Ces Français partent à Los Angeles pour être témoins du record de LeBron James !

« Vous êtes assez tarés ! » La remarque a fusé plus d’une fois à l’évocation de leur projet fou : être présent dans la salle où LeBron James s’emparera du record de points inscrits en carrière, détenu pour encore quelques jours par Kareem-Abdul Jabbar. Un moment d’histoire « avec un grand H » comme le disent ces quatre copains, âgés de 30 à 41 ans, basés à Paris.

Lundi matin à 11 h, Maxime Merienne, Noë Camatte, Yanis Kiansky et Bruno Rafa décollent de la capitale. Direction Los Angeles et sa Crypto.com Arena pour assister à la venue du Thunder le mardi, puis des Bucks deux jours plus tard. La fenêtre de tir qui doit leur permettre d’être les témoins de ce que beaucoup imaginaient encore inimaginable il y a quelques années.

« Avec Bruno, on est de gros fans de stats. On a commencé à regarder les totaux il y a quatre, cinq ans. ‘Tu vas voir, le ‘Jabbar’ va finir par tomber’. Le projet de le voir le Jour J est né comme ça. C’est quelque chose dont on rigolait au début », se souvient Maxime, suiveur de la Grande Ligue depuis la « Dream Team » de 1992, qui a déjà été avec Bruno à Philadelphie voir LeBron et les Lakers avant le Covid.

Début de projet et d’un sacré casse-tête pour nos quatre hommes habitués à se retrouver pour leur « réunion hebdomadaire » dans le bar de Maxime, le… « Sophomore », où le gérant a l’habitude de diffuser les matchs. Lorsque les horaires le permettent. Là-bas, ils commentent les événements de la ligue et particulièrement des performances du joueur des Lakers. Et de son compteur de points donc, qui ne cesse de se rapprocher de cette barre mythique des 38 387 unités établie par « KAJ ».

Tableau Excel de sortie

La question centrale du voyage a été d’anticiper à quel moment précis le record serait battu. Un outil s’impose : Excel. Avec leur tableur, ils suivent match après match l’évolution statistique du joueur et, selon la moyenne, cherchent à savoir lors de quelle rencontre le « King » est susceptible de devenir n°1. On rappelle qu’au début de saison, il lui manquait 1 326 points au compteur. Ce devait être l’histoire de 44 matchs disputés s’il gardait sa moyenne de 30 unités par match de l’an passé.

Seulement si cette moyenne « chutait » à 25 unités, comme les lois de la nature auraient pu l’imposer à un joueur de 38 ans, ce total grimpait à plus d’une cinquantaine de matchs. Autre facteur déterminant : la santé du joueur. Une blessure et quelques matchs manqués, c’était repousser le départ. C’est ce qui leur est arrivé. La petite bande vise à l’origine le « road trip » des Lakers à l’Est, en particulier les déplacements d’il y a quelques jours à Boston et la double affiche new-yorkaise (Nets et Knicks). Certains médias américains avaient évoqué ces rencontres de fin janvier dès l’été dernier.

Les Parisiens, en se basant sur cette moyenne « basse » à 25 points, achètent ainsi leurs places… dès septembre. « Quitte à être cons, autant y aller à fond ! », en rigolent-ils encore. Le souci pour eux est que LeBron, alors qu’il a bien maintenu son niveau statistique de l’an dernier, manque une dizaine de rencontres en cours de route. Il leur faut donc revendre les premiers tickets. Début d’un nouveau chapitre avec « tellement d’emmerdes » sur le marché des transactions de places.

Des places achetées… pour le mauvais match

Ils se heurtent par exemple à la revente « annulée sans explication de StubHub qui a un SAV catastrophique », explique Bruno. Les tickets du Knicks – Lakers visé initialement, obtenus laborieusement après l’envoi de « 17 mails » à Ticketmaster, ont été repris… après le début de la rencontre à New York. Ceux pour Brooklyn ? Une perte sèche. Évidemment que les acheteurs n’allaient pas se bousculer avec les absences conjuguées de LeBron James, Kevin Durant et Anthony Davis. Et on ne parle pas de l’étourderie de l’un des quatre hommes qui, en allant trop vite, a acheté par erreur des places pour le… Magic-Knicks du 7 février !

Ce « road trip » à l’Est mis de côté, Maxime et les autres décident de se rabattre sur deux rencontres un peu plus lointaines dans le calendrier, face à OKC, puis Milwaukee. À Los Angeles donc, ce qui induit une traversée de l’Atlantique plus longue. Et des frais dans la chère mégalopole de l’Ouest… Ces quatre jours de voyage en Californie devraient leur coûter entre 3 000 et 4 000 euros chacun. L’un d’eux dit avoir dû vendre sa guitare pour se financer ; un autre son scooter. La consommation là-bas ? « On va au Walmart acheter un gros paquet de chips et boire l’eau des chiottes ! »

Mais concrétiser un tel rêve n’a plus de prix. « Je ne suis pas sûr de réaliser. Tant que je ne suis pas sur le sol américain. Il peut encore y avoir mille péripéties… », sourit Noë pour qui ce sera le baptême du feu dans une salle NBA, comme pour Yanis. « On regarde tout, on devient parano, on ne vit plus », énumère un autre en référence aux conditions météorologiques notamment qui ont poussé au report de la rencontre entre Pistons et Wizards.

« ‘All-in’ de chez ‘all-in’ »

Au moment où Basket USA contacte les quatre fans, James a encore un peu moins de 90 points à marquer pour dépasser Jabbar. Regarder les deux matchs face aux Pacers (26 points pour lui) et aux Pelicans (27 points) ? Et risquer de le voir claquer deux performances monstrueuses à plus de 40 unités ? « Trop de souffrance, je ne veux absolument pas voir ça. J’ai déjà perdu quatre kilos et fait trois ulcères ! », lâche alors Bruno.

Quid du scénario opposé où LeBron… ne parviendrait pas au record durant leur virée californienne ? « Quitte à pousser la connerie, le match suivant c’est Golden State (ndlr : samedi 11 février) mais c’est vraiment le truc le plus cher et c’est trois jours après. Niveau frais, c’est juste pas possible. Alors c’est ‘all-in’ de chez ‘all-in’ », annonce Maxime qui, en plus de son bar, va bientôt ouvrir un restaurant, « Le Clutch », dans le 11ème arrondissement parisien.

Alors oui, ils sont – quasiment ! – sûrs de leur coup. Noë pense que le « moment » arrivera vers la fin du premier quart-temps du match contre les Bucks. Avec toute la symbolique que cela induirait, liée au début de carrière de l’ancien pivot des Lakers à Milwaukee. « LeBron pense beaucoup à sa ‘legacy’. Je pense vraiment que LA a vraiment tout prévu », complète Maxime, qui imagine un match arrêté « pendant 40 minutes » pour célébrer « ce moment d’anthologie ».

Loin dans la salle

À cet instant, nos quatre Français, depuis leur place à plusieurs centaines de dollars, d’où « on voit les joueurs avec un télescope ! » (au bord du terrain il faut compter plusieurs dizaines de milliers de dollars, on évoque jusqu’à 200 000 dollars), seront happés par l’émotion d’être parmi les 17 000 témoins privilégiés de ce record en direct.

« Bruno va chialer c’est sûr ! », envoient-ils, avant que l’intéressé ne confirme : « C’est quasi sûr. Il y aura de l’incrédulité, un relâchement de pression. On est en flux tendu, ça fait deux mois que j’ai mal au bide. » « On va au bout du rêve, presque de la blague, comme des idiots qui galèrent à revendre les tickets. Les gens trouvent que l’histoire est chouette, c’est une vraie aventure », formule  Yanis.

Noë, qui prévoit de rentrer dans la Crypto avec une GoPro et dix heures d’enregistrement pour revivre l’événement, se demandait récemment : « La chose la plus folle dans ma vie ? Je ne crois pas pouvoir faire quelque chose de plus fou. » Des « tarés », on vous avait prévenu.