« La première chose qui me revient à l’esprit, c’est de me réveiller dans un lit à l’hôpital, avec ma mère assise à côté de moi qui me tenait la main. Elle me parlait mais je n’entendais pas très bien, et ma vision était encore trouble. Puis j’ai vu mon père entrer dans la pièce, et quand j’ai vu leurs visages, j’ai compris qu’il m’était arrivé quelque chose. »
Voilà comment Keyontae Johnson a résumé cette semaine, dans les colonnes de Yahoo! Sports qui lui dédiait un article à l’occasion du lancement de la « March Madness » à laquelle il participe avec son équipe, la première chose dont il se souvenait après son terrible malaise cardiaque survenu le 12 décembre 2020 en plein match, qui le plongeait dans le coma durant trois jours complets.
« Junior » à Florida durant cette saison 2020/21, l’ailier originaire de Virginie voyait alors sa carrière basculer brutalement. Sur le plan sportif, sa trajectoire vers la NBA était soudainement brisée, alors qu’il pratiquait le meilleur basket de sa carrière universitaire (16 points et 4.5 rebonds) et s’imposait avec de plus en plus de certitudes au fil des semaines comme un potentiel « first round pick » de la Draft 2021.
Mais plus important encore, sa vie ne tenait plus qu’à un fil.
« J’ai couru le plus vite possible vers lui, et j’ai appliqué la procédure que je connaissais pour tenter de gérer au mieux une telle situation » se rappelait notamment Dave Werner, le directeur athlétique pour la santé des sportifs au sein du programme, particulièrement ému au moment d’en parler cette semaine, sur ESPN. « Quand nous sommes arrivés dans le tunnel après l’avoir posé sur une civière, nous avons commencé par un massage cardiaque. Et si le personnel médical spécialisé n’avait pas été là rapidement, je pense que l’issue aurait pu être plus grave. »
Logiquement contraint de mettre un terme à sa saison à sa sortie de l’hôpital une semaine plus tard, Keyontae Johnson l’assurait pourtant : il n’en avait certainement pas fini avec le basket.
« Quand mes parents se sont renseignés sur ce qu’il m’était arrivé précisément, je leur ai dit très clairement que mon objectif était de reprendre le cours de ma carrière, de rejouer au basket » expliquait l’ancien Gator. « Donc nous avons contacté de nombreux spécialistes, et on nous a alors conseillé de nous rendre à la Mayo Clinic (Minnesota), car ils avaient là-bas les meilleurs spécialistes du pays en ce qui concerne les problèmes cardiaques. Et ils m’ont donné le feu vert pour rejouer dès la saison suivante. »
La saison suivante, l’exercice 2021/22, Keyontae Johnson ne rejouera pourtant pas. Pour des raisons liées notamment aux assurances, l’université de Florida ne lui avait pas donné son feu vert. Démarrait donc une saison blanche pour le joueur, qui se métamorphosait alors en « Coach Key ».
« Pas un seul jour il ne laissait paraitre devant le groupe qu’il passait une mauvaise journée. Et pourtant, il a connu certaines chutes de moral, mais il voulait à chaque fois que ses coéquipiers le voient souriant, voient en lui une inspiration » se rappelait notamment son ancien coach, Mike White, aujourd’hui en poste du côté de Georgia. « Jamais je n’oublierai à quel point il a été brave et courageux durant cette période. Son amour pour le basket demeurait intact, alors qu’il était privé de nombreux trucs du quotidien auxquels il était habitué – faire sa séance de musculation, s’entrainer avec ses coéquipiers. »
Ainsi, après cette saison 2021/22 vierge de toutes activités liées de près ou de loin au basket, Keyontae Johnson, à qui un bel hommage avait été rendu lors du dernier match à domicile de la saison 2021/22 des Gators, était prêt à revenir. Enfin, après pratiquement deux ans d’absence forcée.
https://twitter.com/GatorsMBK/status/1500189679391440896?s=20
À Kansas State, un nouveau départ
Il entrait alors sur le portail des transferts de la NCAA, et rejoignait peu de temps après sa nouvelle équipe : Kansas State, qui lançait un nouveau projet autour de Jerome Tang, assistant de longue date dans le staff de Scott Drew à Baylor avant d’accepter son premier poste de « head coach » à la tête des Wildcats au printemps dernier.
« Coach Tang m’a détaillé une vision d’un projet, il voulait élever le programme et n’était pas intéressé par une année de reconstruction. Donc il m’a fait comprendre qu’il avait besoin de moi » développait-il ainsi. « C’est resté dans mon esprit, surtout venant de la part d’un coach de première année. J’étais décidé, je voulais venir et rappeler pourquoi on me citait parmi les potentiels ‘Player of The Year’ dans la conférence SEC avant mon accident, et pour cela je voulais me frotter à la Big-12, qui est la meilleure conférence du pays. »
De son côté, Jerome Tang se rappelait d’une visite bien particulière du joueur et sa famille, sur le campus de l’université. Quand la plupart du temps les joueurs en visite veulent être rassurés sur leur temps de jeu ou leur utilisation dans le système, Keyontae Johnson et ses parents avaient d’autres préoccupations, plus importantes.
« Les questions qu’ils me posaient étaient totalement différentes de toutes les visites de joueurs auxquelles j’ai pris part dans ma carrière » confirmait le coach des Wildcats, qui avait connu un cas similaire avec Jared Butler à Baylor. « Sa maman voulait s’assurer que nous avions en place, sur le campus, un système de suivi médical, avec les docteurs et les hôpitaux. Et je pense que le fait que j’étais déjà familier avec une telle situation, en ayant côtoyé [Jared Butler à Baylor], a permis de les apaiser. »
Sélectionné dans le meilleur cinq de la Big 12
Près de 20 mois après un malaise cardiaque qui aurait pu lui coûter la vie, Keyontae Johnson, en novembre dernier, était donc de retour sur les planches, sous le maillot des Wildcats de Kansas State pour jouer sa saison « senior ».
« Je pensais honnêtement qu’il aurait eu besoin d’un peu de temps pour s’acclimater au niveau de jeu physique de la Big 12. Mais il a démarré pied au plancher et n’a cessé ensuite de monter en puissance. » résumait d’ailleurs Jerome Tang pour évoquer la saison de son leader, qui a effectivement retrouvé son meilleur niveau ces six derniers mois en compilant 17.7 points à 52% aux tirs et 7 rebonds, avec une sélection dans la All-Big 12 First Team, le cinq majeur type de la saison dans la conférence en guise de récompense. « Nous n’aurions bien évidemment pas connu la saison que nous avons connu sans son niveau de jeu. Il est arrivé dans mon projet, s’est imposé comme le leader et a rendu tous ses coéquipiers meilleurs » ajoutait-il, alors que Kansas State démarre ce vendredi sa « March Madness » avec une belle tête de série #3 dans la région East.
« Je l’avais répété maintes fois à mon staff : s’il revenait, il allait être encore meilleur ! » s’exclamait de son côté Mike White, forcément ravi du retour en grâce de son ancien joueur. « Je suis extrêmement fier de lui et de ce qu’il a accompli cette saison. »
« C’est la plus belle histoire du monde du basket »
Et pour Jerome Tang, les doutes sont même définitivement dissipés : Keyontae Johnson est de retour sur les radars de la NBA. « C’est un pro » lançait-il simplement. « Un joueur spécial, qui a un impact positif sur les résultats de son équipe. »
« C’est la plus belle histoire du monde du basket. Le voir non seulement revenir, mais aussi continuer à progresser, c’est incroyable » ajoutait même un scout NBA, pour Yahoo! Sports. « Ses qualités de création de tirs et sa polyvalence défensive font de lui un joueur qui a une valeur certaine en NBA. »
L’intéressé assurait en tout cas qu’il avait travaillé dur dans l’objectif de se rapprocher à nouveau de la Grande Ligue, dont les portes d’entrée lui furent brutalement fermées, vingt mois en arrière.
« J’ai le sentiment cette saison d’avoir prouvé à nouveau mes qualités, et que ces dernières étaient transposables au plus haut niveau » concluait-il ainsi. « Je peux jouer avec ou sans le ballon. J’ai montré que je pouvais shooter à un pourcentage de réussite élevé. J’ai été patient, et aujourd’hui je pense que ça paye. »