Il y a beaucoup de Metta World Peace chez Vernon Maxwell. L’arrière deux fois champion fut lui aussi un défenseur intraitable. Neuf ans avant la baston du Palace d’Auburn Hills, il monta dans les tribunes du Memorial Coliseum de Portland pour frapper un supporter jugé indélicat. Et comme l’ex-Ron Artest, Maxwell traîne plusieurs casseroles.
Si le premier s’est assagi au point de devenir « l’ami des pandas », le second écume les tribunaux depuis 20 ans. Son coup de sang en février 1995 coïncida avec le transfert de Clyde Drexler chez les Rockets. Le début de la fin pour l’un des shooteurs à 3-points les plus prolifiques de NBA.
Vous ne pouvez pas séparer l’homme du mythe. Vernon Maxwell est « Mad Max ». Enclenchez le magnéto, envoyez les images. 6 février 1995. Temps mort dans le troisième quart-temps du match Portland-Houston, finalement remporté 120-82 par les Trail Blazers. Il reste 3:33 à jouer. Le natif de Gainesville (Floride) grimpe une douzaine de rangées dans le Memorial Coliseum et s’en va mettre un pain à Steve George. Dans la vie, ce supporter de 35 ans originaire d’Atlanta vend des produits faits maison.
Aussi intransigeante que soucieuse de son image, la NBA sévit. Elle inflige à Maxwell une amende de 20 000 $ et le suspend pour dix rencontres sans salaire. Cela paraît peu comparé à la sanction infligée à Ron Artest suite à la baston du Palace d’Auburn Hills en novembre 2004 (73 matches de suspension sans salaire, soit une perte d’environ 7 M$). Mais à l’époque, l’addition est salée. C’est la deuxième suspension la plus longue de l’histoire après les 26 matches infligés au Trail Blazer Kermit Washington en 1977-78 pour avoir défiguré Rudy Tomjanovich. L’homme qui entraîne désormais Vernon Maxwell chez les Rockets… « Mad Max » a pété les plombs. Évidemment, il y eut provocation du fan en question. Du moins le suppose-t-on.
« Ce qui est arrivé à Portland est exceptionnel », explique le joueur. « Cette affaire m’embarrasse et je suis sincèrement désolé. Mais si le même événement se reproduisait, je ne suis pas sûr que les choses se passeraient différemment… Ce type s’est moqué de ma petite fille Ambre, morte à la naissance (ndlr : en décembre 1993). Les fans peuvent dire ce qu’ils veulent sur ma famille. Ils peuvent hurler des insultes racistes. J’ai déjà tout entendu. Mais si vous touchez à la mémoire de ma fille, vous aurez affaire à moi. Je ne laisserai personne la salir. Ce type a commencé à attaquer Ambre avec des commentaires déplacés et obscènes. Je ne pouvais plus supporter ça et j’ai couru dans les tribunes. »
Rod Thorn, alors vice-président des opérations de la ligue, justifie la sanction : « C’est du jamais-vu depuis 10 ans que je travaille en NBA. Aucun joueur n’était jamais monté dans les gradins, sauf dans le cas d’une bagarre entre joueurs débordant au-delà de la première rangée de spectateurs. »
Début mars, Steve George organise une conférence de presse pour donner sa version des faits. Il ne savait pas que la fille du joueur était morte-née. Nie avoir proféré des insultes racistes. Et réclame bien sûr réparation. Quelques spectateurs assis près de lui au moment de l’incident assurent n’avoir entendu aucune allusion à la fille de Maxwell.
« J’aimerais que M. Maxwell présente des excuses. C’est une erreur de sa part d’arranger cette affaire de façon à ce que je n’apparaisse plus comme la victime ni lui comme l’agresseur. »
Persona non grata chez les Rockets
Quelques mois plus tard, Maxwell est devenu un paria. Il démarre la saison 1995-96 chez les Sixers. Pour la majorité des franchises NBA, Vernon est toujours « Mad Max ». Un serial shooteur à 3 points au tempérament bouillant. Un joueur doté d’un caractère explosif, capable de ramener son équipe à tout moment dans une partie – d’où son surnom – comme de la faire exploser dans l’intimité du vestiaire, sans prévenir.
L’année précédente chez les Rockets, Maxwell toucha le fond. Crédité de 13.3 points de moyenne sur 64 matches, il quitte le groupe champion en titre le 30 avril, juste avant le Game 2 du premier tour des playoffs contre Utah. Le Floridien (29 ans) prétexte des problèmes personnels. Il est placé sur la liste des blessés – on évoque une anémie due à une carence en fer – puis définitivement écarté. C’est un secret de Polichinelle : Vernon a mal vécu l’arrivée de Clyde Drexler dans le Texas en février 1995. Il la vit d’autant plus mal qu’elle est intervenue durant sa suspension pour 10 matches…
Il ne joue pas assez à son goût. Au cours d’une rencontre face à Philadelphie en mars, il fait sa tête de lard, refusant de revenir en jeu. « Rudy T » doit hurler son nom à quatre reprises pour obtenir qu’il retourne sur le parquet. Deux fois, il sèche l’entraînement. Dès février, on évoqua un échange contre le pivot des Nets Jayson Williams. Houston n’a pas d’autre choix que de s’en séparer. Pour sa dernière apparition avec le maillot rouge aux liserés jaunes et blancs, « Mad Max » passe 16 minutes sur le parquet pour un total de 3 points, 3 rebonds et 1 passe. Les Rockets réussiront le back-to-back sans lui mais la règle est claire : le Floridien a joué le Match 1 du premier tour face au Jazz, donc lui aussi sera considéré comme champion NBA 1995.
« Certains de mes partenaires ont pu penser que je les abandonnais. Désolé, j’ai beaucoup d’orgueil et de cœur », expliqua Vernon après coup. « Je suis une personne très émotive et sensible. Je n’avais pas envie de rester à Houston pour regarder les autres jouer. Clyde Drexler est un très grand basketteur et j’aime profondément les Rockets mais je ne pouvais pas supporter cette situation. J’avais un comportement négatif, je dérangeais. Il était préférable pour tout le monde que je m’en aille. »
« J’ai rappelé à Vernon que Clyde était un Dream Teamer et l’un des meilleurs joueurs de l’histoire », raconte Mario Elie. « Je lui ai dit qu’il devait simplement s’ajuster. Mais Vernon n’est pas quelqu’un qui s’ajuste. Il faut dire la vérité : après son départ et malgré la perte sur blessure de Carl Herrera dans le Game 4 face au Jazz, un groupe a réellement émergé. Je pense qu’à l’arrivée, tout le monde y a trouvé son compte. »
Coupé le 30 juin 1995, Maxwell s’engage en faveur des Sixers le 26 septembre. Entre-temps, il est arrêté à Houston pour avoir brûlé un feu rouge. Rien d’extraordinaire. Seulement, un sac plein de marijuana est trouvé dans sa Mercedes décapotable. La sentence est repoussée indéfiniment en échange d’un accord pour une série de tests anti-drogues. Pas étonnant, dès lors, qu’il demande à ce qu’on ne l’appelle plus « Mad Max ». Juste Vernon ou « V. Max ».
« Ce surnom de « Mad Max » m’a attiré des ennuis. Pour beaucoup, j’étais un homme bien sur le terrain mais pas en dehors. A Philadelphie, je ne connais personne et c’est peut-être mieux ainsi. A Houston, je connaissais trop de monde et j’ai permis à trop de monde de me connaître. Je veux démarrer une nouvelle vie ici avec une ardoise propre. »
Par bonheur, les Sixers sont entraînés par John Lucas, saint patron des joueurs bannis. Lucas a réussi à régler ses propres problèmes d’alcool et de drogue. Depuis, il s’efforce d’offrir une deuxième, voire une troisième chance aux joueurs en difficulté. Il investit un million de dollars sur Vernon, pour un an. Il signe également Richard Dumas*, suspendu deux fois pour consommation de stupéfiants sous le maillot de Phoenix.
« John est un authentique héros », affirme Maxwell qui avait des touches avec Charlotte et Indiana, plus intéressantes financièrement. « Sa présence a été déterminante. J’ai toujours voulu jouer pour lui. J’avais besoin de me sentir désiré. C’est plus qu’un ami, il est presque comme un grand frère pour moi. J’ai l’impression qu’il me comprend mieux que quiconque. Il sait me diriger sur le terrain et en dehors. »
« V. Max » prend un nouveau départ à un nouveau poste. Par nécessité et pour augmenter sa motivation, Lucas le fait passer du spot de deuxième arrière à celui de meneur. Étonnement dans le petit microcosme de la NBA : confier un poste réclamant lucidité et clairvoyance à un élément si peu doué de jugement, est-ce bien raisonnable ?
« C’est un challenge sportif mais aussi et surtout mental », explique le coach de Philly. « Quand vous avez un gars aussi talentueux que Vernon dont le talent n’a pas été totalement exploité, la seule chose qui peut remettre la machine en route est un nouveau défi. Je ne lui demande pas d’être un meneur exceptionnel mais de se montrer responsable. »
A Florida, le show puis l’effroi
A New York, Don Nelson applaudit la manœuvre. Le nouveau coach des Knicks, successeur de Pat Riley, rappelle qu’il avait offert la même opportunité à John Lucas chez les Bucks en 1986. Sa vie en fut changée pour toujours. Evidemment, Lucas, ex-« drugs addict », n’est pas seulement mu par la compassion. Il s’agit aussi de renforcer l’équipe pour contrer la concurrence des Knicks et des Bullets (arrivées de Mark Price et Rasheed Wallace) dans la division Atlantic. En Pennsylvanie, les débuts de Maxwell sont encourageants. Il attaque cette saison 1995-96 en rapportant 15 points et une dizaine de passes par match. Emmenés par leur rookie volant Jerry Stackhouse, les Sixers se montrent vaillants et rugueux.
« Nous étions très passifs la saison dernière. Or, Philadelphie est une ville agressive », commente John Lucas. « Le décalage entraînait sifflets et huées. Nous sommes dans une ville syndicale, une cité d’ouvriers qui bossent dur, il nous faut des gars qui plongent sur les ballons et qui se battent avec âpreté. On ne peut pas nier les qualités d’agressivité de Vernon. Ce sont ses décisions qui sont mauvaises. C’est ici que le coach doit essayer d’aider. Je veillerai également à ce que tout se passe bien dans sa vie privée. »
C’est la troisième équipe de Maxwell en 8 ans de NBA. Longtemps, le talent surmonta les problèmes personnels. Vernon naît à Gainesville le 12 septembre 1965. La ville est essentiellement connue pour abriter le campus de la fac de Florida, le quatrième plus important du pays. Maxwell va à la Buchholz High School. Pas question de choisir entre le basket et le football américain : les deux disciplines lui plaisent énormément et il est bon dans chaque sport. Et puis son entraîneur (Rick Swain) est le même : ça aide.
Au terme de son année senior, Vernon est désigné « M. Basketball » de l’État. En foot US, il figure parmi les meilleurs arrières défensifs. Cette capacité à produire du jeu tout en empêchant ses adversaires directs d’en faire autant caractérisera une bonne partie de sa carrière. Sans surprise, Vernon rejoint les Gators (il a grandi à 4 miles du campus). Episode épique : il avait promis à Jim Valvano de rejoindre North Carolina State mais passa du bon temps avec les joueurs de « U.F. » et changea d’avis au tout dernier moment… Les Gators apprécient très vite sa polyvalence. Capable de jouer meneur ou deuxième arrière, Maxwell prend l’habitude de rentrer les gros shoots dans les big games.
Dans son année senior à la fac, il atteint 20.2 points, 4.1 rebonds et 4.3 passes de moyenne. Derrière l’arc, c’est costaud (39.5%). En 1988, l’arrière de 22 ans (1,93 m pour 82 kg) est arrivé au bout de son cursus. Vernon s’est classé meilleur marqueur de l’histoire de Florida avec 2 450 points et n°2 de la Conférence Southeastern derrière Pete Maravich. Sur les tablettes, on ne trouve pourtant aucune trace de ses deux dernières saisons à 21.7 et 20.2 points… L’explication est simple. Au lendemain de l’élimination face à Michigan au deuxième tour de la « March Madness » 1988 (108-85), Maxwell sèche un contrôle anti-drogues et admet avoir fumé de la marijuana. Il reconnaît aussi – pour sauver sa carrière ? – avoir reçu du cash offert par un agent. La fac décide purement et simplement d’effacer ses dernières perfs des archives.
Ce scandale portera un coup très rude au programme de Norm Sloan, démis de ses fonctions un an plus tard, en 1989, avec un bilan de 150 victoires-131 défaites (sur 9 saisons) et trois apparitions dans le Tournoi NCAA. Vernon Maxwell n’est pas encore un joueur pro que sa réputation est faite. On prétend qu’il consommait de la cocaïne avant les matches. Norm Sloan l’aurait su mais n’aurait rien fait. Tout juste confia-t-il à un reporter local que la mauvaise perf de son poulain dans un match face à Tennessee s’expliquait aisément : il était en état d’ébriété…
En juin 1988, Vernon est drafté au second tour (47e position) par Denver et immédiatement envoyé à San Antonio. Sa saison rookie est intéressante (11.7 pts et 3.8 pds sur 26.1 mn) mais le staff lui préfère Willie Anderson et Sean Elliott. Le 21 février 1990, alors que la franchise est en pleine métamorphose (de 21-61 à 56-26) sous l’impulsion d’un rookie nommé David Robinson, son contrat est racheté par les Rockets. Ils n’ont pas à s’en plaindre : ses 27 points lors du dernier match de saison régulière contre le Jazz permettent de sécuriser une place en playoffs. Campagne écourtée par une élimination 3-1 face aux Lakers. Sur la série, Maxwell a rapporté 19.8 points… à 37%.
Au cours de l’exercice suivant, le Floridien établit un record NBA avec 172 tirs primés. Durant deux ans, ce sera le joueur le plus productif de la Ligue derrière l’arc (172 et 162 shoots réussis)**. Premier tour de playoffs expédié une fois encore par les Lakers (3-0). Au moins Maxwell s’est-il fait une place dans le cinq majeur texan. Il démarre 79 matches et s’affiche à 17 points de moyenne. Sans un pourcentage de réussite aux tirs très douteux (40.4), Don Chaney, l’entraîneur, se frotterait les mains. Chez les Rockets, son adresse dans le champ restera suspecte jusqu’au bout. « Mad Max » ne dépassera pas les 41.3% et descendra même sous les 39. Mais le coaching staff n’a que faire des chiffres avec un tireur d’élite qui fait régulièrement mouche quand il dégaine de loin. Après six années de présence dans la Ligue, il se classait déjà 10e pour le nombre de « treys » réussis en carrière (634), à 15 longueurs d’un Larry Bird et de ses 13 ans d’activité…
Du sang glacé dans les veines
Entre 1992 et février 95, Maxwell rapporte 13 à 14 points de moyenne comme deuxième ou troisième option offensive derrière Hakeem Olajuwon et Otis Thorpe (échangé contre Clyde Drexler en février 1995). Une appellation assez réductrice qui ne rend pas hommage à ses multiples talents. Car Vernon n’est pas seulement une fine gâchette, c’est un authentique clutch player doublé d’un redoutable défenseur, intercepteur-né. Une certaine colère semble avoir façonné son jeu, qui se nourrit en permanence d’adrénaline. La dureté y côtoie l’énergie.
Face à lui, les meilleurs attaquants de la Ligue passent une sale soirée. Michael Jordan a droit, comme tous les autres, à un traitement de faveur. Et « Sa Majesté » en sort rarement indemne. Maxwell parvient à faire chuter sensiblement sa moyenne de points comme son adresse aux tirs. Dans le money time, il multiplie les paniers brûlants. Il n’a pas peur de la patate chaude : sa main l’est tout autant. Quand il plante derrière l’arc, les arceaux prennent feu et les salles s’embrasent.
On se souvient des 30 points compilés dans un quatrième quart-temps face aux Cavaliers un soir de janvier 1991 (51 pts au total, 14/25 aux tirs, 4/10 à 3 pts, 19/22 aux lancers en 46 mn)***. Des huit missiles longue distance lâchés sur Denver au cours d’un seul et même match. Des 50 balancés en janvier 1992 (premier joueur aussi productif sur un mois). D’une invraisemblable série de shoots décisifs en 1993-94, dont deux face à Miami pour arracher la prolongation puis la victoire. Sur l’ensemble de cet exercice, il réussira 120 « three-pointers ».
C’est surtout sa prestation dans le Game 7 des Finales NBA face aux Knicks qui marque les esprits. La rencontre est équilibrée, le suspense total. Un hook d’Hakeem Olajuwon en fin de partie place Houston en orbite pour son premier titre. A 1’48 de la fin, Maxwell, décalé sur la gauche et servi par Hakeem, achève New York d’un shoot à 3 points pris sur la tête de John Starks. Les Rockets s’échappent 83-75 puis s’imposent 90-84. Ce mercredi 22 juin 1994, le n°11 texan connaît l’une des plus belles soirées de son existence (21 pts, 4 pds). La coupe de champagne dans laquelle il trempe ses lèvres est à peine plus glacée que le sang qui coule dans ses veines.
Vernon Maxwell n’est définitivement pas un joueur comme les autres. Tout au long de sa carrière, il accumulera les fautes techniques sur le terrain et collectionnera les faits divers en dehors. On a comptabilisé huit arrestations en 10 ans. La bonne volonté qu’il montre un soir peut vite disparaître le lendemain.
« Je me pose parfois des questions », explique sa femme, Rasharita Rochell. « Je ne suis pas d’accord avec sa manière de s’exprimer. Mais il n’est pas fou, contrairement à ce qu’on pourrait croire. C’est un homme très sensible, affectueux, doux et attentionné. Les gens pensent que sa personnalité est la même sur un terrain et en dehors. C’est un peu comme à la télé. On voit un acteur et on se dit qu’il est comme ça dans la vie. Mais au quotidien, Vernon n’est pas du tout le même. Nous sommes ensemble depuis le lycée, nous ne nous sommes jamais séparés. Et je le connais très bien », insiste-t-elle.
Pour l’opinion publique en tout cas, l’affaire est entendue. Le cas Vernon Maxwell réglé. Fantasque et fougueux est le joueur, instable et imprévisible est l’individu. Le basketteur offre des instants de folie pure. L’homme ne semble pas toujours avoir toute sa tête. Pour lui permettre de retrouver un brin d’équilibre, on évoque l’idée d’un séjour en Europe. Rasharita est pour. Vernon, lui, n’est pas d’accord. Avec leurs trois enfants, Vernon Jr, Brandon et Ariel (une fille), il ne se voit pas de l’autre côté de l’Atlantique. La petite famille déménage donc à Philadelphie.
« Nous sommes une famille très soudée. Très religieuse aussi. C’est Dieu qui m’a permis de traverser cette période difficile. John Lucas, encore lui, a été comme un père pour nous. D’ailleurs, nous l’appelons Daddy John », explique le néo-Sixer.
En cette fin d’année 1995, le plus dur commence pour Vernon. Il doit calmer ses nerfs, se concentrer sur son jeu, ignorer les provocations que ne manqueront pas de multiplier les fans adverses. On lui demande simplement de mettre ses talents de champion au service d’une équipe de Philadelphie qui compte mouiller le maillot pour jouer les trouble-fêtes, dans le bon sens du terme. Si l’on oublie cette adresse globale toujours aussi préoccupante (39%), le n°11 des Sixers signe une saison correcte (16.2 pts, 3.1 rbds, 4.4 pds). L’année est très longue pour la franchise de Pennsylvanie qui termine dernière de la division Atlantic avec seulement 18 victoires.
Vernon est le meilleur passeur de l’équipe mais il est plus à l’aise quand il peut jouer arrière shooteur et dégainer, ce qui implique de décaler Jerry Stackhouse en 3… ou de le laisser sur le banc. Il se sait dans une impasse. Tenté par une reconversion en NFL, il sonde les Eagles, l’équipe de football américain de Philadelphie. Sans résultat. John Lucas est finalement remercié par les Sixers en avril 1996. Ses deux poulains, Richard Dumas et Vernon Maxwell, prennent eux aussi la porte.
San Antonio tend un parachute au second. Retour à la case départ. Salaire minimum, comme à Philly : 1 M$. Le décor change, pas le scénario du film. La saison des Spurs tourne au calvaire (20-62) avec un David Robinson limité à 6 rencontres après une fracture du pied. « Mad Max » est complètement déréglé aux tirs (12.9 pts à 37.5%), ce qui ne l’empêche pas de scorer 20 points au plus à 13 reprises et de terminer meilleur marqueur de l’équipe 17 fois… Le 12 février 1997 contre Vancouver, il devient le sixième basketteur NBA à totaliser 1 000 paniers longue distance en carrière.
Côté faits divers, on verse dans le sordide. Une femme, Shelia Rias, l’accuse de l’avoir infectée au cours d’un rapport sexuel en juillet 1995. Le dossier est jugé en mars 1997 à Houston. Pour sa négligence, le double champion NBA écope d’une amende de 200 000 $ auxquels s’ajoutent 392 000 $. Il faut réparer le préjudice moral subi et couvrir les frais médicaux pour le traitement d’un herpès…
30 points de suture pour Carl Herrera
Sportivement aussi, le natif de Gainesville (31 ans) est quelque peu condamné. Coupé par les Spurs le 1er juillet 1997, il transitera par Orlando, Charlotte, Sacramento, Seattle, New York, Philadelphie et Dallas sans jamais redevenir le joueur d’impact qu’il fut. Ou alors furtivement. En Californie, il s’accommode d’un rôle de sixième homme. Au premier tour des playoffs 1999, Sacramento pousse Utah, double finaliste sortant, jusqu’à un Match 5. Sur la série, le n°3 des Kings tourne à 11.2 points et réussit 11 paniers primés. Maxwell achève sa carrière chez les Mavericks au printemps 2001, sur une septième et dernière participation aux playoffs. Ses gains en carrière auront avoisiné les 15 millions de dollars.
Neuf ans se sont écoulés. Depuis son retrait, on obtient régulièrement des (mauvaises) nouvelles… par voie de presse. A l’instar d’un Isaiah Rider ou d’un Dennis Rodman, Vernon semble appartenir à la catégorie des basketteurs retraités qui feront toujours parler d’eux en mal. En plus des incidents mentionnés plus haut (on vous épargne les broutilles comme les jets de chewing-gum sur les arbitres), son casier judiciaire s’enrichit d’une altercation avec le videur d’une boîte de nuit en juillet 1992. Un an après, il se bat avec deux policiers qui tentent de lui faire quitter un nightclub. En mars 1994, on le trouve en possession d’une arme illégale au volant de sa Porsche. Il avait menacé un autre conducteur sur le parking d’une cafétéria. Dans un bar de San Antonio, le patron se prend une bouteille sur la tête. La même année, il lance un haltère à la tête de son coéquipier Carl Herrera, qui doit recevoir 30 points de suture.
En 1995, sa maison de 600 000 $ dans la banlieue de Houston est saisie. Aux policiers qui l’arrêtent pour consommation de stupéfiants, il explique vivre dans son coupé sport. Il passera 90 jours en prison. En février 1997, il prétexte une anémie pour louper un road trip en Floride avec les Spurs. On dit que la police d’Orlando et Miami se tenait prête à l’arrêter pour le non-paiement de plusieurs pensions alimentaires… En mars, San Antonio le suspend pour conduite obscène envers les fans d’Indiana. En mai, il est attaqué de nuit par deux individus. Des coups de feu sont échangés. On établira qu’il se trouvait dans un véhicule avec de la marijuana et des faux billets de 20 $. Maxwell se présente aux urgences d’un hôpital sous un faux nom pour recevoir des soins. Stratagème courant : aux policiers l’invitant à décliner son identité, il prétendait s’appeler Kenneth Shaw…
En août 1997, un organisme financier le poursuit après lui avoir accordé un prêt pour l’achat d’une Ferrari. Le véhicule lui est retiré. En 1999, il est arrêté en Floride faute d’avoir versé les pensions alimentaires dues. L’ardoise s’élève à plus de 160 000 $. En 2000, la police de Charlotte enquête sur des accusations de violences aggravées. Une femme de 31 ans soutient que Maxwell l’a frappée plusieurs fois devant son domicile. En 2004, une ex-petite amie affirme avoir été séquestrée chez elle et battue alors qu’elle tentait de s’échapper.
Vernon, qui réside habituellement à Atlanta, est transféré de Géorgie en Floride pour s’expliquer devant un tribunal. En cause, toujours, des pensions alimentaires non versées. On parle d’une dette de 150 000 $. Myra Jenkins, une infirmière qui travaille dans une unité de soins intensifs, est la mère de son fils Dominique, âgé de 15 ans. Depuis mai 2001, l’ex-Rocket s’est soustrait à ses obligations. Il devait initialement verser 2 700 $ par mois. Cette somme fut portée à 5 043 $ en août 2000, douze mois après la signature de son contrat de 3 ans et 5 M$ chez les Sonics… Vernon est remis en liberté à condition de rester dans le secteur. Le jour de la deuxième convocation, en décembre, il brille par son absence. Mandat d’arrêt. Considéré comme fugitif, il est finalement interpellé et emprisonné à Washington en janvier 2005.
En 2007, la patrouille lui tombe dessus en Caroline du Nord pour possession de substances illégales. En août, rebelote : arrestation en Floride. Traites impayées, possession de substances illégales en état de récidive, non-paiement de pensions alimentaires, le tout alors qu’il est toujours en période de probation.
On prétend qu’en juillet 1995, Rasharita voulait demander le divorce, écœurée par cinq années d’infidélités. Des enquêtes administratives établissent que Vernon a eu trois enfants hors union, plus les trois issus de son mariage. Son épouse et lui finirent par divorcer en 1999 après dix ans de vie commune. Rasharita obtient la jouissance de leur maison dans la banlieue d’Atlanta, revendue pour 348 000 $. A elle également la Porsche, le Range Rover et tout ce qui restait sur leur compte en banque… Vernon est un homme quasiment ruiné. Il travaillera pour la société de gardiennage de son frère Greg contre 250 $ par semaine. A cela, il faut ajouter les 45 $ de sa pension NBA. Rasharita n’est visiblement pas rancunière : ils vécurent ensemble deux années de plus et eurent un quatrième enfant, une petite Madison.
En avril 2010, Maxwell passe une fois de plus par la case « Prison ». Motif habituel : pensions non payées. Son nouvel avocat, Robert Rush, réclame un peu de compréhension : « Le montant de ces pensions avait été fixé quand mon client était encore basketteur professionnel. Aujourd’hui, il n’est plus en état de satisfaire à ses obligations, financièrement parlant. C’est une triste affaire. Ces pensions non versées sont un problème récurrent. »
« Un grand basketteur mais pas un bon père »
« Récurrent » est le mot qui convient : Vernon Maxwell a vécu plus de 20 ans en marge de la loi… En 1999, Gary Payton applaudissait pourtant son arrivée chez les Sonics des deux mains : « Il faut arrêter de dire que nous allons recruter des joueurs de qualité sans casseroles et avec une bonne image. Nous avons besoin de joueurs comme Vernon Maxwell. Des gars déterminés. Il faut des joueurs de caractère ici. »
On rappellera pour l’anecdote que Maxwell visa Payton avec un haltère au cours d’une dispute dans le vestiaire en avril 2000… L’objet atterrit sur l’épaule d’Horace Grant qui dut louper un match. Dès le lendemain, les deux compères étaient inséparables. Tout juste fit-on remarquer que le casier de Vernon avait migré à l’autre bout de la pièce. Jusque-là, il se mettait en tenue au côté de Gary… On peut aussi se gausser d’une discussion entre Maxwell et Gregg Popovich, alors GM (mais pas encore coach) de San Antonio, suite à la signature du premier en 1996.
« J’ai consulté David Robinson, Sean Elliott et Avery Johnson au sujet de sa venue », expliquait « Pop ». « Tous trois étaient d’accord. Je me suis tourné vers Vernon et je lui ai dit : « Mais bon sang, comment se fait-il que je doive m’interroger sur le bien-fondé de ta signature ? » Il m’a répondu : « Coach Pop, je suis embarrassé. J’ai trois enfants. Le plus grand, Vernon Jr, a 10 ans. Il lit des trucs sur moi dans les journaux qui ne me plaisent pas du tout. Je veux que tout ça s’arrête. »
Un Popovich badin, qui explique avoir invité Maxwell chez lui en prenant quelques précautions : enfants mis à l’écart, détecteur de métaux installé à l’entrée… Le GM des Spurs fit inclure une clause assez particulière dans le contrat : interdiction pour Vernon de retourner à Houston, ville de tous les dangers, en dehors des déplacements officiels de l’équipe. Veto de la Ligue.
Sommés de présenter des excuses publiques par leur direction, certains joueurs se prêtent à un exercice d’autoflagellation dont l’intérêt et l’authenticité restent à prouver. Maxwell, lui, ne se confondit jamais en excuses. Il aurait pu faire sien le slogan imaginé par Reebok pour Allen Iverson : « I am what I am » (Je suis ce que je suis).
« J’ai fait tout ce qui a été dit et écrit sur mon compte. Mais je vous demande de venir me voir et de me juger sur ce que vous verrez de moi », lançait-il aux reporters de Seattle en août 1999. « Apprenez à me connaître et ensuite, jugez-moi. Pas sur ce que j’ai fait autrefois. »
« Le jeu a tellement changé mais je pense que je serais All-Star dans le jeu actuel »
Vingt-deux ans plus tard, le jugement s’obscurcit toujours un peu plus, même si l’intéressé s’est refait une belle réputation de sniper sur… Twitter où il donne son avis sur la NBA. Comme lorsqu’il commente le jeu actuel.
« Si je jouais aujourd’hui, je pense que ce serait facile pour moi parce que, merde, personne ne peut te toucher [en défense]. Je serais toujours aux lancers. À mon époque, on pouvait tenir l’adversaire avec les mains et maintenant, dès qu’il y a une action, ils font tourner leur doigt en l’air. Je ne comprends pas ça. C’est pour revoir l’action et ils regardent à chacune de ces fichues actions. Ça me fatigue de les voir tourner le doigt en l’air : regarde, regarde ! Le jeu a tellement changé mais je pense que je serais All-Star dans le jeu actuel. »
Quant au Maxwell papa, il ne faut pas trop en parler…. Dominique, son fils, passa lui aussi par la Buchholz High School. Avec son 1,98 m, ses coaches le supplièrent de faire du basket. Refus catégorique. Sa mère, Myra Jenkins, expliqua : « Quand il a découvert ce qu’avait fait son père, il n’a surtout pas voulu lui ressembler. »
Pour faire croire à Dominique que Maxwell était un papa attentionné, Myra prit l’habitude de lui écrire de fausses cartes postales signées « Vernon ». Quand ce dernier établit enfin le contact avec son fils, ce fut pour l’emmener passer un test de paternité… En le quittant, l’ex-Rocket lui donna 40 $ pour acheter son silence. Maman fut quand même alertée. Elle avait connu Maxwell au lycée. Il leur arrivait souvent de regarder des matches NBA. Vernon pointait le doigt vers l’écran et affirmait qu’un jour, il serait sur le parquet.
« Ce fut un très grand joueur de basket », commente Myra. « Vous ne pouvez pas lui retirer ça. Mais ça ne fait pas de lui quelqu’un de bien. Ça ne fait pas de lui un bon père. »
« J’ignore les étapes par lesquelles Vernon est passé », déclara Rick Swain, son coach au lycée. « Tout au long de sa vie, il a eu beaucoup de choix à faire et il en a fait de mauvais. Je sais simplement que nous avons effectué un bout de chemin ensemble quand il prenait plaisir à jouer au basket. Quand je pense à Vernon, je préfère me souvenir de ces moments-là. »
Stats
13 ans
855 matches (497 fois starter)
12.8 pts, 2.6 rbds, 3.4 pds, 1.1 int, 0.2 ct
39.8% aux tirs, 32% à 3 points, 73.3% aux lancers francs
Palmarès
Champion NBA : 1994, 95
Highlights
* Lire « Richard Dumas, coke en stock »
** Cinq autres joueurs ont fini deux années de suite en tête de la Ligue pour le nombre de paniers à 3 points réussis : Darrell Griffith en 1984 et 85 (91, 92) ; Larry Bird en 1986 et 87 (82, 90) ; Michael Adams en 1989 et 90 (166, 158) ; Dan Majerle en 1993 et 94 (167, 192) ; Ray Allen en 2002 et 03 (229 et 201) : Stephen Curry en 2014 et 2015 (261 et 286).
*** Outre Maxwell, sept joueurs ont réussi à marquer 30 points ou plus dans un quart-temps : Klay Thompson (37), Kevin Love (34), George Gervin et Carmelo Anthony (33), David Thompson (32), Wilt Chamberlain (31), Michael Jordan et Kobe Bryant (30).