« Le pardon est le propre de l’homme courageux ». Le jour est donc venu de faire preuve d’une telle grandeur en célébrant Pau Gasol, star espagnole qui fête aujourd’hui ses 38 ans. Avec 17 saisons NBA au compteur, l’intérieur né à Barcelone est devenu un joueur incontournable de la grande ligue mais il a aussi brillé sous le maillot de la Roja, qu’il a menée aux sommets du basket mondial et avec lequel il a tant fait souffrir l’Equipe de France. Retour sur les faits marquants de son immense carrière.
Memphis, parfait laboratoire
Comme Tony Parker, Pau Gasol a été drafté en 2001, après trois ans de formation au FC Barcelone. Mais contrairement au prodige français, le grand ibère a dû patienter pour connaître les plus hautes sphères de la NBA.
C’est aussi ça le jeu de la grande loterie : le grand frère de Marc Gasol avait une meilleure cote et a atterri chez des Grizzlies en pleine reconstruction, déménageant de Vancouver vers Memphis, tandis que notre TP national est tombé dans une équipe déjà très compétitive. Qu’à cela ne tienne, dans le Tennessee, l’intérieur longiligne de 2m13 a les coudées franches et peut poursuivre son apprentissage en ayant des responsabilités.
Rookie de la saison 2001-2002, Pau Gasol ne découvre les playoffs que deux ans plus tard mais se fait sèchement éliminer par les Spurs d’un certain Tony Parker (4-0). Cette épreuve des playoffs a été rude puisque les deux saisons suivantes se terminent par le même échec, deux « sweeps » contre les Suns puis les Mavs malgré une belle 5e place à l’Ouest pour les Grizzlies en 2005-2006. L’intérieur espagnol continue de progresser à titre individuel la saison suivante (20.8 points, 9.8 rebonds, 3.4 passes, 2.1 contres par match), mais Memphis ne se remet pas si facilement de ce triple échec au premier tour.
C’est la fin d’un cycle et la belle histoire entre les deux se termine en février 2008. Par un habile tour de passe-passe, les Lakers ont réussi à lui mettre la main dessus, en l’échangeant contre les droits de son petit frère Marc. Un choix ahurissant à l’époque, mais qui n’a pas desservi Memphis tant que ça au regard de la carrière de l’ « Hermanito » chez les Grizzlies.
« Soft » avec deux titres en poche
Aux Lakers, Pau Gasol apprend la culture de la gagne aux côtés de Phil Jackson et Kobe Bryant, experts en la matière. Celle-ci profite aussi à la sélection espagnole qui n’en est qu’à ses débuts en terme de domination, un an et demi après la victoire de la Roja au Mondial 2006 au Japon, à l’issue duquel il avait été élu MVP. Avec Kobe, la relation n’a pas toujours été au beau fixe. Mais le « Black Mamba » n’a gardé que le meilleur de sa collaboration avec celui qu’il appelle son « frère ».
« Pau est l’un des meilleurs joueurs au poste de tous les temps », déclarait la légende californienne il y a quelques années.
Même s’il a parfois pointé du doigt le (fameux) côté « soft » de l’intérieur espagnol, Kobe Bryant n’oublie pas que c’est en grande partie grâce à « Pistol Pau » qu’il a arraché ses deux derniers titres majeurs.
Après un échec retentissant lors de la finale 2008 face à Boston et son « Big Three », Los Angeles retrouve la gloire d’un titre NBA en 2009 face au Magic (4-1) puis en 2010 face aux Celtics (4-3), les deux « seuls » sacres NBA de la carrière de l’Espagnol. Cette destinée, Kobe Bryant l’avait décelée dès le premier entraînement à l’arrivée de l’ex-Grizzly.
« Il a attrapé le ballon et a terminé près du cercle. Je me suis retourné vers le banc et j’ai dit: « Yes Phil, on a un grand qui peut attraper et finir, on va en finale ! ». J’avais un gars avec qui je pouvais combiner, et le reste de l’équipe s’est adaptée à ça. Son intelligence le rendait plus dangereux ».
Sur les deux campagnes de playoffs victorieuses, Pau Gasol est effectivement à son meilleur niveau, tournant à un double-double de moyenne avec de très bons pourcentages (58% en 2009, 54% en 2010). Plus qu’un coup d’éclat en particulier sur les deux finales remportées par les Lakers, c’est sa régularité et sa constance qui marquent les esprits.
Leader incontesté de l’équipe, Kobe Bryant a fini par comprendre après le départ du Shaq qu’il ne gagnerait pas seul. Et pour parvenir à ses fins, il ne pouvait rêver meilleur compagnon de guerre que le fidèle soldat Pau Gasol. Et comme le dit Kobe Bryant précédemment, le n°16 de Los Angeles peut faire apprécier sa technique au poste. Dwight Howard en 2009 et la paire Garnett-Perkins en 2010, ne s’en sont toujours pas remis. Lors des Game 6 & 7 de la finale de 2010, l’ancien Barcelonais n’est pas loin d’atteindre le sommet de son art, cumulant 17 points et 13 rebonds puis 19 points et 18 rebonds.
Les Lakers ne sont pas loin de bâtir une nouvelle dynastie, mais il n’y aura jamais de troisième titre au cours des quatre années suivantes, durant lesquelles Pau Gasol aura dû batailler entre les blessures, la montée en puissance d’Andrew Bynum avec qui il a formé une des plus belles raquettes de l’époque, et pour finir, l’arrivée de Dwight Howard dans la cité des Anges.
Après deux échecs en demi-finale de conférence face aux Mavericks (4-0) et au Thunder (4-1), l’aventure californienne se termine tristement. Pau Gasol est handicapé par ses problèmes au genou et Kobe Bryant, blessé, voit ses Lakers se faire sèchement éliminés par les Spurs au premier tour des playoffs 2013. Lors de sa dernière saison (2013-2014), les Lakers coulent jusqu’à une improbable 14e place en l’absence de Kobe Bryant, blessé toute la saison. L’heure du changement a sonné.
Toujours au sommet avec la Roja
Free agent à l’été 2014, il prend la direction de l’Est, à Chicago plus précisément, où son association avec Joakim Noah doit faire des miracles dans la raquette et aider les Bulls à franchir un cap en compagnie d’un Derrick Rose sur le retour et d’un Jimmy Butler en étoile montante. Dans une conférence plus faible, le nouveau jouet de Tom Thibodeau va réaliser l’une de ses meilleures saisons en carrière avec un exercice 2014-2015 bien rempli : 18.5 points, 11.8 rebonds (record en carrière) en moyenne en saison régulière, 54 double-doubles, un record de 9 contres et un match à 46 points pour assoir sa domination durant le mois de janvier dans une victoire face aux Bucks.
« La dernière fois que j’avais mis plus de 40 points, on avait perdu », lâche l’Espagnol ce soir là, en référence à son premier exploit personnel neuf ans plus tôt, lorsqu’il avait claqué 44 points à Seattle. « C’était une bonne soirée. Quand tu commences à mettre tes premiers tirs… J’ai pu trouver de bons spots, trouver du rythme, mais je donne beaucoup de crédit à mes coéquipiers qui ont fait beaucoup de grosses actions pour me trouver », ajoute-t-il, fidèle à sa réputation. Humble, sobre et efficace.
Malheureusement pour les Bulls, l’aventure en playoffs s’arrête en demi-finale de conférence face à LeBron James, cette fois sous le maillot des Cavs (4-2). Touché aux ischio-jambiers, Pau Gasol manque les Game 4 et 5 alors que Chicago menait 2-1 dans la série. La défaite est cruelle face au King et il faudra que le leader de la Roja soit sacré roi d’Europe quelques mois plus tard pour aider à faire passer la pilule.
C’est sur le sol français, au stade Pierre Mauroy de Villeneuve d’Ascq, que l’Espagnol écrit l’une des plus belles pages de sa légende, en septembre 2015. Les Bleus de Tony Parker sont champions d’Europe en titre et surfent sur deux succès retentissants face à l’Espagne, en demi-finale de l’Euro 2013 puis en quart de finale de la coupe du monde 2014 à Madrid.
Humilié à la maison un an plus tôt, Pau Gasol sort alors le match de sa vie devant 27 000 spectateurs en demi-finale de l’Euro 2015, brisant le rêve tricolore avec 40 points qui propulsent l’Espagne vers un troisième sacre européen en six ans après une victoire finale contre la Lituanie dans laquelle il se montre à nouveau dominant avec 25 points et 12 rebonds.
« C’est un souvenir qui ne s’effacera sans doute jamais de mon esprit. J’ai disputé ce soir là un match inimaginable, un des plus forts de toute ma carrière et pourtant, j’en ai joué quelques-uns. Je ne sais pas ce qui s’était passé exactement : j’étais sur un nuage, tout rentrait. C’était comme mon Euro en général : c’était juste fantastique ».