Alors que plus d’une centaine d’anciens joueurs de la ABA attendent toujours un geste de la NBA pour leur fournir une retraite, capable ainsi de les aider notamment pour les soins de santé, des anciens basketteurs de la NBA peuvent témoigner de l’importance d’avoir une assurance médicale efficace.
Que des anciens joueurs NBA puissent prétendre à cette assurance n’est pas un acquis de longue date. Cela existe seulement depuis juillet 2016, et ce fut même appliqué à partir du 1er janvier 2017. Pourquoi avoir mis si longtemps ? Ce sont des circonstances tragiques qui ont poussé la NBA et le syndicat des joueurs à prendre cette décision.
Une prise de conscience face à une hécatombe
En effet, depuis vingt ans, plus d’une cinquantaine de joueurs NBA, encore jeunes, sont décédés de complications cardiaques. Et sur plusieurs mois, entre 2014 et 2015, il y a eu une série noire qui a marqué la ligue : Caldwell Jones (64 ans) le 21 septembre 2014, Anthony Mason (48 ans) le 28 février 2015, Jack Haley (51 ans) quelques jours après, le 16 mars 2015. Enfin toujours en 2015, Darryl Dawkins (58 ans) le 27 août et Moses Malone le 13 septembre, à seulement 60 ans.
La première réaction de la ligue fut de proposer des tests cardiaques à ses anciens joueurs. En décembre 2015, un programme est lancé, notamment au Toyota Center. Les anciens auront accès à ces tests six fois par an et depuis 2016, plus de 500 joueurs en ont profité. Malgré cette campagne, Sean Rooks décède le 7 juin 2016, à 46 ans…
Le syndicat des joueurs décide alors de mettre en place une assurance santé pour les anciens joueurs. Car si déceler les maladies cardiaques est une première étape essentielle, les soigner est encore plus important. Et souvent, ces anciens combattants n’avaient pas les moyens.
« Si on se tord la cheville, qu’on se fait les ligaments croisés ou une rupture du tendon d’Achille, alors comme on est sous contrat, on profite d’une assurance », explique Nate Archibald. « Quand on a terminé sa carrière, si on prend un coup sur la tête, la franchise ne s’occupe plus de vous. Il faut vous débrouiller par vous-même. »
Un vote à l’unanimité
Sauf que les joueurs des années 1960, 1970 et même 1980 n’ont pas amassé les fortunes des joueurs actuels. Et se soigner aux États-Unis reste un investissement parfois très, très coûteux. Chris Paul, le président du syndicat des joueurs, prend alors la suite d’Oscar Robertson (toujours très impliqué sur les droits individuels des joueurs) qui s’était battu pour cela il y a quelques décennies, sans succès. L’idée d’une assurance maladie est évoquée, notamment par le All-Star weekend, pendant une réunion du syndicat.
« C’est une décision qui devait être votée par les joueurs », assure le meneur de jeu des Suns. « Lors de cette réunion, des joueurs posaient des questions : « Comment l’argent allait-il être levé ? D’où venait-il ? » Je me souviens d’avoir dit, dans cette réunion toujours, qu’on avait tous en commun le fait d’être un jour ou l’autre des retraités. Et c’est ce point qui m’avait vraiment touché à l’époque. »
Le 27 juillet 2016, le syndicat des joueurs vote à l’unanimité cette assurance maladie, pour les joueurs qui ont au moins joué trois saisons dans la ligue. Les avantages sont plus ou moins nombreux selon l’ancienneté, et c’est alors une première dans le sport professionnel américain. Pour Chris Paul, c’est un moment inoubliable de son mandat.
« Encore aujourd’hui, peu importe le temps qu’il me reste à la tête du syndicat, c’est de loin mon plus grand succès », estime-t-il. « Ces anciens ont ouvert la voie, ils ont porté le basket. C’est le moins qu’on pouvait faire. »
Les vies de Nate Archibald et Harvey Catchings sauvées
Un sentiment compréhensible pour l’ancien joueur de La Nouvelle-Orléans, Los Angeles, Houston ou d’Oklahoma City quand il voit les récentes histoires de Nate « Tiny » Archibald et de Harvey Catchings. Ce dernier avait d’ailleurs joué avec Caldwell Jones et Darryl Dawkins, décédés en 2014 et 2015.
En décembre 2016, grâce aux tests proposés par la ligue, il apprend qu’il est malade du cœur. L’ancienne star des années 1970, champion en 1981, souffre d’une amylose qui provoque des troubles de son rythme cardiaque.
« Le médecin m’a dit que, tôt ou tard, j’allais devoir prendre une décision et avoir un nouveau cœur car le mien n’allait pas tenir longtemps », se souvient-il. « Il n’a pas donné de date, mais il a insisté sur le fait que je n’allais pas tenir bien longtemps. »
Le 22 juin 2018, à 70 ans, Nate Archibald passe sur le billard et c’est l’assurance santé du syndicat des joueurs qui paye l’opération. Même parcours ou presque pour Harvey Catchings, malade depuis 2016 et qui a été obligé de se faire opérer le 28 août 2019. Là aussi, sans sortir le chéquier.
« J’ai subi une greffe du cœur, qui coûte plus d’un million de dollars », raconte-t-il. « Je n’ai pas payé un centime. C’est le genre d’opération qui peut mettre sur la paille si on n’y est pas préparé. »
Désormais grâce au combat de la NBA, du syndicat des joueurs et de Chris Paul, les anciens le seront.
« Chris Paul, LeBron James, Kevin Durant, ces joueurs qui ont pris cette décision, ils ont vu des retraités avec des cannes ou en fauteuil roulant », conclut Nate Archibald. « En voyant des gens dans cet état, ils ont estimé qu’il fallait faire ça, que c’était nécessaire. Je suis très reconnaissant car, sans ça, certains ne seraient plus là parmi nous. Moi-même, je ne serais pas là, à parler aujourd’hui. »