Trois légendes de la NBA qui ont marqué ces deux dernières décennies ont tiré leur révérence à l’issue de la saison : Dwyane Wade, Tony Parker et Dirk Nowitzki. Dwyane Wade s’est offert une dernière danse aux airs de jubilé tout de long de l’exercice, tandis que TP et Dirk Nowitzki, parmi les meilleurs joueurs de l’histoire du basket européen, ont été plus sobres. L’ailier fort de Dallas a tout de même eu droit à un bel hommage le soir de sa dernière et se prépare à voir sortir de terre une statue à son effigie aux abords de l’American Airlines Center. TP a quant à lui pris sa décision en juin après avoir mûrement réfléchi face à la tentation de pousser une année supplémentaire.
Ces trois champions à la carrière immense ont été liés toutes ces années durant leurs parcours respectifs. Par leur arrivée « discrète » en NBA, leurs affrontements (en saison régulière, en playoffs mais aussi plusieurs fois en finale NBA), leurs titres, leur fidélité (quasi) infaillible, leurs relations uniques avec leurs coachs…
Autant de belles histoires dans lesquelles Basket USA a pris le temps de se replonger pour vous proposer une mini-série en cinq épisodes qui met en lumière ces trois destins extraordinaires.
DIRK NOWITZKI, L’OVNI ALLEMAND
Fin des années 90, la ligue est dans le creux de la vague. Après Larry Bird, Magic Johnson et enfin Michael Jordan, la NBA cherche un second souffle, de nouvelles stars. Au soir de la Draft 1998, à l’aube du lockout, une étoile se glisse dans le Top 10, aux côtés de Vince Carter et Paul Pierce. Il ne s’agit pas de feu Robert Traylor, drafté 6e par les Mavs, mais bien d’un géant allemand de 2m13 répondant au nom de Dirk Nowitzki.
Depuis plusieurs semaines déjà, Dallas a fait du pensionnaire de deuxième division allemande son choix favori et organise un échange avec les Suns et les Bucks pour envoyer Robert Traylor dans le Wisconsin et récupérer un certain Steve Nash, barré derrière Jason Kidd depuis deux saisons à Phoenix.
Au-delà de sa taille, plus de 2m10 pour un poste 4, la particularité de Dirk Nowitzki réside dans le fait qu’il shoote de loin. Un atout rarissime pour l’époque qui refroidit pas mal de franchises, doublé d’une méconnaissance du basket européen. Alors Wurtzbourg en D2 allemande… Mais le « front office » de Dallas a visionné de nombreuses cassettes et a eu vent d’un premier coup d’éclat, et pas des moindres, qui a eu lieu un an plus tôt.
Le 15 septembre 1997, à Berlin, s’est en effet tenu un événement d’envergure organisé par Nike. Une sélection américaine notamment composée de Charles Barkley, Scottie Pippen, Jason Kidd, Reggie Miller, Vin Baker et Shareef-Abdur Rahim vient défier une équipe d’athlètes allemands sponsorisés par la marque à la virgule.
Dans cette équipe figure donc un OVNI de 18 ans qui va faire l’étalage de tout son talent. La suite ? C’est Charles Barkley qui la raconte mieux.
« Dirk a 18 ans à ce moment-là, et Scottie est, entre guillemets, le meilleur défenseur du monde à l’époque. À la mi-temps, il en est déjà à 25 points. Tout le monde regarde alors Scottie : ‘Qu’est-ce que tu fais mec, tu dois défendre plus fort !’. Il répond : ‘Je vais l’éteindre en seconde mi-temps, je vais l’éteindre en seconde mi-temps’. »
Charles Barkley : « Je te veux dans mon université »
La légende raconte que Dirk Nowitzki aurait scoré entre 42 et 52 points ce soir-là, selon l’humeur de Charles Barkley. En conférence de presse, « Sir Charles » lui avait rendu hommage en déclarant que le meilleur joueur de l’équipe adverse n’avait que 18 ans et qu’il ferait tout son possible pour le faire venir dans sa fac d’Auburn. Après le match, il finit par mettre la main dessus.
« Mais t’es qui toi ? Où vas-tu jouer l’an prochain ? Tu vas jouer dans quelle université ? J’en connais une très bien pour toi. Laisse-moi trouver des infos mais je te veux dans mon université.
– Il faut que j’aille à l’armée, répond Dirk.
– Tu fais plus de 2m10, tu ne peux pas faire ton putain de service militaire en jouant aussi bien. Stoppe ça ! »
Charles Barkley a ensuite raconté qu’il a appelé les gens de Nike. « Je leur ai dit : ‘Faites des recherches sur ce gosse et dites-lui que je lui donnerai tout ce qu’il veut pour qu’il aille à Auburn. Franchement, dites-lui, tout ce qu’il veut, on fera ce qu’il y aura à faire’. »
Les Mavericks peuvent également s’appuyer sur la performance de l’Allemand lors du « Nike Hoop Summit », le 29 mars 1998. Ce jour-là, avec la sélection mondiale et face aux meilleurs jeunes Américains, Dirk Nowitzki se balade avec 33 rebonds, 14 rebonds et 3 interceptions, dominant largement Rashard Lewis ou Al Harrington.
https://www.youtube.com/watch?v=hCMSe1Injiw
TONY PARKER A ATTENDRI LE DUR À CUIRE
Trois ans après la Draft de 1998, deux autres Européens s’apprêtent à tenter leur chance en NBA : Pau Gasol et Tony Parker. L’Espagnol est logiquement attendu dans le Top 5 tandis que le « frenchy » est encore quasiment inconnu. Ce sont finalement les Spurs qui mettent la main dessus. Le Français ne pouvait rêver meilleure destination en signant pour une franchise réputée pour sa rigueur et le talent de ses deux tours de contrôle incarnant le calme et la détermination : Tim Duncan et David Robinson.
Pour le meneur tricolore, ce n’est pas un match d’exhibition mais deux sessions d’entraînement qui lui ont permis de convaincre Gregg Popovich, pourtant pas très emballé par le potentiel du Français. Dans sa lettre d’adieu, Tony Parker a d’ailleurs débuté par cette anecdote qui a joué un tournant dans sa carrière.
« Imaginez ceci : vous avez un très gros entretien d’embauche qui arrive. Vous avez travaillé toute votre vie pour réussir dans ce domaine. Et c’est avec cette entreprise, pour ce travail, dans cette industrie ? Ça doit être l’un des meilleurs endroits pour travailler. L’interview est à l’autre bout du monde, mais ça ne vous dérange pas. Vous prenez l’avion et vous traversez l’océan pour rencontrer les patrons de l’entreprise. Ça a l’air prometteur, non ?
Mais c’est là que les choses tournent mal. C’est peut-être le décalage horaire ou les nerfs, mais quoi que ce soit, quand vous arrivez à l’entretien, vous ne vous sentez pas vraiment vous-même. Ils vous font faire des exercices, et, mec… c’est frustrant. Parce que peu importe à quel point vous essayez, aujourd’hui vous êtes juste trop lent. Vous avez l’air débordé et non qualifié. Au bout d’une dizaine de minutes, le grand patron dit qu’il a vu tout ce qu’il avait besoin de voir. C’est ça. C’est fini pour vous. Merci d’être venu.
Ça ressemble à un cauchemar, non ? Eh bien, comme vous pouvez probablement le deviner, cette histoire est la mienne. C’était ma première séance d’entraînement avec une équipe de la NBA, pendant le processus pré-Draft en 2001, et c’était un désastre. J’étais vraiment nul.
Et quand ça s’est terminé, j’ai pensé que mes rêves en NBA avaient aussi pris fin. Mais bien que vous ayez probablement deviné que l’histoire est la mienne, je parie que beaucoup d’entre vous ne devineront pas avec laquelle des équipes de la ligue mon entraînement de cauchemar était. C’était avec les Spurs.
C’est vrai, j’ai peut-être joué le plus mauvais basket de ma vie au pire moment possible, juste devant coach Pop et tous les autres. Pop et RC (Buford, le GM) avaient fait venir un certain Lance Blanks, un ancien joueur NBA, pour diriger mon entraînement, et il m’a tout simplement dominé. Il m’a fait ressembler à l’adolescent que j’étais. Et je suppose que j’en parle parce que, vous savez, beaucoup de gens pensent que Popovich est un « dur à cuire ». Mais c’est drôle : Je n’aurais peut-être même pas réussi à me qualifier si Pop n’avait pas décidé de me donner une deuxième chance. Il m’a invité à revenir pour une autre séance d’entraînement, et je me suis assuré de ne pas tout gâcher. J’ai beaucoup mieux joué contre Lance cette fois.
Et je crois que j’ai montré certaines des choses que je pouvais faire sur le terrain. Et c’est dingue. Parce que l’instant d’après, je revois la Draft et cette annonce : « Avec le 28e choix, les San Antonio Spurs choisissent Tony Parker, du Racing Club Paris, France ». En d’autres termes : J’ai eu le poste. »
Gregg Popovich : « Il est revenu en étant une personne totalement différente »
En réalité, c’est le GM RC Buford qui a insisté pour faire revenir Tony Parker, certain de son talent.
« Il y avait certainement un brin de folie parce qu’il était maigre et la première fois qu’il a fait cet entraînement avec nous, je ne le voulais pas. Je le trouvais soft. Je trouvais qu’il s’en fichait », explique Gregg Popovich. « Je trouvais qu’il était trop cool. Donc j’ai dit non et nous l’avons renvoyé chez lui. Puis RC (Buford) a voulu lui donner une autre chance. J’ai dit : « Ok, mais je vais choisir trois joueurs et ils vont l’affronter, juste ces quatre et tout va se faire au poste ». Donc nous l’avons fait jouer au poste et il a enchaîné les séquences face à ces gars juste pour voir s’il avait cette dureté. Il est revenu en étant une personne totalement différente. Il a été si impressionnant en terme de dureté, il se faisait balancer à terre et se relevait, c’était impressionnant. Si vous avez le temps de faire tout ça, vous apprenez des choses en plus et cela aide pour vous décider à tenter votre chance avec un joueur. »
LA REVANCHE DE DWYANE WADE
Deux ans plus tard, la Draft 2003 aiguise tous les appétits. LeBron James et Carmelo Anthony sont annoncés comme les futures superstars de la ligue et sont donc sélectionnés aux premier et troisième choix (Darko Milicic, choisi par Detroit, se trouve entre les deux), respectivement par Cleveland et Denver. Après Chris Bosh, sélectionné par Toronto en quatrième position, Miami choisit de miser sur l’arrière de la petite fac de Marquette, basée à Milwaukee. Deux ans plus tôt, c’est l’une des trois seules universités qui lui avaient offert une chance.
Il faut dire que s’il a du talent, Dwyane Wade sort d’un environnement particulièrement compliqué, avec des parents divorcés et une mère accro à différentes drogues. Ses notes sont trop faibles pour lui permettre d’intégrer directement la NCAA et, à Marquette, il devra attendre un an avant de pouvoir être sur le terrain, grâce à des cours particuliers qui l’aident à progresser au niveau de l’écriture, afin d’obtenir la moyenne requise.
Impossible alors d’entrevoir la superstar en devenir durant cette année freshman passée à rattraper son retard scolaire. Bientôt marié à son amour du lycée, l’arrière doit également prendre un prêt étudiant afin de payer les couches et la nourriture de son fils, Zaire, qui nait en février 2002.
« J’étais juste un gamin timide de Chicago qui avait un peu de talent », expliquera plus tard l’intéressé. « Ça m’a vraiment ouvert l’esprit de venir à Marquette. Sur le chemin, je parlais à ma femme en lui disant que j’avais pris des cours d’art dramatique, de prise de parole publique, toutes ces choses qui pouvaient m’aider à mieux communiquer, afin de pouvoir parler devant beaucoup de gens ».
Lentement mais sûrement, Dwyane Wade bosse dur pour pouvoir prendre sa revanche le moment venu. Après avoir tourné à plus de 21 points, 6 rebonds, 4 passes décisives de moyenne par match lors de la saison 2002/2003, l’arrière fait alors payer les Kentucky Wildcats pour les autres lors de la March Madness.
Dans une opposition pour une place au Final Four, Dwyane Wade crève l’écran en devenant le quatrième joueur de l’histoire à réaliser un triple-double durant le tournoi avec 29 points, 11 rebonds, 11 passes décisives et 4 contres !
Devant les yeux ébahis de l’Amérique, une étoile vient de naître en réalisant un récital en guise de tournant de sa jeune carrière. Plus de 15 ans plus tard, lorsqu’on parle désormais du « visage de la franchise » du côté de Miami, c’est le sien qui illumine tous les esprits.
TP et D-Wade marquent les esprits dès leurs premiers playoffs
Des trois légendes, c’est Dirk Nowitzki qui a connu les débuts en NBA les plus compliqués puisqu’il n’explosera que lors de son année sophomore en passant de 8.2 points et 3.4 rebonds par match en rookie à 17.5 points et 6.5 rebonds sa seconde saison.
Son premier match à plus de 20 points (29 points à 10/16 au tir, 9 rebonds, défaite 92-85) date du 21 avril 1999.
À titre de comparaison, Dwyane Wade a bouclé sa première saison NBA, ponctuée d’actions de génie, à 16.2 points, 4 rebonds et 4.5 passes décisives en moyenne. Sa campagne de playoffs est également une franche réussite avec son tomar sur Jermaine O’Neal en guise de cerise sur le gâteau.
Tony Parker se situe entre les deux avec 9.2 points et 4.3 passes décisives par match, mais son ascension est remarquable cette saison-là puisqu’il prend très vite les clés en tant que meneur de jeu au sein d’une franchise établie, à moins de 20 ans, en débutant 72 matchs sur 82 rencontres de saison régulière.
Lui aussi confirmera tout son potentiel dès le premier tour des playoffs face aux Sonics de Gary Payton.