Après avoir lâché des chiffres dignes de Wilt Chamberlain au Portland Pro Am la semaine passée, Payton Pritchard a eu droit à un réveil difficile à Las Vegas. A 20 points de moyenne sur la ligue d’été, l’ancien meneur d’Oregon comptait bien briguer le trophée estival pour ses Celtics… Mais ça, c’était avant de rencontrer Davion Mitchell.
Dans la finale du tournoi de Vegas face aux Kings, Pritchard a été soumis à un traitement de choc face à l’arrière de Baylor, champion NCAA en titre. Au lieu de sa vingtaine de points habituelle à plus de 57% de réussite à 3-points, le jeune meneur de Boston a été réduit à la portion congrue, terminant son match avec autant de points que de balles perdues (4), tandis que les Kings emportaient un deuxième trophée de ligue d’été, après leur première victoire en 2014.
Une réputation défensive loin d’être usurpée
« Mes coéquipiers ont fait du bon boulot aussi en restant dans les aides, en me donnant confiance pour être moi-même sur le terrain », a-t-il réagi après la victoire dans The Athletic. « Si mes coéquipiers voient ça, ils vont eux aussi vouloir jouer dur parce que je suis un peu la tête du serpent. Je vais toujours mettre de la pression en défense et mes coéquipiers peuvent suivre le mouvement derrière moi. Je pense pouvoir être un leader par l’exemple au camp d’entraînement en restant fidèle à mon identité. »
Maladroit également à 3/12 aux tirs sur la finale, mais à 9 points et 7 passes tout de même, Mitchell boucle sa ligue d’été à 11 points (à 42% de réussite aux tirs dont 47% à 3-points), 6 passes et 1 interception de moyenne. Des chiffres somme toute assez moyens, qui ne résument pas l’impact défensif de l’ancien Bear, mais suffisants pour être élu co-MVP de la compétition !
« Il va clairement changer la perception qu’ont les gens sur lui mais aussi sur notre équipe », ajoute Bobby Jackson, le coach de l’équipe de ligue d’été. « Le fait qu’il soit un rookie ne veut pas dire qu’il ne va pas réussir. »
Car, tout au long de la ligue d’été, Mitchell a été fidèle à sa ligne de conduite. Bourreau de travail qui veut suivre les trajectoires de joueurs sous-cotés comme Damian Lillard ou Ja Morant, Mitchell ne fait pas semblant quand il a quelque chose en tête. Ligue d’été ou pas, le garçon étudiait ainsi ses adversaires à la vidéo la veille au soir… Tenu à 11 points (et 5 balles perdues) à 4/11 aux tirs, l’explosif rookie des Hornets, James Bouknight, peut en attester lui aussi !
« Tout ça est authentique », assure Jared Nuness, le directeur du développement à Baylor dans The Athletic. « Il ne baratine pas. Il n’est pas en train de dire un truc parce que ça sonne bien. Il ne fait pas le lèche-cul. C’est littéralement ce qu’il fait. »
Passionné de défense et véritable peste avec ses cannes de feu, nommé meilleur défenseur de sa conférence puis de la NCAA en son entier la saison passée, Mitchell a toujours été un foudre de guerre sur les parquets. C’est dans sa mentalité depuis un bail, ainsi que le rappelle Rem Bakamus, l’ancien joueur de Gonzaga devenu assistant coach à Baylor, qui a assisté à la montée en puissance de Mitchell depuis son transfert à l’été 2018 en provenance de la fac d’Auburn (où il n’a jamais décollé à 4 points et 2 passes de moyenne)…
« Je savais qu’il était différent des autres. Son état d’esprit, ses qualités athlétiques, il avait cette maturité à un très jeune âge. Il ne voulait pas qu’on lui dise qu’il était bon, il voulait au contraire qu’on lui dise ce qu’il pouvait améliorer. C’était communicatif. »
Changer la culture (défensive) à Sacramento
Ce fut tellement « contagieux » que l’équipe de Baylor s’est mise, à l’unisson, à bosser aussi dur que Mitchell au quotidien. Pour le résultat qu’on connaît ces deux dernières saisons : un bilan de 26 victoires et 4 défaites l’an passé (pour la 2e place de la Big 12), avant l’annulation du tournoi final, et le titre ultime cette année, après une campagne quasi parfaite à 28 victoires en 30 matchs.
Dans le même temps, Mitchell est passé de 10 points, 4 passes et 3 rebonds de moyenne à 14 points, 5 passes et 3 rebonds, en augmentant considérablement son pourcentage à 3-points : de 32 à 45%… Meneur de petite taille (1m88), Mitchell savait qu’il devait prouver sa valeur au tir extérieur pour convaincre les recruteurs NBA. C’est chose faite, et ça s’est confirmé en ligue d’été.
« Pour que tu atteignes tes rêves et que tu ailles où tu veux aller, deux choses doivent se passer : on doit encore gagner cette année, et tu dois prouver que tu es un meneur d’élite, pas seulement un défenseur d’élite », lui avait prédit Nuness avant sa saison senior. « Et tu dois progresser à 3-points, dans tes prises de décisions et sur les situations de pick & roll. Il a progressé dans ces trois domaines. Il l’a montré toute la saison. »
Pressenti pour être la première rotation derrière De’Aaron Fox et Tyrese Haliburton, Mitchell a confirmé les attentes de ses nouveaux employeurs de Sacramento en démontrant sa qualité défensive et son caractère en fer forgé. Face à Bouknight, Pritchard à Vegas ou Cade Cunningham l’an passé en Big 12, Mitchell a prouvé qu’il pouvait tenir face à tous types de formats d’arrières.
Plus encore, il veut changer la réputation des Kings, toujours parmi les pires défenses de NBA ces dernières années (à la 28e place la saison passée avec plus de 117 points encaissés à chaque rencontre).
« Ça va être différent en arrivant en NBA parce qu’il y a des vétérans, mais je vais essayer d’insuffler ça dans notre équipe parce que Sacramento n’est pas connue comme une équipe défensive. Je veux essayer de changer cette culture en étant le stoppeur défensif de l’équipe. Ça va prendre du temps mais je continue à progresser. »
Selon The Ringer, un décideur NBA n’en finissait plus de tresser les louanges de Mitchell pour sa faculté insensée à passer au-dessus des écrans et à suivre son adversaire direct à la culotte, malgré les obstacles placés sur son chemin par l’équipe adverse. Selon ce dernier, sur le circuit depuis sept ou huit ans, Mitchell est le meilleur joueur qu’il ait jamais vu défensivement…
« Off Night » s’apprête à éteindre la NBA
« Je vais simplement rester moi-même. S’il faut être un leader sur le terrain, j’essaierai toujours de faire tout ce qui est en mon possible pour gagner. Si je dois être vocal, je le serai. Si je dois montrer l’exemple, c’est ce que je ferai. Peu importe ce que l’équipe attendra de moi, je le ferai », expliquait Davion en pleine ligue d’été. « J’aime simplement le basket. Je déteste perdre. Dans tout ce que je fais, je veux toujours gagner. Ça se voit dans ma façon de jouer, je joue dur. J’adore la compétition. »
Compétiteur invétéré et obsédé par la victoire, et rien d’autre, Davion Mitchell est parvenu à ses fins au niveau universitaire, mais en NBA, il sait qu’il débarque dans une franchise qui n’est vraiment pas connue pour ses succès ces dernières années… Bien au contraire, après quinze saisons sans playoffs !
Du coup, Mitchell veut reproduire le schéma qui s’est avéré gagnant à l’étage inférieur, avec Baylor, à savoir, du travail et encore du travail pour changer les mentalités à Sacramento. Pour Bobby Jackson, qui a connu les heures de gloire des Kings au début des années 2000, le meneur rookie a le potentiel pour taper un grand coup dans la fourmilière.
« Je n’ai pas à lui apprendre la dureté, et je ne pense pas qu’on puisse l’enseigner de toutes manières », affirme Bobby Jackson. « On peut enseigner des concepts défensifs mais on ne peut pas enseigner la dureté. Tu es né avec ou tu ne l’es pas. Et lui, il a ça ! Ça va lui permettre de grandir et de connaître le succès à son tour. »
Précédé de sa réputation, et d’un surnom « Off Night » qui lui colle à la peau (comme The Glove à Gary Payton avant lui), Davion Mitchell sera-t-il l’allumette qui rallume la flamme défensive des Kings ?
En attendant, le surnom suggéré par Bill Bakamus (le père de Rem), un entraîneur entré au Hall of Fame des lycées dans l’état de Washington, est plus d’actualité que jamais. Inventé après un tournoi de début de saison en 2019, le Myrtle Beach Invitational, d’après un surnom qu’il avait lui-même inventé pour un de ses meilleurs défenseurs, « Off Night » s’apprête à déferler sur la Grande Ligue…
« Quelques assistants et moi avons commencé à appeler Davion Off Night et c’est resté », conclut Rem Bakamus. « Ça ne serait pas resté s’il n’avait pas infligé à ses adversaires des mauvaises soirées [cette saison]. On a un peu placé une cible sur son dos. Peut-être que ça va lui jouer des tours en NBA quand quelqu’un va scorer face à lui mais il a accueilli ce surnom à bras ouverts. Mais il ne porterait pas ce surnom si ça ne se vérifiait pas à chaque match. »
Son duel face à Payton Pritchard
https://www.youtube.com/watch?v=m3d6KQf5UjE
Son duel face à James Bouknight
Ses highlights défensifs cette saison