Arrivé à Portland l’été passé pour succéder au très apprécié Nicolas Batum, Al-Farouq Aminu (9.8 pts et 6 rbds) a pour l’instant réussi à faire oublier le transfert du Français. Essentiel à la bonne marche des surprenants Blazers, le récent champion d’Afrique réussit sa meilleure saison NBA après des débuts compliqués. Après s’être incliné devant Brian Roberts sur un concours à trois points à la fin de l’entraînement, et à quelques heures de retrouver les Mavs, le 8e choix de la draft 2010 a accepté de répondre à nos questions.
En France, le choix par les joueurs binationaux de la sélection nationale avec laquelle ils veulent évoluer suscite parfois des débats assez nourris. Ici, aux Etats-Unis, ce n’est pas le cas. Comment et pourquoi avez-vous pris la décision de jouer pour le Nigeria ?
Je voulais déjà jouer pour le Nigeria quand j’étais à l’université mais je ne savais pas qui contacter pour faire part de ma volonté. Mon héritage nigérian a toujours eu une grande importance pour moi, non pas que les USA n’en aient pas eu. Choisir cette sélection a toujours été une évidence pour moi.
On dit souvent que l’émotion d’une victoire avec le maillot de son équipe nationale est beaucoup plus forte. Est-ce que cela a été le cas l’été passé, après le sacre africain ?
C’était énorme ! Quand tu gagnes avec ton équipe NBA ça signifie beaucoup pour la franchise et la ville, mais quand tu le fais avec ta sélection, ce sont tous les habitants du pays qui gagnent avec toi. Après le titre, j’ai vu des anciens joueurs en larmes parce qu’ils savaient ce que ça représentait pour l’équipe nationale. Le basket va prendre, je pense, plus de place au Nigeria. Les enfants n’ont pas envie de rester dans la rue à ne rien faire, ils veulent jouer et le basket peut les inspirer et continuer de grandir dans le cœur des gens. C’est incroyable de pouvoir avoir un tel impact sur ton pays, vraiment.
Le Nigeria est un pays de foot mais le basket y est déjà assez populaire, non ?
Oui, c’est vrai. On est un pays très compétitif en général donc gagner ce titre africain nous permet de rester dans le gratin du basket pendant quelques années. Nous allons pouvoir participer aux J.O, c’est très important pour moi car c’est une chance exceptionnelle de disputer cette compétition. J’ai déjà 25 ans quand même. Je veux aussi encourager certains joueurs africains qui sont hésitants à jouer pour leur équipe nationale en Afrique. Je veux leur montrer qu’on peut élever le niveau de jeu et d’organisation, surtout dans les pays moins stables encore que le Nigeria.
À vous écouter, on sent que votre présence en sélection dépasse le seul cadre sportif et ressemble à une expérience humaine marquante…
C’est le cas. Lors de ma saison rookie, je voulais surtout bien me préparer pour être sûr que tout allait bien se passer en NBA. Une fois que j’ai commencé à jouer pour le Nigeria, j’ai vu et expérimenté l’ambiance au sein de l’équipe, en découvrant que j’avais beaucoup de choses en commun avec les autres joueurs. Au fur et à mesure des matchs, tu réalises aussi l’impact positif que ça a sur les fans et la population et ce facteur-là, ça prend très vite le dessus.
« Billups a joué pour beaucoup d’équipes avant de finir MVP des Finals »
Au regard de votre classement dans la draft (8e), on pourrait croire que votre carrière a jusque-là été un peu décevante. Est-ce que le fait d’en être déjà à votre 4e équipe en 6 ans qui peut l’expliquer ?
Non, pas vraiment. C’est comme ça que la NBA fonctionne. Regardez Chauncey Billups, il a joué pour beaucoup d’équipes et il a fini par être MVP des Finals. Je connais des joueurs qui ont été draftés la même année que moi et qui ne sont plus en NBA aujourd’hui. Je suis reconnaissant de ce que j’ai, d’avoir pu m’entrainer aujourd’hui et de disputer un match NBA demain.
Est-ce que ça vous contrarie un peu d’être beaucoup plus important pour votre équipe que ce que le public et les médias peuvent penser ?
Non, je veux juste que mon équipe gagne. Bien sûr, tu as parfois tes objectifs personnels mais tu dois t’adapter à ce qui t’arrive. Je suis arrivé dans des équipes qui ne me voulaient pas vraiment, j’ai dû faire ce que je pouvais et jouer le mieux possible. Parfois, tu travailles très dur et tu fais de ton mieux mais ça ne marche quand même pas. J’ai alors tendance à penser qu’il était écrit que ça ne marcherait pas.
Si on vous décrit comme une glue pour définir votre rôle au sein des Blazers, le choix du mot vous semble approprié ?
Oui. Surtout quand tu as deux scoreurs comme nous, tu dois faire ces petites choses que les gens ne voient pas. Il faudra que je le fasse toute ma carrière si je veux rester sur les parquets. En NBA il faut aussi pouvoir accepter de faire le boulot qu’on te demande si tu veux y rester. Mais bon ce n’est pas le pire des boulots, non ? (rires)
« La proposition de Portland était claire et directe »
L’été dernier fut important pour vous puisque vous pouviez signer votre premier contrat longue durée. Sur quels critères avez-vous choisi Portland ?
Portland m’a fait une proposition claire et directe. Ils n’ont pas joué avec moi, fait traîner ou changé d’avis. J’ai beaucoup apprécié cela et c’est la raison principale de mon choix. Je voulais être dans un bon état d’esprit. J’avais basé mon choix NCAA sur les mêmes critères, Wake Forest avait été le plus direct et le plus rapide à me proposer quelque chose.
Vous sortez de Wake Forest, une université au programme basket très prestigieux. CJ McCollum et Damian Lillard sont eux passés par des petites facs. Pensez-vous que le prestige et la renommée de l’équipe NCAA soient encore aussi importants qu’avant pour faire une carrière en NBA ?
Oui et non. Je pense que pour eux c’était moins important et que ça a bien marché parce qu’ils sont des arrières. C’est plus facile de passer par une petite école quand tu sais que tu vas avoir le ballon dans les mains à chaque début de possession. Pour les autres positions, c’est beaucoup plus difficile car tes performances dépendent de comment tu va être servi. Quand tu es meneur, le ballon est déjà dans tes mains, tu peux jouer où tu veux. À une autre position comme la mienne, tu as d’abord besoin de jouer avec un meneur. Tu vas donc là où il y a un de très bon (sourire).
Propos recueillis à Portland