liste d’idées pour le nom des chaussures et des vêtements de Jordan. Sur cette liste figurait le nom « Air Jordan ». Strasser et Moore y ont immédiatement adhéré. « C’est ça, dit Moore. Air Jordan. » À la fin de leur réunion, Moore avait déjà conçu le logo, un signe fait d’un ballon surmontant des ailes avec « Air Jordan » écrit au-dessus. Il restait à Vaccaro à persuader celui que l’on rencontrait rarement, le PDG de Nike, Phil Knight, que faire une offre aussi extravagante à un jeune rookie inconnu et qui n’avait même pas encore fait ses premiers pas en NBA était une bonne idée.

Knight, un ancien coureur du mile, fonda Nike avec Bill Bowerman, légendaire coach d’athlétisme de l’université d’Oregon. Knight permettait à des personnalités extraverties telles que Rob Strasser de conduire la plupart des affaires courantes de Nike. Toutefois, les grandes décisions et les positionnements stratégiques requéraient sa bénédiction. Knight était parfaitement conscient que Vaccaro avait construit des relations qui s’étaient révélées payantes sous la forme d’une énorme croissance des ventes pour Nike. De fait, « Sporting News » inclut rapidement Knight et Vaccaro dans sa liste des 100 personnes les plus influentes dans le sport. Pendant le dîner, Vaccaro parla longuement de ce jeune joueur nommé Jordan, s’est souvenu Packer. « Knight était très réservé. Il a posé beaucoup de questions mais il restait très circonspect. Il n’y a pas eu de : “Sonny, mon garçon, j’espère que tu vas le signer.” Je ne savais pas si c’était l’attitude de Phil Knight mais il ne semblait pas s’extasier. Ni dire : “Mon Dieu ! Si je peux vous aider en quoi que ce soit… Il faut que nous ayons ce gars.” Ce n’était pas du tout ça. C’était très business, très calme. Sonny poursuivait sur les raisons qui lui faisaient penser que Michael pouvait être un grand produit marketing. Même aux Jeux olympiques, il était évident qu’il y avait encore beaucoup de démarches à effectuer pour que Michael devienne un produit chez Nike. »

 

Un enfant gâté en face d’un type louche

En attendant, Strasser et Vaccaro devaient aussi vendre l’idée de Nike aux Jordan. Michael admit plus tard qu’à 21 ans, il était encore assez immature. Il ne connaissait rien ou ne s’intéressait pas trop au business des chaussures de sport. Mais Vaccaro se tourna vers son vieil ami George Raveling, un coach assistant de l’équipe olympique de Bobby Knight, pour l’aider à faire le lien avec Jordan. Raveling présenta Michael à Vaccaro à Los Angeles pendant les Jeux. « C’était au Tony Roma’s. George y avait emmené Michael et il m’a présenté à lui, narra Vaccaro. C’était la première fois de ma vie que je le rencontrais. Nous avons pris une table et parlé de sa venue chez Nike. Il ne connaissait même pas Nike. Vous devez comprendre cela. Je lui ai dit : “Michael, vous ne me connaissez pas mais nous allons concevoir des chaussures pour vous. Des chaussures que personne n’a encore jamais portées.” »

La première impression n’a pas été très bonne, de part et d’autre. Jordan trouvait que Vaccaro avait l’air louche. Vaccaro trouvait que Jordan était un enfant gâté. Cela lui apparut évident lorsque Michael, semblant ignorer la conversation à propos de la gamme de produits, lui demanda une voiture. « Si tu signes ce deal, tu pourras t’acheter toutes les voitures que tu voudras, lui dit Vaccaro.

– Je veux une voiture », insista Jordan.
« Michael était un vrai chieur, ajouta Vaccaro. D’abord, il ne calculait pas l’argent. Deuxio, c’était encore un gamin tout droit sorti de Caroline du Nord. Peu importe. Un contrat pour des chaussures ne voulait rien dire dans les années 1980. Donc, ça le laissait complètement indifférent. Il ne voulait pas venir chez nous. Il voulait signer chez Adidas. Dans les années 1980, Adidas avait les plus beaux survêts. »

 

Nike met 2,5 millions de dollars sur 5 ans sur la table

Jordan posa la question de l’argent et Vaccaro lui répondit de ne pas s’inquiéter pour ça. Si le deal se concluait, Michael serait millionnaire. L’intérêt principal de Jordan restait la voiture. Vaccaro a fini par comprendre que si c’était une voiture qui allait faire venir Jordan, alors il devait lui en fournir une. « Nous te trouverons une voiture », lui promit-il. Jordan sourit mais cela ne rassura pas pour autant Vaccaro. « Vous savez, Michael a ce sourire, dit-il. Il vous regarde. C’est un sou- rire énigmatique. Vous ne savez jamais ce qu’il signifie. »

Les représentants de Nike savaient que Falk était aussi en discussions avec Adidas et Converse mais les bonnes relations qu’entretenait Strasser avec Falk les rendaient confiants. En septembre, l’agent finalisa le contrat de Jordan avec les Bulls. Nike savait que son plan pour Michael était bien plus ambitieux que ce que Adidas ou Converse envisageaient. Vaccaro et Strasser étaient sûrs que Jordan réaliserait qu’on lui offrait un contrat incroyable.

Le lendemain de la victoire du Team USA pour la médaille d’or, Falk, Strasser et Vaccaro se sont réunis pour négocier le montant du contrat de Michael. Nike plaça tout son budget sur lui, un package de 2,5 millions de dollars sur 5 ans, avec un ensemble de garanties, un bonus à la signature et des annuités. Nike s’engagea également à s’investir pleinement pour promouvoir Air Jordan. En termes de contrat professionnel de chaussures de basket, c’était un accord sans précédent. Cela était dû au fait que Jordan toucherait 25% de royalties sur chaque paire d’Air Jordan vendue. En vérité, Falk aurait sans doute pu obtenir jusqu’à 50% de royalties pour Michael, confia Vaccaro en 2012. « David voulait plus de cash sur la table. En 1984, il n’y avait aucune garantie qu’une seule paire de ces chaussures se vende. »

 

Sur le papier, le pari est suicidaire

Ce deal représentait un énorme pari. Après tout, Jordan s’engageait dans une équipe très mal gérée, dans une Ligue qui traînait encore une réputation ternie par l’image de ses soirées débridées et de sa consommation de cocaïne, héritées de la culture des années 1970. L’équipe des Bulls qui venait de signer Jordan présentait plusieurs joueurs qui véhiculaient avec force l’idée que les choses allaient mieux avec la coke. Si Nike avait fait une évaluation des risques, cela aurait très certainement suffi à tuer le deal dans l’œuf. Toutefois, il n’était pas question de business plan mais de l’intuition de Sonny Vaccaro.

Le soir précédant le vol que Jordan et ses parents devaient prendre pour l’Oregon afin d’entendre les dirigeants de Nike leur exposer leur vision de la campagne Air Jordan, Michael appela ses parents pour leur dire qu’il ne viendrait pas. Il était fatigué par ses derniers déplacements et la dernière chose à laquelle il aspirait, c’était effectuer un autre voyage à travers le pays pour une chaussure qu’il n’aimait même pas. Deloris Jordan insista pour que son fils soit présent à l’aéroport le lendemain matin. C’était comme ça et pas autrement. Jordan se présenta à l’aéroport de Raleigh-Durham de bonne heure le lendemain.

Strasser, Vaccaro et tous les gens de Nike étaient présents à la réunion. Parmi eux se trouvait Howard White. Cet ancien basketteur de l’université du Maryland jouerait un rôle sur le long terme dans les relations de la firme avec Jordan. Phil Knight s’était déplacé lui aussi, une chose rare pour le PDG. Vaccaro et les autres représentants de Nike furent immédiatement frappés par l’à-propos et le professionnalisme de Deloris Jordan. « Je peux vous dire qu’elle est l’une des personnes les plus impressionnantes que j’aie rencontrées dans ma vie. Parce qu’elle a été capable de négocier cette vie pour son fils », déclara Vaccaro.

 

Jordan : « Du rouge ? C’est la couleur du diable »

Jordan resta assis, inexpressif, pendant la présentation, comme s’il n’en avait rien à faire. Il n’avait pas voulu être là et était déterminé à ne pas se laisser impressionner. Il regarda les baskets noires et rouges et eut ce commentaire : « Le rouge est la couleur du diable ». Vraiment dommage, ajouta-t-il, qu’il ne soit plus à North Carolina. Sinon, ces baskets auraient pu être recouvertes de bleu ciel. Malgré l’attitude de Michael, Vaccaro ne pouvait quitter Deloris des yeux. Il regardait son expression tandis qu’on expliquait à son fils qu’il recevrait des royalties sur chaque paire de baskets vendue. Vaccaro dit aux Jordan que Nike jouait son « tapis » dans cet engagement. « J’ai dit ça et je suis très heureux de l’avoir dit, rappela-t-il. “On joue tapis.” Je misais mon job. Nike misait son avenir. C’était incroyable. C’était tout notre budget. Pour la maman de Michael, si nous étions prêts à miser tout ça, c’était que nous étions comme une famille. C’était comme si l’on disait : “On vous veut à ce point.” Et de sa part : “Vous allez faire de mon fils l’avenir de cette firme.” C’était comme si nous avions dit : “Michael, si tu te plantes, on fait faillite.” C’était en gros ce que je leur disais. Tout se jouait là-dessus. »

Ce qui n’a pas été formulé était la pensée dominante dans tous les esprits présents dans la pièce. Il ne s’agissait pas seulement d’une offre sans précédent en termes de finances. Cette montagne d’or était offerte à un Afro-Américain de 21 ans qui n’avait jamais joué une seule minute de basket professionnel. L’Amérique avait été témoin de l’émergence grandissante d’athlètes noirs élevés au rang d’icône, de Jackie Robinson à Willie Mays en passant par Bill Russell, Wilt Chamberlain, Jim Brown et Mohamed Ali. Ils s’étaient créé un destin à travers le défi de la lutte de la nation pour les droits civiques. À aucun moment Madison Avenue n’avait envisagé que l’un de ces hommes soit un bon candidat en tant que pièce centrale d’une campagne comme celle que Nike prévoyait pour le jeune Michael Jordan.

Le timing était tout. L’affaire était loin d’être conclue mais Vaccaro se sentait gagné par la confiance en voyant le regard qui s’affichait sur le visage de Madame Jordan. « C’était la réaction de Deloris, se souvint-il. Quelqu’un faisait d’elle une associée au lieu de lui verser un salaire. Et c’est ce qui lui a plu. Cette femme était tout. Michael adorait son père, vraiment. Mais c’était Deloris qui portait la culotte. » Cela a été immédiatement perçu ainsi mais cette réunion illustrait un moment du « black power », même s’il ne s’agissait pas du « black power » né des protestations contre les injustices sociales et les préjugés raciaux. Le « black power » représenté par Deloris Jordan venait tout droit de la plaine côtière de Caroline du Nord, où les Noirs avaient été violemment écartés de la politique et de la société. Le « black power » qu’elle connaissait venait de son père et il reposait sur les réalités économiques du métayage et du fermage. C’était un « black power » économique et c’était probablement le plus grand pouvoir que les Noirs possédaient, à en juger par les banques et les petits commerces tenus par des Noirs qui s’étaient développés dans des villes comme Atlanta et Durham pendant la ségrégation. Ces gains économiques souvent anonymes de professionnels et d’entrepreneurs noirs n’ont sans doute pas reçu beaucoup de publicité mais cette richesse accumulée était ancrée au cœur de l’expérience afro-américaine.

Mike veut une voiture, Vaccaro sort une voiture miniature…

Ces premières négociations avec Nike apporteraient à Michael Jordan les prémices d’un pouvoir économique qui changeait la vie. Toutefois, avant que cela arrive, les dirigeants de Nike et Deloris Jordan devaient encore persuader son grognon de fils que ce deal était dans son intérêt. Sa réponse immédiate fut de rester muet comme une tombe. Puis il regarda Vaccaro et lui renouvela sa demande d’une voiture. Vaccaro tira deux voitures miniatures de sa poche et les fit rouler sur la table, en direction de Michael. Des années plus tard, Vaccaro était sûr que l’une d’entre elles était une Lamborghini. « Voici tes voitures, Michael », lui répondit-il. Il lui répéta que cet accord lui permettrait d’acheter toutes les voitures qu’il désirait. En fait, Jordan allait être payé plus cher par l’entreprise de chaussures de sports que par les Bulls. Tout le monde dans la pièce avait le sourire, sauf Jordan lui-même. Phil Knight plaisanta en disant que la firme achetait des voitures à Jordan avant même qu’il ait donné son accord pour le deal. Puis le PDG s’excusa de devoir s’absenter. Vaccaro se rappela lui avoir dit : « Michael, à un moment donné, tu dois faire confiance aux gens. » « À ce moment-là, par ces mots, je voulais lui dire – et il le savait : “Nous parions autant sur toi que tu paries sur nous.” »

Alors que la réunion tirait à sa fin, l’équipe de Nike n’avait aucune idée de ce que Jordan pensait de cette présentation. Après coup, il dit à Falk qu’il en avait tout simplement marre de toutes ces réunions. Ce n’est que plus tard ce soir-là, au cours du dîner avec ses parents, Strasser et d’autres cadres de Nike, qu’il a commencé à se détendre.

La jeune star fit forte impression ce soir-là, élégante et charmante, évoluant à son aise parmi la clientèle de ce restaurant chic. Son aura personnelle rassura les dirigeants de Nike sur le fait qu’ils avaient fait le bon choix. Ce jeune homme avait en effet quelque chose de spécial, une faculté de communiquer avec les gens de tous horizons. L’expression « post-racial » n’était pas encore entrée dans le vocabulaire mais elle pouvait décrire ce qu’ils ressentaient à propos de Jordan. Ils avaient préparé une vidéo des grands moments de Jordan à North Carolina qu’il pourrait voir sur le magnétoscope de la limousine, sur le chemin du retour à l’hôtel. C’était la touche finale parfaite. Il regarda une seconde fois la vidéo de la gamme de produits Air Jordan qui pourrait devenir la sienne. Le contrat n’était pas encore signé mais des liens s’étaient créés, des impressions avaient été ressenties. « Il l’écoutait, dit Vaccaro de Jordan et de sa mère. Elle avait la décision finale. Elle lui a dit : “Ils nous veulent comme associés.” Elle l’a convaincu. Vraiment. Je n’oublierai jamais ce jour. »

 

Vaccaro : « Nike aurait pu disparaître s’il avait échoué »

Falk se rendit consciencieusement chez Converse et Adidas pour voir ce qu’ils avaient à proposer. Jordan a même rencontré un représentant de Converse qu’il connaissait et lui a dit que sa société devait « s’approcher » de l’offre de Nike. Ni Converse, ni Adidas n’étaient prêts à offrir quoi que ce soit qui puisse rivaliser avec ce que Vaccaro avait conçu pour Michael Jordan. Phil Knight est supposé ne jamais avoir donné son approbation officielle à cet engagement. Mais il n’a rien fait non plus pour l’empêcher lorsque Rob Strasser s’est saisi de l’idée de Vaccaro pour la concrétiser. Le silence de Knight prit donc valeur d’approbation tacite. « Phil était à l’écoute d’un gars comme Sonny, expliqua Packer. Quelle que soit la somme qu’ils payaient Sonny, elle était bien en deçà de ce qu’il faisait pour eux. Il avait une grande vision et l’une de ses grandes visions était évidemment que Michael ne serait pas seulement un joueur d’exception, il serait aussi une personnalité magnétique qui ferait vendre des baskets et n’importe quoi d’autre. »

Les dirigeants de Nike ne le réalisaient pas à l’époque mais ils venaient de faire un premier pas irréversible en faisant de Michael Jordan un associé à part entière de l’entreprise. « Il est autant une image qu’il est un symbole », dit David Falk à l’automne après avoir annoncé que Jordan avait signé des contrats avec Nike, Wilson Sporting Goods et la Chicagoland Chevrolet Dealerships Association. Le contrat Nike, en particulier, avait suscité une vague d’étonnement – et de ressentiment – dans le basket pro. Jordan lui-même l’avait ressenti avant d’avoir rencontré le moindre adversaire. Cependant, jeune comme il l’était, il n’avait aucune idée de ses proportions. « Je sais que tous les regards sont braqués sur moi, dit-il au moment de commencer sa saison de rookie, et certaines des choses que je fais me surprennent moi-même. Elles ne sont pas toujours planifiées. Elles arrivent, tout simplement. »

Pendant ce temps, Vaccaro se réjouissait de la réalisation proche de sa grande idée. « Nous aurions pu disparaître s’il avait échoué, dit-il avec le recul, trois décennies plus tard. Nous avions mis tout notre argent sur lui. Que se serait-il passé s’il avait été un joueur comme un autre ? Personne n’en savait rien à l’époque. Nous aurions été très mal. Je veux dire que je ne sais pas ce qui se serait passé. Mais je sais ce qui n’est pas arrivé. Il n’était pas un joueur comme un autre. Il était quelqu’un qui dépassait les frontières. Et qui a fait des millions de dollars. »

 

A suivre…

 

Roland Lazenby, « Michael Jordan, The Life »

726 pages, 32 euros, 13,99 euros en format numérique (ePub).

En vente en librairie, dans les grandes surfaces et sur les sites de vente en ligne.

Talent Sport

https://talentsport.fr

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Autres livres de basket disponibles

> Phil Jackson, « Un coach, onze titres NBA » (sorti le 14 mai 2014)

> Jack McCallum, « Dream Team » (sorti le 8 juin 2016)

> Kent Babb, « Allen Iverson, not a game » (sorti le 9 novembre 2016)

> Jackie MacMullan, « Larry Bird-Magic Johnson, quand le jeu était à nous » (sorti le 31 mai 2017)

 

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