A quelques semaines de la plus chaude des intersaisons, Basket USA entame un tour d’horizon complet des capacités financières des équipes qui s’apprêtent à être particulièrement actives à l’intersaison. L’enjeu est de taille : attirer un voire deux joueurs majeurs et construire une équipe capable de gagner le titre suprême.
Dans les trois premiers articles de la série, nous avons traité du salary cap, de ses exceptions et de la luxury tax. Nous abordons ici les règles régissant le calcul de la masse salariale.Un environnement calme autour de vous, il est temps de faire le vide dans votre tête, avant de plonger dans le monde infernal de la finance de la NBA. Je vous encourage à poser des questions dans les commentaires, auxquelles j’essayerai de répondre directement, ou dans l’article de conclusion de la série.
Pourquoi faire un article sur ce sujet ?
Le calcul de la masse salariale ? Simple, me direz-vous : on ajoute le salaire de l’ensemble des joueurs sur la saison. En dessous du montant du salary cap, l’équipe fait ce qu’elle veut. Au delà, elle utilise des exceptions. Si elle dépasse la limite de la luxury tax, elle paye la taxe. Simple, non ?
Eh bien non… Parce que ça serait trop facile.
En effet, imaginons une équipe disposant actuellement d’un joueur au salaire maximum dénommé LBJ (on pourrait aussi imaginer qu’il s’appelle KB, CP ou CA) valorisé pour simplifier à 15 m$, d’une masse salariale à 55 m$ égale au salary cap. Le joueur est en fin de contrat, et va être resigné au même montant.
Le manager pourrait faire le tour de passe passe suivant : avant la resignature, la masse salariale vaut 40 m$. Je peux donc recruter pour 15 m$. J’en profite pour aller chercher pas loin des chutes du Niagara un certain CB. J’atteins donc le salary cap de 55 m$. Mais je bénéficie de la Larry Bird Exception pour resigner LBJ, toujours au contrat maximum. J’ai donc pu contourner les règles liées au cap en jouant sur le timing des resignatures. Et à l’expiration du contrat de CB, on recommence : on signe encore un autre All Star à 15 m$, puis on utilise la Larry Bird exception. Et ainsi de suite : au bout de quelques années, on a un 5 majeur de joueurs au contrat maximum, et une masse salariale délirante. Et ce n’est clairement pas l’objectif du CBA.
L’ensemble de règles qui entoure cette masse salariale ont de plus une importance cruciale : le montant de la masse salaire au moment d’un deal va déterminer la capacité d’une équipe à recruter ou non un agent libre.
Calcul de la masse salariale
Pour éviter ces abus, la ligue impose un calcul de la masse salariale un peu plus complexe et moins intuitive. On ajoute donc :
- les salaires des joueurs actifs ou placés sur la liste inactifs, incluant les bonus dont le versement est probable (likely bonus)
- les salaires encore versés aux joueurs retraités (oui, la NBA verse une retraite aux joueurs. Elle est néanmoins faible et surtout hors de proportion avec les montants que les joueurs touchent durant leur carrière).
- les salaires associés à un accord verbal entre une équipe et un joueur. On voit donc que lorsque la presse indique qu' »un accord verbal a été trouvé », cela correspond à un engagement plus fort qu’une simple conversation dans un couloir : ça impacte déjà la masse salariale.
- les salaires associé aux offres fermes faites aux Restricted Free Agents. Tant que le joueur visé n’a pas accepté ou refusé, le montant de l’offre est pris en compte sans que le joueur soit compté dans l’effectif.
- le montant du contrat des choix de l’équipe au premier tour de draft, avant même la signature effective
On ajoute aussi 4 autres montants, qui méritent qu’on s’y attarde :
- un pourcentage du salaire des agents libres (Restricted et Unrestricted)
- si l’équipe est sous le salary cap, le montant des exceptions Mid-Level, Bi-Annual, Disabled Player et/ou Traded Player.
- les salaires garantis des joueurs coupés
- une pénalité lorsque le roster compte moins de 12 joueurs.
Inclusion du salaire des agents libre
L’inclusion du salaire des agents libres a pour objectif d’éviter l’abus décrit en introduction de cet article : tant qu’elle n’a pas renoncé à prolonger un agent libre, une équipe doit inclure le montant de son salaire dans ses calculs.
On voit ainsi que dans notre exemple, même si LBJ n’a pas encore été resigné, son salaire est inclus dans la masse salariale qui vaut toujours 55 m$ et l’équipe n’a aucune marge de manœuvre. Elle doit donc décider de le garder ou de renoncer à lui.
Une fois qu’elle a renoncé à un joueur, une équipe ne peut plus le signer, et ne pourra le faire qu’après qu’il aura joué au sein d’une autre équipe.
Néanmoins, j’indiquais plus haut qu’on prend en compte « un pourcentage du salaire des agents libres ». Le montant pris en compte dans la masse salariale vaut en fait le salaire du joueur, multiplié par un coefficient qui dépend de son statut d’agent libre (à l’issue d’un contrat rookie, après 2, 3 ou 4 ans de contrat, …). Ce coefficient vaut entre 150% (pour les joueurs sous la Larry Bird Exception, gagnant plus que le salaire moyen et ne terminant pas leur salaire rookie) et 300% (pour les joueurs sous la Larry Bird Exception, à l’issue de leur 4ème année de contrat de rookie). Le montant enregistré ne peut néanmoins pas valoir plus que le salaire maximum.
Au delà de la valeur du coefficient multiplicateur, on voit que plus il est élevé, plus une équipe a intérêt à se décider rapidement, car en attendant sa marge de manœuvre est limitée.
Ce montant modifié ne pèse plus dès que l’équipe a re-signé le joueur : c’est donc une incitation forte pour les équipes à resigner ou à libérer le plus rapidement possible leurs agents libres, pour disposer de toute la marge de manœuvre possible. Par ailleurs plus le coefficient multiplicateur est élevé, plus une équipe a intérêt à se décider rapidement.
Vous trouverez sur les pages dédiées aux salaires des joueurs du site Hoopsworld la valeur modifiée du salaire des agents libres à prendre en compte dans la masse salariale, sous la dénomination « cap hold ».
La conclusion de cette règle, c’est que lorsqu’une équipe est au dessus du salary cap, il n’est possible de recruter un nouvel agent libre que pour le montant maximum autorisé par les exceptions, soit le salaire moyen. Pour aller au delà, il faut réserver de la place sous le salary cap. Présenté comme cela, c’est logique. Mais il a fallu passer par quelques moyens détournés pour s’en assurer.
L’inclusion de certaines exceptions (MLE, BAE, Traded Player Exception, …)
L’objectif de cette règle est de s’assurer qu’une équipe sous le salary cap ne puisse pas utiliser les exceptions lorsqu’elle aura fini de remplir sa masse salariale.
Si New York se situe environ 20 m$ sous le cap, elle peut recruter pour ce montant. Mais une fois qu’elle aura atteint la limite, elle ne pourra pas recruter en plus des joueurs en utilisant les exceptions MLE, BAE, …
Si c’était le cas, le montant réel du cap serait la valeur théorique, plus la somme du montant des Exceptions disponibles, ce qui est contraire à l’esprit du CBA.
Pour l’appliquer, on examine trois situations.
Si une équipe est largement en dessous du salary cap (c’est-à-dire si la différence entre le salary cap et sa masse salariale est supérieure au montant des exceptions auxquelles elle a droit), alors elle ne peut utiliser cet espace qu’en renonçant aux droits à ces exception. Ce sera le cas de New York, New Jersey et des autres recruteurs de l’été. Ceci signifie que s’ils veulent signer de gros agents libres, ils n’auront par exemple pas de MLE pour compléter leur effectif.
Si une équipe est en dessous du salary cap, mais avec une différence inférieure au montant des exceptions. Alors il faut qu’elle choisisse : soit elle utilise l’ensemble du salary cap de manière libre, soit les exceptions, mais pas les deux.
Quelles différences ? Si une équipe dispose de 11 m$ sous le salary cap, et est éligible à la MLE (environ 5,8 m$), à la BAE (environ 2,1 m$) et dispose d’une Traded Player Exception de 5 m$, elle pourra :
- soit utiliser les 11 millions comme elle l’entend, et recruter un joueur de niveau All Star, mais devra pour cela renoncer aux exceptions
- soit utiliser les exceptions, et donc pouvoir recruter pour un montant total de 12,9 m$, mais en subissant les limitations des exceptions sur le montant et le nombre de contrats à offrir.
Si une équipe est au dessus du salary cap, elle peut utiliser uniquement les exceptions.
Cette règle ne s’applique pas à la Minimum Salary Exception : il est donc possible de recruter des agents libres de prestige et de compléter le roster avec des joueurs au salaire minimum au delà du salary cap (en prenant en compte la pénalité expliquée deux sections plus bas).
Salaires garantis et joueurs coupés
Souvent dans les contrats une partie du montant est garantie et une autre non garantie. Lorsqu’un joueur est sur l’effectif d’une équipe, c’est la somme des deux qui figure dans le calcul de la masse salariale. Lorsqu’un joueur est coupé, la partie garantie lui est toujours due, et figure toujours dans les salaires versés. La partie non garantie, elle, disparaît.
Le montant garanti est évidemment une assurance pour le joueur. Plus il est important, et plus la décision de le couper est difficile à prendre pour une équipe : « quitte à payer un joueur une fortune, qu’il joue, qu’il ne joue pas ou qu’il soit coupé, autant le faire jouer » peuvent se dire certains managers. Après, à eux de voir s’il apporte effectivement de la valeur (Eddy Curry, si tu nous regardes…).
Si le joueur est signé par une autre équipe, une grande partie du montant garanti reste toujours dû et payé par l’équipe qui l’a coupé. La valeur exacte est obtenue à l’aide d’un calcul compliqué (on retire la moitié de la différence entre le montant du nouveau salaire et le salaire minimum applicable au joueur).
Ceci permet d’éviter qu’un joueur signé pour 7 m$ par saison se retrouve coupé puis rejoigne une autre équipe pour 1 m$, soit une perte significative de salaire. Dans ce cas, si le salaire minimum qui lui est applicable est 700 k$, alors son équipe d’origine peut soustraire 150 k$ ((1000 – 700) / 2) au 7 m$ qu’elle lui doit. Le joueur touche finalement plus que s’il était resté dans la même équipe = 1 + 6,850 = 7,850 m$.
C’est ainsi que le salaire de Ilgauskas, échangé de Cleveland à Washington dans le cadre du trade de Jamison, puis coupé, continue à peser sur la masse salaire des Wizzards pour 11 m$, jusqu’à la fin de la saison. Larry Hughes, lui, pèse 13 m$ sur la masse salariale des Kings.
Pour une saison en cours, à partir du 10 janvier la totalité du montant annuel des contrats est garanti : ceci ne signifie donc pas que le joueur ne pourra pas être coupé, mais que les règles expliqués ci-dessus s’appliqueront à son salaire de l’année.
La pénalité pour places libres dans l’effectif
L’autre facteur particulièrement important dans l’analyse inter-saison est la pénalité pour place libre dans l’effectif : elle est égale au salaire minimum pour un rookie, multiplié par le nombre de joueurs manquant pour arriver à 12 dans l’effectif. Une équipe NBA doit obligatoirement compter 13 joueurs dans son roster, mais la pénalité ne s’applique qu’en dessous de 12.
L’ objectif de cette taxe est d’empêcher une équipe de vider complètement son roster pour augmenter le montant qu’elle peut payer à un gros agent libre. Exemple (chiffres fictifs) : Chicago veut recruter Dwayne Wade pour 15 m$, a 8 joueurs dans son roster, et 15 m$ de place sous le salary cap. On pourrait imaginer prendre Wade et recruter les 3 joueurs manquant à l’aide de la Minimum Player Salary Exception. Mais ce n’est pas possible : l’espace réel sous le salary cap vaut 15 000 – 473 * 3 = 14 527 m$. Pas assez pour Wade, il faudra libérer plus de place.
Cette pénalité n’est appliquée que durant l’intersaison.
Éléments non pris en compte dans la masse salariale
Même s’il semble que le calcul prend beaucoup de chose en compte, certains montants sont exclus :
- le salaire des joueurs blessés pour une longue durée ou, dans certains cas, qui prennent leur retraite.
- le montant du contrat rookie lorsque le joueur drafté au premier tour décide de signer avec une autre équipe n’appartenant pas à la NBA. C’est notamment le cas de Ricky Rubio pour Minnesota.
- les salaires pour les joueurs embauchés pour l’intersaison (summer league, …)
- 50% des montants non payés aux joueurs pour cause de suspension. Ainsi Arenas, suspendu le 26 janvier dernier, approximativement à mi-saison. Donc il a reçu environ la moitié de son salaire annuel de 16,2 m$, soit 8,1 m$. Néanmoins Washington doit prendre en compte la moitié du montant non versé sur la fin de la saison, soit 4,05 m$ supplémentaire. La valeur prise en compte dans la masse salariale est donc 12,15 m$
Conclusion
On le voit, le suivi de la masse salariale demande une attention toute particulière à l’intersaison. Néanmoins, pas de panique, dans la plupart des cas, il est possible de s’affranchir de l’utilisation du cap hold : en faisant l’hypothèse que le joueur sera conservé ou libéré, on ne doit prendre en compte respectivement que son nouveau salaire, ou un montant nul. De la même manière, lorsqu’une équipe est largement sous le salary cap, on n’explicite généralement pas le montant des exceptions dans le salary cap, car on ne sait pas si elle va les utiliser ou non : on considère la place « brute ».
Au contraire, les valeurs des contrats des rookies, des salaires encore versés aux retraités ou aux joueurs coupés doivent absolument être pris en compte, sous peine de surestimer la marge de manœuvre de l’équipe. L’autre exception importante pour les exercices d’analyse est la pénalité pour les places de roster en dessous de 12. Elle impacte bien la marge de manœuvre de l’équipe, et donc doit être intégrée dans les calculs.
Prochain article : les modalités des contrats et le montant des salaires versés aux joueurs.