22 mai 2012. C’est le Game 5 des demi-finales de la conférence Est, entre le Heat et les Pacers. Physique depuis le début, la série devient de plus en plus tendue et sur une pénétration de Dwyane Wade, Tyler Hansbrough vient secouer l’arrière. Faute flagrante pour l’intérieur, qui reste sur le terrain. Quelques possessions plus tard, le joueur d’Indiana profite d’un pick-and-roll et attaque le cercle. Cette fois, c’est Udonis Haslem qui s’interpose et vient matraquer son adversaire.
Cette vengeance illustre bien la relation qui existe entre Dwyane Wade et Udonis Haslem, à nouveau coéquipiers en Floride.
Car la NBA décide de suspendre Udonis Haslem pour le Game 6 de la série. De quoi rendre fou « Flash », qui s’occupe d’éliminer Indiana lors de la rencontre, en inscrivant 41 points à 17/25 au tir. À la fin du match, l’arrière prend soin de récupérer le ballon du match. Pas pour lui, mais pour l’offrir à Udonis Haslem, qui attend l’équipe à Miami.
« C’est comme aller avec votre grand frère à l’école », expliquait Dwyane Wade. « Personne ne va venir vous embêter. »
Ensemble depuis 2003
Il faut dire que Dwyane Wade et Udonis Haslem sont arrivés ensemble à Miami, en 2003, mais dans des circonstances complètement opposées. Brillant en NCAA, Dwyane Wade n’est pas forcément attendu comme la superstar qu’il est devenue, la faute à un manque d’adresse hors de la peinture, mais son potentiel athlétique lui permet d’être choisi en 5e position de la grosse Draft 2003. Pat Riley compte en effet sur lui pour relancer une franchise de Miami en grosse perte de vitesse.
De son côté, Udonis Haslem n’a pas été drafté à sa sortie de Florida, en 2002. L’intérieur de 2m03 pèse plus de 135 kilogrammes à la fin de son cursus universitaire et ses mauvais chiffres au rebond pèsent aux yeux des scouts. C’est donc à Chalon-sur-Saône, en France, qu’il va faire ses premiers pas dans le basket professionnel, s’affichant comme le deuxième meilleur rebondeur (9.4) et le deuxième joueur à l’évaluation (19.3) du championnat de France. Malgré ça, le club multiplie les changements d’entraîneur et ratera les playoffs. Quant à Udonis Haslem, il perd près de 23 kilos durant ce passage dans l’hexagone car il ne prend qu’un repas par jour, toujours au McDonald’s. Parce qu’il déteste la nourriture française…
À son retour aux Etats-Unis, cette « cure » lui permet d’espérer rentrer dans la Grande Ligue. Il passe l’été avec un coach personnel, David Thorpe, qui veut changer sa réputation. Un an plus tôt, les équipes avaient fait l’impasse sur Udonis Haslem car il était jugé trop petit pour le poste, en mauvaise condition physique et trop faible au rebond.
Il va donc passer plusieurs mois à aller chercher des ballons balancés contre la planche.
« Je ne plaisante pas quand je dis que j’ai pensé qu’il avait eu un cancer », expliquait David Thorpe lors du retour d’Udonis Haslem. « Mon coeur s’est arrêté. »
Même réaction du côté d’Erik Spoelstra.
« Je n’oublierai jamais le premier jour où il est rentré dans le gymnase, il venait de rentrer de France. Personne ne l’avait reconnu. On se demandait tous : où est Udonis Haslem ? C’est lui. Quoi ? On dirait qu’il a changé de corps. »
Après son régime français et des semaines à travailler sa condition physique et le rebond, Udonis Haslem est ainsi invité au camp d’entraînement de Miami. Avec une telle envie d’impressionner le staff et de décrocher une place dans l’effectif de l’équipe que le club a fini par ne plus l’opposer à Dwyane Wade et Caron Butler. Par peur pour eux…
« On en est arrivé à parler du fait qu’il fallait enlever UD (Udonis Haslem) de certains exercices avec contact », continuait Erik Spoelstra. « On pensait qu’il pouvait blesser quelqu’un car il avait vraiment envie de faire une bonne impression. Les gars se donnaient à fond. Et quand trois gars se battaient pour un ballon, on voyait une mêlée et UD émergeait avec la balle. »
Udonis Haslem, le dernier « bodyguard » de NBA ?
Udonis Haslem décrocha finalement une place dans l’effectif du Heat cette saison-là, dont il n’est depuis plus jamais parti. L’intérieur sous-dimensionné et hors de forme de Florida avait laissé la place à un féroce défenseur/rebondeur.
Tout aussi féroce dans son rôle de « bodyguard » de Dwyane Wade, qu’il avait pris pour mission de protéger. À l’ancienne.
« Avant, il y avait des hommes de main », écrivait à l’époque Gilbert Arenas sur son blog. « Le basket était comme le hockey actuellement. Il y avait un joueur qui était l’homme de main, qui était chargé de protéger la star. Il n’y a plus ça désormais. Il n’y a plus des Charles Oakley, Larry Johnson ou Anthony Mason pour protéger leurs coéquipiers. Jordan a eu Oakley mais il a aussi eu Dennis Rodman. D-Wade a un peu ça avec Haslem. Haslem est un peu un homme de main parce que si vous faites mal à D-Wade, vous savez que vous allez en prendre une de la part d’Haslem. Mais ça a disparu à cause des changements de règles, des suspensions et des expulsions. »
Michael Jordan adorait ainsi Charles Oakley, qui avait pour rôle de calmer les adversaires de « His Airness » lorsqu’ils le secouaient un peu trop fort. Il avait beaucoup râlé en interne lorsque les Bulls avaient échangé l’intérieur contre Bill Cartwright, en 1988. À Miami, Udonis Haslem est sans doute le dernier joueur à assumer ce rôle de « bodyguard ».
« C’est ce qu’il a fait durant toute sa carrière », reconnaissait Dwyane Wade après sa suspension face à Indiana. « On ne veut pas qu’il rate un match mais il va se dresser pour son équipe et il le montre à chaque fois. C’est un vrai dur. »
Les idoles de l’intérieur se nomment d’ailleurs Charles Oakley, Anthony Mason, Horace Grant, Grant Long ou Brian Grant.
« Il comprend la dureté qu’il y a sur le terrain donc il assume », continuait Shane Battier. « Il a une âme de vieux basketteur. »
Le pacte
Coéquipiers depuis 2003, Dwyane Wade et Udonis Haslem se décrivent depuis longtemps comme des frères. Lorsqu’il a quitté le Heat en 2016, refusant l’offre de 40 millions de dollars sur deux ans que lui offrait Miami parce qu’il considérait qu’il avait déjà fait beaucoup de sacrifices financiers pour l’équipe, l’arrière assurait que c’est l’intérieur qui lui manquerait le plus.
« J’adore ce gars. Je veux que vous sachiez tous que la chose la plus compliquée pour moi, alors que je quitte la ville, c’est de savoir que je ne vais plus jouer avec UD et que je ne vais plus être dans le vestiaire avec UD. C’était la partie la plus compliquée de ma décision de rentrer chez moi. Être lié par le sang ne pourrait pas nous rendre plus proche l’un de l’autre. Je sais toutes les amendes qu’il a récoltées en me protégeant. Comme je le lui ai dit, j’ai inscrit 20 000 points et j’en dois 10 000 à ses écrans. »
Un joli message qui a touché Udonis Haslem.
« Parfois, les gens disent que la famille est toujours le plus important. Mais entre moi et ce gars, il ne s’agit pas des liens du sang, il s’agit du sang que nous avons versé. »
Pour cela, l’intérieur a refusé par deux fois des meilleures offres d’autres clubs (dont Dallas ou encore Cleveland), afin également de rester près de sa mère. Et même s’il était parti à Chicago en très mauvais termes avec Pat Riley, Dwyane Wade avait à coeur d’honorer un pacte, scellé avec Udonis Haslem.
« J’ai fait une promesse à UD que nous allons finir nos carrières ensemble, » expliquait l’arrière au moment de son départ. « Pour l’instant, je n’ai pas respecté ma part du marché donc je dois me rattraper. Pour l’instant. »
Le début de saison chaotique des Cavaliers et le retour de Dwyane Wade à Miami n’ont pas seulement permis à Pat Riley de corriger la parenthèse étrange entre 2016 et 2018, là où « Flash » évoluait sous d’autres couleurs que celle du Heat. Ils ont aussi permis à l’arrière de retrouver son « frère » floridien, pour honorer le pacte passé depuis longtemps.