« Depuis qu’il est là, je suis son plus grand fan. Au niveau du talent pur, il est dans le Top 3 de l’équipe. »
Non, Damian Lillard ne parle pas de LaMarcus Aldridge, son coéquipier All Star mais bien de son coéquipier, et camarade de promotion, Will Barton.
Un lit pour quatre
Remplaçant chez les Blazers, l’ancien de Memphis (comme Derrick Rose) n’a pas encore fait des miracles à Portland avec deux saisons à 4 points et 2 rebonds de moyenne. Si son record plafonne à 23 points, Barton a néanmoins déjà conquis le coeur des fans à Rip City, avec des dunks tonitruants et une énergie contagieuse. Celui qui s’est auto-proclamé « le champion du peuple » a effectivement eu un parcours plutôt compliqué avant d’atteindre la NBA.
Sans figure paternelle, Will grandit dans un foyer bien modeste qui survit. C’est littéralement le cas de le dire pour celui qui possédait une seule paire de chaussures au lycée, des Nike Huarache, à la fois pour jouer et pour la vie de tous les jours.
« Il ne faut pas se plaindre. Dans la vie, il y aura toujours des obstacles. Même si tu prends le temps de planifier les choses, ça ne se passera jamais exactement comme prévu. Les gens qui ont du succès sont ceux qui se battent chaque jour quand ça ne va pas… Je le dis toujours, on ne sait jamais ce qui se passe chez certaines personnes ; il ne faut jamais juger quelqu’un. J’ai traversé tellement de choses mais les gens ne le savent pas parce que je ne suis pas là à le crier sur tous les toits. »
Avec sa mère qui se tue au travail (de nuit) et une soeur, jeune maman, qui se retrouve derrière les barreaux, Barton a dû grandir plus vite que prévu. Pour s’occuper de sa petite nièce, ils se relaient avec son frère Antonio. Il faut la changer, la bercer, la nourrir. Tout ça et continuer à aller à l’école.
Souvent en retard, encore plus souvent fatigués après des nuits agitées à la maison (enfin, dans la pièce que les quatre membres du clan partage chez la tante Neeva), les garçons Barton vont tous deux suivre leur passion pour la balle orange. Et il le faut bien avec des résultats scolaires en berne à cause de ce rythme effréné…
« On la gardait quasiment tous les jours. Il fallait attendre que ma mère rentre du travail. On arrivait souvent hyper en retard à l’école car on était debout toute la nuit. On était très fatigués. On ne pouvait pas laisser un bébé tout seul sans surveillance. Mais tout le monde pensait qu’on était des gamins normaux. Je ne suis pas du type à me plaindre. On gardait tout ça pour nous. »
Le coup de massue à la draft 2012
Barton n’est cependant pas dupe. Il sait bien que les recruteurs se sont posé des questions à ce sujet, sur ses mauvais résultats scolaires, sur ses origines de Baltimore. Ce sont évidemment des raccourcis infondés… mais ces derniers ont bien rallongé l’attente de Barton, le soir de la draft.
Attendu au premier tour de la draft 2012 après deux saisons à l’Université de Memphis, dont une année sophomore à 18 points et 8 rebonds, Will s’impatiente et voit même le premier tour se clore sans avoir entendu son nom appelé. Démoralisé, il ne célèbre quasiment pas sa sélection en 40e choix par les Blazers.
Voir Harrison Barnes, contre qui il a livré des duels dantesques au lycée, être choisi par les Warriors en 7e position de la même draft, c’est particulièrement difficile à avaler pour Will. Mais ce dernier doit bien accepter la réalité des choses. Et le voilà bientôt extatique à l’idée de rejoindre Rip City.
« C’est quand je suis arrivé à la fac que j’ai, pour la première fois de ma vie, pu avoir une chambre pour moi tout seul. Et c’est à Brewster, en prep school, que j’ai eu un lit pour moi pour la première fois. C’est pour ça que j’ai cette attitude sur le terrain. Certains disent que j’ai des problèmes d’attitude, j’en fais trop, etc… Je joue comme ça parce que c’est ce qui me rend plus fort. Je suis maigrichon et je ne suis pas censé aller au contact comme ça. Mais je suis dur-au-mal à cause de ce que j’ai vécu. »
Encore trop brouillon et même carrément fou sur certaines séquences, Barton apprend peu à peu à canaliser son énergie et son envie de bien faire. En février dernier, face aux Nets, il a laissé entrevoir toutes ses qualités et sa polyvalence en effectuant un match à 21 points, 11 rebonds et 4 passes en 23 minutes. Mais il manque encore de constance et son physique fluet ne pèse pas grand-chose dans la NBA : « No Boys Allowed » !
Un écorché de la vie… à canaliser !
Néanmoins, Will a ce sens du jeu et du spectacle qui ravit les fans à tous les coups. Capable de mettre son coéquipier sur orbite pour le alley-oop avec une passe entre les jambes (c’était en ligue d’été avec Thomas Robinson) ou de placer un dunk à 360° en contre-attaque, Barton joue avec ses émotions à fleur de peau. Ecorché de la vie, Barton est un fou-furieux sur les parquets. Le gamin ne doute de rien…
« Il faut avoir confiance en soi. » ajoute Will sur CSNNW. « Si tu n’as pas confiance, alors pourquoi tu joues ? Il faut toujours vouloir être le meilleur. Personne ne veut rester assis toute sa carrière au bout du banc. C’est le genre de gars avec lesquels je ne veux pas traîner parce qu’ils risquent fort de ne pas faire long feu en NBA. »
Partant parfois dans des pénétrations sans queue ni tête, avec les appuis complètement dans le désordre, Barton est un joueur d’instinct. Ses qualités athlétiques et sa vitesse lui ont jusqu’à maintenant permis de passer tous les paliers. Mais en NBA, ça coince encore pour celui qu’on surnomme « Will The Thrill ».
« Ce surnom me va comme un gant. Je suis arrivé jusqu’ici, au plus haut niveau du basket, en étant « The Thrill ». J’ai dominé en AAU, en lycée et à l’université. Pourquoi devrais-je m’arrêter maintenant ? Tout ce dont j’ai besoin, c’est d’une opportunité. »
Prolongé cet été par la franchise de l’Oregon, moyennant une saison 2014-15 à 900 000 dollars, Will Barton doit désormais faire plus que se mettre le public dans la poche. Il doit maintenant convaincre son staff, et son coach, Terry Stotts, qu’il peut encore progresser dans sa sélection de tirs et sa défense. C’est à ce prix qu’il va définitivement se faire sa place dans la Grande Ligue.
Les highlights de Will Barton aux Blazers
La nuit de la draft 2012 dans les pas de Will
Bonus: The Thrill en action