Redoutable homme d’affaires et entrepreneur, Mark Cuban est l’un des propriétaires les plus impliqués dans la vie de sa franchise et n’hésite pas à voyager avec son équipe pour la soutenir même à des milliers de kilomètres de Dallas. Il a eu la gentillesse de nous accorder quelques moments avant la rencontre entre les Dallas Mavericks et les Washington Wizards.
Mark, Dirk Nowitzki est devenu le meilleur marqueur international de l’histoire de la NBA. Quel regard portez-vous sur sa carrière ?
Dirk est un immense joueur. Les Mavs ne seraient pas ce qu’ils sont aujourd’hui si Dirk n’avait pas été là. Il a tant fait pour cette franchise et j’espère que nous pourrons lui offrir la plus belle fin de carrière possible dans quelques années. J’ai connu toutes les émotions avec lui, le bonheur dans les succès, l’amertume de la défaite, mais nous sommes toujours restés sur la même longueur d’onde. Je l’ai vu évoluer et grandir depuis son arrivée au sein de la ligue et devenir l’un des meilleurs joueurs de tous les temps. Il est toujours resté fidèle aux Mavs. J’ai tout fait pour qu’il soit heureux à Dallas et pour qu’il reste ici toute sa carrière. Je n’ai jamais rechigné à dépenser le moindre dollar pour construire l’équipe la plus compétitive possible autour de lui et nous avons encore de grandes ambitions cette année.
Il approche doucement mais sûrement de la fin de sa carrière. Il reste cependant l’un des meilleurs joueurs de la ligue à 36 ans passés. Combien de temps le voyez-vous encore évoluer à ce niveau ?
36 ans aujourd’hui, c’est l’équivalent de 31 ans il y a dix ans. Aujourd’hui, avec les progrès de la médecines et les soins apportés aux joueurs, il est possible de jouer au plus haut niveau jusqu’à 40 ans. Regardez Tim Duncan, Ray Allen, ou même Kobe Bryant qui revient d’une grave blessure et est le meilleur marqueur de la ligue cette saison. L’âge ne veut plus rien dire, et les blessures non plus. Avant, quand vos genoux étaient touchés, votre carrière était brisée. Aujourd’hui, on se remet de ce genre de blessures sans aucune séquelle ou presque. Pour en revenir à Dirk, lui seul sait combien de temps il lui reste. Je sais juste qu’il ne pense pas du tout à la retraite.
Quand Dirk est arrivé à Dallas, quelles difficultés a-t-il rencontrées afin de s’adapter au jeu NBA ?
Les débuts de Dirk n’ont pas été faciles, ni pour lui, ni pour nous. Nous savions que nous tenions un joueur exceptionnel mais il a mis trois ans avant de véritablement comprendre le jeu pratiqué ici et a pleinement endossé son costume de leader. Entre les problèmes de langue, les différences culturelles et le style de jeu qu’il a dû apprendre, cet apprentissage de la NBA a été un défi à surmonter. Heureusement, nous avions en Steve Nash et Michael Finley deux joueurs qui l’ont entouré et aidé à s’acclimater et Donnie Nelson a joué un rôle très positif pour son intégration.
Dirk est un bourreau de travail. Que vous inspire sa motivation, toujours intacte après 16 ans en NBA ?
Si vous voulez construire une équipe de haut de tableau sur la durée, il faut que votre meilleur joueur soit aussi celui qui travaille le plus dur, soit le plus intelligent et vous donne cette valeur ajoutée au sein du vestiaire. Dirk est tout cela à la fois pour les Mavs. Parfois, je le vois à la salle entrain de shooter le samedi soir à 23 heures pendant que les autres joueurs font la fête en boite de nuit. Il travaille avec passion et sans relâche et est un exemple pour beaucoup de monde. Je ne parle pas seulement d’autres joueurs NBA mais du tout à chacun. Si on se donne à fond, on peut atteindre les sommets, peu importe ce que l’on veut entreprendre.
« J’ai tellement de bons souvenirs avec Tariq… »
Vous avez connu plusieurs joueurs français à Dallas : Ian Mahinmi et Rodrigue Beaubois, champions NBA en 2011, mais aussi Alexis Ajinça, Antoine Rigaudeau et Tariq Abdul-Wahad. Votre souvenir le plus marquant ?
Tariq bien évidemment ! Un amour cet homme. Tellement de bons souvenirs avec lui…
N’insistons pas… Etiez-vous déjà un fan des Mavericks avant d’acheter la franchise ?
Oui, j’avais deux places à l’année… qui n’étaient même pas côte à côte. A l’époque, ça n’importait peu vu que hormis lors des visites de Michael Jordan, la salle était vide et je pouvais aller où je voulais sans gêner personne. Je me souviens que le type assis devant moi ramenait souvent de très jolies filles avec lui et dans ce cas là je restais à ma place.
L’expérience offert aux spectateurs est quelque chose de déterminant pour vous. Que faites vous de plus que les autres propriétaires pour proposer le meilleur divertissement de la ligue ?
Il faut absolument être à l’écoute de ce que veulent les gens. Sans spectateurs, il n’y a pas de NBA. Je m’implique beaucoup personnellement et chaque saison, j’assiste à des matchs assis à différents endroits, que ce soit au bord du terrain, en « club seats » ou tout en haut sous le plafond. Je tiens à m’assurer que les services proposés répondent à ce qu’attendent nos fans, qu’il s’agisse des animations, des services de boisson ou restauration, etc… Il faut aller au-delà des attentes des gens pour qu’ils passent un bon moment et s’amusent en famille ou entre amis. Vous savez, tous les matchs ne sont pas dignes d’un Game 7 en terme d’intensité et parfois, on peut vraiment s’ennuyer. C’est pourquoi il faut que nous soyons au top dans tous les autres services afin que nos fans repartent de la salle avec le sourire, peu importe le score ou le niveau de jeu.
Vous êtes avant tout un hommes d’affaires avisé. Quel parallèle faites vous entre l’univers du sport et celui des affaires ?
Le business est le sport ultime. La différence, c’est que le match dure 24 heures sur 24 et il n’y a jamais de temps-mort. Il faut être attentif à tous les détails à chaque instant si l’on veut espérer gagner.
Comment voyez-vous la ligue évoluer sur le plan international dans les années à venir ?
La NBA va continuer de grandir à travers le monde avec de plus en plus de joueurs de pays différents et un public international de plus en plus nombreux. Verra-t-on des franchises voir le jour en Europe ou en Chine ? Je ne le crois pas. En revanche, je pense que la NBA pourrait collaborer avec les ligues de différents pays, pourquoi pas prêter son nom ou sa marque, et même une sorte de « World Series » où le meilleur club du monde défierait le champion NBA. Mais je vois mal la NBA suivre les traces de la NFL avec des matchs régulièrement délocalisés et peut-être une future franchise à Londres.
« Je travaille sur des technos qui pourraient révolutionner les systèmes analytiques en NBA »
Toujours à propos de l’évolution de la NBA, que pensez-vous du débat sur la réforme de la Draft et de la stratégie de « tanking » des Sixers ?
Je pense que le système de loterie est ce qu’il y a de mieux pour la ligue. On ne peut pas automatiquement donner le premier choix à l’équipe terminant avec le plus mauvais bilan, aussi mauvaise soit-elle. Je prends l’exemple des Mavs mais si cela avait été le cas, jamais je n’aurais pu devenir le propriétaire de cette franchise. Les Mavs auraient drafté Shaq et gagné quatre ou cinq titres dans les années 1990… C’est bien qu’il y ait ce suspense et cette part d’indécision, mais de toute façon avoir le numéro un de la Draft ne fait pas tout comme on peut bien souvent le voir.
Les Mavericks sont, depuis votre arrivée, à la pointe de la technologie dans tous les domaines. Comment naissent ses innovations ?
C’est essentiellement moi. Je n’ai pas d’équipe de recherche ou quoi que ce soit. J’ai toujours cet esprit entrepreneurial en moi et je travaille en ce moment sur plusieurs technologies qui pourraient révolutionner les systèmes analytiques en NBA. Nous allons par exemple devenir les premiers à utiliser la technologie « FreeD » à plein temps (voir ci-dessous).
Le show télévisé « Shark Tank » marche de plus en plus fort aux Etats-Unis. Pensez-vous immédiatement aux Mavs lorsque l’on vous présente un produit ou un service ?
Ça m’arrive, oui. J’ai signé l’un ou l’autre contrat avec des entrepreneurs dont le business peut être facilement mis en place en NBA, notamment tous les produits pouvant être mis sous licence comme par exemple « The Game Face Company » qui marche très fort à nos matchs.
Propos recueillis à Washington.
https://www.youtube.com/watch?v=l_TxrOxCPSg