Magic Johnson hier, aujourd’hui Giannis Antetokounmpo et demain Ben Simmons. Être grand, et même très grand, n’empêche plus de mener le jeu en NBA, et les coaches de la grande ligue n’hésitent plus à responsabiliser leurs « playmakers », quel que soit leur poste naturel ou leur taille.
En 2014, le site Complex établissait un classement des meilleurs « grands » meneurs de l’histoire de NBA. À la première place, Magic Johnson, cinq fois champion NBA, trois fois MVP. Mais le papier précisait surtout qu’il est le seul de plus de 2m00 (2m06) de cette liste.
Deux ans plus tard, cette hiérarchie est totalement bouleversée : la NBA a démocratisé l’idée de voir des grands conduire les contre-attaques et diriger le jeu de leurs équipes. Penser qu’un joueur plus petit est capable d’aller plus vite, mettre plus de rythme et mieux voir le jeu, c’est déjà vivre dans le passé.
Les « Point Forwards » ont ouvert la voie
Mais il a fallu du temps, et les exceptions ont été rares jusqu’à aujourd’hui. Il y avait tout de même ces « point forwards », ce poste officieux qui définit les « grands » qui aimaient avoir la gonfle en main. De Rick Barry à LeBron James en passant par Grant Hill et Lamar Odom. L’ancien joueur des Lakers, 2m08, se retrouvait souvent meneur dans le triangle de Phil Jackson, lui qui jouait déjà poste un à la fac de Rhode Island.
« Il n’y a pas beaucoup de joueurs comme ça aujourd’hui » expliquait LeBron James en 2010. « Lamar Odom fait partie de ces joueurs capables de prendre le ballon et de s’occuper de l’attaque de son équipe, mettre ses gars dans de bonnes positions et être agressif dans le même temps. »
Comme Lamar Odom, et comme l’a également été Boris Diaw, LeBron James a fait partie de ces « point forwards » qui ont changé les mentalités en NBA. Dès son arrivée en NBA, le King a commencé à prendre en compte ce nouveau rôle.
« Se retrouver meneur, c’est comme si tu jouais quarterback » expliquait-il quand il était à Miami. « J’avais décidé de ne pas jouer quarterback au lycée, je préférais jouer receveur. Mais honnêtement, même si je dis que je ne veux pas, je joue meneur. Tous les soirs, je suis un point forward. Je porte la balle, je mets en place l’attaque, et je crée pour moi aussi. Comme le faisait un Pippen ou un Grant Hill. »
Aujourd’hui à Cleveland, aux côtés d’un des meilleurs meneurs de la ligue, LeBron James est bel et bien l’initiateur principal. Kyrie Irving s’est mué en arrière scoreur d’immense talent, et la frontière avec le véritable poste de meneur de jeu est maintenant plus maigre que jamais. Aujourd’hui, le vrai meneur du jeu des Cavs, c’est LeBron James.
LeBron James et Draymond Green, « meneurs du jeu » plutôt que « meneur de jeu »
Cette saison, le King touche 85.1 ballons, pour 9.1 passes décisives par match contre 75.5 pour Irving (4.4 passes décisives) et un temps de jeu équivalent.
« J’essaie juste de lâcher le ballon encore plus qu’avant » avouait la star des Cavs l’an dernier. « On peut tous les deux lancer l’attaque. Je pense que le plus important c’est, qu’importe les joueurs sur le parquet, faire bouger la balle et accumuler les passes décisives. C’est comme ça qu’on va gagner. »
Une méthode qui fonctionne puisque c’est avec celle-ci que les Cavaliers sont devenus champions en juin dernier. Face à eux, les Warriors, titrés en 2015, fonctionnent également de la même manière avec Draymond Green, l’ailier fort meilleur passeur des Warriors depuis deux ans.
« J’adore ça, parce que l’une des choses que j’aime, c’est de faire le jeu. Ça marche bien pour moi » déclare-t-il. « Cette année [l’an dernier], j’ai beaucoup joué comme playmaker, et mes coéquipiers ont rentré leurs tirs. Je peux faire toutes les passes que je veux, s’ils ratent, ce n’est pas une passe décisive. »
Ces nouveaux « grands », vrais directeurs du jeu
Après l’éclosion des « point forward », la NBA est en train de connaître un nouveau stade de son évolution. Après trois décennies, Magic Johnson tient peut-être enfin sa descendance. Giannis Antetokounmpo (2m11) et le nouveau venu Ben Simmons (2m08) peuvent être les pionniers de cette nouvelle ère : des « grands » officiellement meneurs de jeu.
Brett Brown n’arrête pas de le marteler depuis des mois, mais il compte sur son talent brut australien pour prendre les rênes des Sixers quand il sera prêt à jouer. Il l’a rappelé cette semaine.
« Quand il sera prêt à faire son retour, mon intention est de lui donner le ballon et de le faire jouer meneur de jeu » a réitéré le coach de Philadelphie. « C’est le plan, mais il faut encore attendre un peu pour le voir. »
Néanmoins, Ben Simmons débuterait au poste 4, défendrait sur les ailiers forts adverses, mais dirigerait le jeu. Pourquoi alors ne pas le considérer comme un « point forward » ?
« Tout le monde s’embrouille sur le type de meneur qu’il sera » avait déclaré en juillet le coach sur NBA.com. « Quand je dis « meneur de jeu », c’est « meneur de jeu ». Vous avez le ballon. Ça peut être le Isiah Thomas de ma génération. Ça peut être Chris Paul. Un meneur de jeu de chez meneur de jeu, et je pense que Ben peut l’être par moments. Pas Draymond Green. Pas LeBron James. Pas Lamar Odom. Ça, c’est un point forward. Je navigue entre les deux. Pour commencer, il jouera comme un point forward. »
Giannis Antetokounmpo, déjà modèle à suivre
Pour son coach, l’Australien est capable de prendre des rebonds, mener la contre-attaque et initier les phases offensives. Comme Giannis Antetokounmpo.
« Ça ne me surprendrait pas, si on se projette dans quelques années, qu’il soit considéré comme un vrai meneur » explique-t-il. « Parfois, plongé dans mes pensées, je me demande pourquoi ne pas simplement lui donner le ballon ? »
Chez les Bucks, Jason Kidd a sauté le pas avec son OVNI grec. Dès la fin de saison dernière, Giannis Antetokounmpo s’est retrouvé meneur, avec un succès mitigé, mais dans un rôle qui semble fait pour lui dans les années à venir.
« Il est dans son jardin quand il traverse le terrain, c’est là qu’on voit ses capacités naturelles » confie Jason Kidd. « Être capable de voir le jeu comme il le fait facilite beaucoup les choses. Ça rend aussi les choses intéressantes pour ses coéquipiers puisqu’ils savent qu’ils vont voir le ballon. Sa taille, mêlé à ses avantages naturels et sa panoplie, met une pression folle sur les défenses. »
Aujourd’hui, le « Greek Freak » touche 20 ballons de plus par match que n’importe lequel de ses coéquipiers, et il est devenu le vrai dépositaire du jeu des Bucks, sans pour autant défende sur les meneurs adverses. Avec 22.8 points, 8.5 rebonds et 6.1 passes décisives de moyenne, il est l’un des nombreux exemples d’une NBA où les définitions classiques des postes s’effacent petit à petit. Actuellement, on peut être le « meneur du jeu » sans être au poste 1. James Harden, LeBon James, Giannis Antetokounmpo, Draymond Green et bientôt Ben Simmons en sont les démonstrations les plus claires.