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Sur les traces de Brad Stevens, l’entraîneur que toute la NBA envie

En interrogeant ceux qui l’ont côtoyé à ses débuts de joueur et de coach, Basket USA esquisse le portrait du meilleur entraîneur de sa génération : Brad Stevens (39 ans), qui s’apprête à propulser les Celtics en playoffs pour la deuxième année de suite. 

En 1986, le film que tous les adolescents américains rêvent de voir au cinéma avant leur voisin s’appelle Hoosiers (« Le grand défi », en VF) : inspiré d’une histoire vraie, il raconte la fabuleuse saison d’une modeste équipe de basket dans la ville imaginaire d’Hickory, dans l’Indiana. Partout dans le pays, des bandes de gamins rejouent les scènes, surtout la dernière, triomphale, où l’effectif d’Hickory remporte le Championnat à la surprise générale. À Zionsville, une petite ville de la banlieue nord d’Indianapolis, plusieurs gamins se targuent de connaître les dialogues par coeur et refont le film, après les cours, en tapant la balle sur les playgrounds du coin. Dans le groupe, un garçon aux yeux clair enchaîne les tirs à trois-points, ficelle sur ficelle. Il s’appelle Brad Stevens, il a dix ans.

Le jeune garçon joue au basket tous les jours depuis que ses parents, Mark le chirurgien et Jan l’institutrice, ont installé un panier dans la cour du domicile familial. Il va parfois tondre la pelouse des voisins pour se faire un peu d’argent de poche, puis s’achète des sandwiches et invite ses potes pour jouer jusqu’au couvre-feu imposé par sa mère. La sortie d’Hoosiers n’a fait qu’attiser sa ferveur.

Cette dernière scène… L’arrivée des joueurs dans l’immense Hinkle Fieldhouse, la salle des Bulldogs de Butler… Si seulement je pouvais y mettre un jour les pieds, rêve Brad. Sans savoir qu’il y écrira vingt ans plus tard l’une des plus belles pages de l’histoire du sport universitaire.

« Si tu ne prends pas le prochain shoot ouvert, je te tue »

Avant qu’il n’emmène deux fois Butler en finale du tournoi NCAA, avant qu’il ne devienne l’un des plus jeunes coaches de l’histoire de la NBA, Brad Stevens a été un gamin de l’Indiana comme les autres : fan de basket, bon joueur et mauvais perdant. Arrivé dans la région à l’âge de 4 ans en provenance de Greenville (Caroline du Sud), il a grandi à Zionsville, une commune dont le nom semble tout droit sorti d’un roman de Philip K. Dick ou d’un scénario des frères Wachowski – mais la dimension fantastique du lieu s’arrête là, malgré la présence parmi les 15 000 habitants de Rik Smits, l’ancien pivot des Pacers qui s’y est installé depuis la fin de sa carrière.

Il a 14 ans quand il rencontre Brandon Monk, un garçon de son âge qui vient de s’installer à Zionsville et dont les parents ont construit, dans le jardin de la nouvelle maison, un terrain de basket, un vrai, avec deux paniers. Ils ont même peint au sol une ligne pour les lancers-francs et un arc pour les trois-points.

Brad quitte sa cour et rejoint celle de Brandon, de l’autre côté de la jolie rue principale bordée de maisonnettes en briques rouges. Les deux garçons s’y entraînent et organisent même des rencontres contre les meilleurs joueurs des écoles voisines ; des années plus tard, devenus équipiers en high school, ils évacueront leur frustration sur le terrain privé des Monk, même la nuit, quitte à « se geler le cul dans le noir, en plein mois de février », dira Brandon.

Au lycée de Zionsville, Brad Stevens est un élève sociable et brillant (il obtiendra son diplôme avec la 7e meilleur moyenne de sa promotion de 165 étudiants). Il joue au baseball, court avec brio le 400 mètres, coache l’équipe féminine de foot américain, et parvient tout de même à consacrer la majeure partie son temps au basket. Il porte le numéro 31 en l’honneur de son idole, Reggie Miller. Excellent shooteur, avec une mécanique de tir semblable à celle de Drazen Petrovic, il ne se démarque pas grâce ses qualités athlétiques mais se repose sur son intelligence de jeu et sa capacité, déjà, à rester calme en toutes circonstances.

« Dans les moments les plus tendus, nos regards se portaient directement sur Brad », raconte au Boston Globe l’un de ses équipiers, Ryan Hidinger. « On voulait toujours savoir ce qu’il pensait et ce qu’il avait à dire. C’était un général sur le terrain : il pouvait contrôler le rythme du match et si quelque chose allait mal, on ne se souciait pas de prendre un temps mort, on savait que Brad allait régler le problème. »

Trois années durant, il est la star de l’équipe, et détient aujourd’hui encore les records de l’école en termes de points marqués (1 508, dont 26.8 de moyenne sur une saison entière), de passes (491), d’interceptions (156) et de trois-points réussis (138). Et encore : il lui arrivait parfois de préférer la passe au tir, obligeant son coach Dave Sollman à le sermonner – « si tu ne prends pas le prochain shoot ouvert, je te tue », hurlait-il. Stevens s’exécutait. Et dans les bons soirs, rien ne pouvait l’arrêter.

Bon scoreur… mais nul en défense

À la fin de son cursus, il rêve de rejoindre l’université d’Indiana ou de Butler mais seule celle de Mercer – qui évolue aussi en première division NCAA et où coache Bill Hodges, l’ancien entraîneur de Larry Bird – a remarqué son potentiel. Stevens décline l’offre. Il préfère jouer à domicile, à Depauw University, même si c’est en troisième division. Il refuse de végéter sur le banc. Il veut être une star et va vite déchanter.

« Brad était un super gars, très intelligent, curieux et créatif ; c’était un gros scoeur au lycée, plutôt sérieux sur et en-dehors des parquets, mais il a eu beaucoup de mal à s’ajuster à l’université », nous confie son coach à DePauw, Bill Fenlon. « Son rôle changeait souvent, il n’arrivait pas à s’y faire. C’était un joueur offensif de grande qualité, mais on ne pouvait pas en dire autant en défense… »

« Brad ne défendait jamais », renchérit un équipier, Joe Nixon. « La seule chose qui l’intéressait, c’était scorer ». Or, il n’y parvient pas : face à des défenses resserrées, il ne marque que 8 points en 18 minutes de moyenne lors de ses trois premières années à DePauw. La transition est trop violente, lui qui croyait se diriger vers une carrière pro réalise qu’il n’a pas le niveau. Il se donne encore une année, la dernière, pour changer la donne. En vain : sa saison senior est la pire de toute, Bill Fenlon préférant donner du temps de jeu aux prometteurs freshmen qui intègrent cette année-là l’effectif.

À cette étape du récit, tout fan de basket normalement constitué doit s’imaginer que Brad Stevens a alors réalisé que sa destinée était d’être coach, et non pas d’être coaché. Qu’il a pris les premières années sous son aile, leur a distillé conseils et encouragements pendant plusieurs mois, quitte à se mettre en retrait. Que Bill Fenlon, bluffé, l’a laissé faire, lui autorisant même parfois à gérer certains temps morts, à prononcer les discours d’avant-match, à devenir en quelque sorte son assistant. Raté. Il s’est replié sur lui-même et, décidé à donner une leçon aux nouveaux arrivants qu’il considérait comme ses rivaux, s’est moins investi en match qu’aux entraînements où il les chambrait à la moindre occasion. « Chaque exercice était pour lui une occasion de nous ridiculiser », raconte un première année, Mike Howland.

« J’étais au fond du trou », se rappelle Stevens. « Ce n’était pas seulement le fait de perdre des matches. Je me posais vraiment la question : est-ce que ça vaut le coup de continuer tout ça ? »

Brillant employé d’un labo pharmaceutique

Ses doutes sont d’autant plus légitimes qu’un stage estival suivi d’une promesse d’embauche dans un grand laboratoire pharmaceutique, Eli Lilly, lui ouvre de sérieuses perspectives professionnelles. Diplôme d’économie en poche, il y devient agent commercial. Sa maîtrise des chiffres, des tableurs et ses capacités de raisonnement analytique lui promettent un avenir radieux. Un jour, lors d’une réunion en Floride, il s’adresse à plus de 400 collaborateurs, dont certains hauts responsables du groupe.

Sans jeter le moindre regard à ses notes, il les tient en haleine et fait d’une banale présentation Powerpoint un remarquable discours. C’est la fin de l’année 1999. Le divorce entre Brad Stevens et une carrière dans le basket semble consommé.

Pourtant, quand il participe aux tournois de basket organisés par la multinationale, ça le démange : avec un soulagement de moins en moins bien dissimulé, Brad Stevens y retrouve ses velléités de shooteur, sa passion du jeu. Au fil des semaines, il envisage de s’y remettre de plus en plus sérieusement. Et finit par s’interroger : pourquoi ne pas transposer sa logique mathématique et son sens du leadership au coaching ?

Après tout, lors des derniers mois de son cursus à DePauw, ne s’était-il pas adapté à son nouveau rôle ? Sérieusement recadré par Bill Fenlon après un entraînement, il avait réussi à se mettre en retrait au profit du collectif, acceptant l’habit du vieux sage. Étrangement, il en avait éprouvé un certain plaisir.

« Ça a mis un certain temps, mais un jour il s’est décidé à faire des sacrifices personnels pour le groupe », soutient Bill Fenlon. « Il s’est mis à avoir une approche plus académique du jeu. Cela nous a beaucoup aidés, et on peut aujourd’hui dire que ça l’a surtout aidé lui. »

Après tout, dès leur troisième rencard, n’avait-il pas emmené Tracy – rencontrée à DePauw, elle deviendra sa femme, puis son agent – faire trois heures de voiture aller-retour, tout ça pour une banale rencontre de basket entre lycéens où elle s’était ennuyée à mourir ?

À Butler, il commence en servant les pizzas

Afin d’occuper ses weekend et concomitamment à son job dans dans l’entreprise pharmaceutique, Brad Stevens intègre en 2000 le coaching staff d’une équipe de high school. Il participe également à l’élaboration de camps de basket, sur le campus de l’université de Butler : il s’occupe de tout, distribue les bouteilles d’eau, organise les entraînements, vend les parts de pizza. C’est là, pour la première fois, qu’il côtoie Thad Matta, le coach des Bulldogs qui évoluent en première division. Matta aime bien ce garçon de 23 ans aux airs de premier de la classe, charismatique, curieux au point de le saouler de questions – comment il a imaginé tel système, pourquoi il a mis en place telle défense, quel rôle compte-t-il donner à telle recrue pour la prochaine saison. Un jour, Matta l’arrête. Il a une proposition à lui faire.

Neuf mois après avoir signé son contrat à Eli Lilly, Stevens pose sa démission : il tire un trait sur sa carrière dans la pharmaceutique et devient « graduate manager » de l’équipe de basket de Butler. Le plus bas échelon du coaching universitaire. Un poste bénévole, alors qu’il gagnait 44 000 dollars par an. À la croisée des chemins, il a choisi le plus tortueux.

« Nombreux sont ceux qui ont alors mis en doute son intelligence », assure Thad Matta à Sports Illustrated. « Mais il était prêt à tout pour découvrir le monde du coaching, même s’il fallait commencer par conduire les joueurs à l’aéroport et prendre des rebonds pour les shooteurs à l’échauffement. »

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Todd Lickliter, son mentor

Il ne tardera pas à s’affranchir de ce rôle peu valorisant, profitant du départ du directeur des opérations basket de l’université pour prendre sa place, puis pour devenir assistant-coach à plein temps. Sa mission principale : compiler des centaines de séquences en de courts clips d’une dizaine de minutes, destinés aux séances d’analyse vidéo. Parce qu’il y inclus aussi des tendances statistiques, un seul clip nécessite plusieurs journées de travail.

Parfois, Todd Lickliter, le successeur de Thad Matta au poste de head coach, passe dans son minuscule bureau et lui demande de modifier l’ordre des séquences sélectionnées. Sans jamais broncher, Brad Stevens s’exécute et recommence, même s’il sait qu’il en a pour plus de dix heures de travail et qu’il doit rendre la vidéo le lendemain.

« Je ne savais pas à quel point c’était long et fastidieux, mais si je ne le savais pas, c’est parce que Brad ne me l’a jamais dit ! Cela semblait tellement facile pour lui, je pensais que était une formalité », s’excuse presque Lickliter.

Les débuts de Stevens dans le coaching staff de Butler sont chaotiques. Ses premiers mois lui font « l’impression d’un élève qui passe d’un cours d’espagnol débutant à un cours d’espagnol confirmé ». Quand il sera nommé head coach, six ans plus tard, il ira suivre un camp à Gainesville, en Floride, sous les ordres de Billy Donovan, l’actuel entraîneur du Thunder : le trentenaire rencontrera à cette occasion plusieurs coaches NBA, et sera « abasourdi » par leur connaissance du jeu.

« Suffisamment humble pour se remettre en question »

Pourtant, sous la tutelle de Lickliter, la candeur et la soif d’apprendre de Stevens ont fait des merveilles. Il a appris comment gérer une séance vidéo, comment élaborer un rapport de scouting impeccable, comment utiliser les statistiques avancées, comment approcher un match en le gérant possession après possession, et travailler comme si chaque possession revêtait l’importance d’un match. Discret et humble, il a gagné la confiance des joueurs malgré son jeune âge.

Au moment où Stevens devient head coach des Bulldogs en 2007, les cinq seniors de l’équipe, qu’il nomme immédiatement co-capitaines, se rangent sans hésiter derrière leur nouveau mentor. Matt Howard, l’actuel intérieur de Strasbourg, nous raconte :

« Dès ma première rencontre avec Brad, j’ai été marqué par son intelligence, son éloquence, son authenticité. Je me suis engagé avec Butler juste avant qu’il ne prenne les rênes de l’équipe, ce qui, d’après les règles NCAA, me laissait le choix : rester, ou changer d’université. Mais je n’ai jamais envisagé de partir. »

Il est aujourd’hui convaincu d’avoir fait le bon choix.

« Avec lui, tout est structuré, les entraînements, les séances de muscu, les séances vidéo. Il sait maximiser les qualités et limiter les faiblesses de chacun de ses joueurs. Sa connaissance du jeu est énorme, mais il reste suffisamment humble pour continuer à se remettre en question. Il n’est jamais satisfait et n’arrête jamais d’apprendre, de progresser. Il prend le temps de parler individuellement à tous ses joueurs. Son habilité à improviser des systèmes pendant un temps-mort est incroyable, je n’ai jamais revu une chose pareille depuis. »

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Il coache des « enfants de choeur »

En 2008, à 31 ans, Brad Stevens devient le plus jeune coach de l’histoire de la première division NCAA à remporter trente matches en une saison. Le succès de ses Bulldogs repose d’abord sur une défense extraordinairement physique et mobile. Pour l’élaborer, il a créé une sorte de pyramide dont le sommet à atteindre est celui de la « compétence inconsciente » ( il écrit dans ses notes : « les joueurs voient les choses avant qu’elles ne surviennent, leurs gestes sont des réflexes parce qu’ils les ont suffisamment répétés à l’entraînement »).

« Leurs schémas défensifs étaient tellement plus sophistiqués que ceux que l’on voit habituellement en NCAA. La manière dont les gamins de Butler arrivaient à communiquer sur le terrain, à voir les choses avant qu’elles n’arrivent… Par moments, c’était absolument bluffant », confirme Bill Fenlon.

Zach Hahn, l’un de ses joueurs, dira à sa sortie de l’université : « défendre à Butler est la chose la plus difficile que j’ai eu à faire de toute ma vie ».

« Il a raison », soutient Howard. « Au début de chaque saison, pendant deux semaines, on ne travaillait que ça. Il savait nous faire comprendre que la défense était notre priorité absolue, que cela constituait notre identité. On ne faisait jamais de zone : l’important, c’était la dureté physique. Nous étions des ‘cols bleus’, et nous en étions fiers. »

L’assistant-coach de Duke résumera assez bien la chose en expliquant que les joueurs de Butler « ressemblent à des enfants de choeur mais sont mieux préparés au combat que n’importe quelle autre équipe ». Et pour cause : avant chaque match, Brad Stevens écrit quatre grande lettres capitales sur le tableau du vestiaire : « TGHT », sa maxime, pour « The Game Honors Toughness » – le jeu honore ceux qui jouent dur. Certains s’amuseront à remarquer que l’acronyme fonctionne aussi pour « Teach Gordon Hayward Toughness », sous-entendant que la star des Bulldogs, arrivée dans l’effectif en 2008, ne jouait pas assez dur.

Le coup de la poubelle à la mi-temps

S’il compte sur les automatismes de ses joueurs en défense, Bard Stevens règle son attaque avec la précision d’une horloge suisse : ses systèmes sont longs, très élaborés, il excelle sur les situations de remise en jeu. Et quand cela ne suffit pas à trouver la mire, il lui arrive d’appliquer des méthodes peu orthodoxes.

À la mi-temps d’une rencontre contre Ohio State où Butler a manqué ses 15 tentatives à 3-points, il pose au milieu du vestiaire une poubelle en plastique, et distribue à ses joueurs des boulettes de papiers afin qu’ils puissent s’exercer. D’abord interloqués, tous se prennent finalement au jeu, saisissant que l’objectif est surtout de laisser retomber la pression pour tourner la page en seconde période. Les Bulldogs passeront un 45-16 et s’imposeront de 19 points.

D’un tempérament impassible, il privilégie les encouragements aux remontrances, cherche sans cesse le compromis. Sauf à de rares occasions, il n’explose jamais de joie devant ses joueurs – observez sa réaction sur ce shoot au buzzer (à 0:55), ou sur celui-ci (à 2:00, à droite de l’écran) -, ne perd jamais contenance et garde son sang-froid même dans les moments les plus désespérés. En 2011, Butler joue contre Florida une deuxième qualification de suite pour le Final Four. À neuf minutes du buzzer, les Bulldogs sont menés de onze points. Matt Howard raconte :

« Brad m’appelle au bord de la touche, et me demande d’aller simplement dire à chacun de mes équipiers que tout va bien, que ce match est pour nous, qu’on ne peut pas perdre. On ne contrôle absolument pas la rencontre, et il me dit cela avec une telle confiance, j’ai du mal à en croire mes oreilles. Mais j’ai fait ce qu’il m’a demandé. Et je ne dis pas que c’est cela qui nous a fait gagner, mais avec le recul, je sais que c’est exactement ce dont j’avais besoin. Je n’oublierai jamais ce moment. »

Si Brad Stevens est le premier coach universitaire de l’histoire à avoir engagé dans son staff un assistant entièrement dédié à l’analyse des données statistiques, il ne cessera jamais de rappeler que « les intangibles, les éléments subjectifs que l’on ne peut pas mesurer, sont plus importants que les données chiffrées » : l’esprit de groupe, la camaraderie, les heures sup à l’entraînement. « Tout le monde s’entendait à merveille, les joueurs passaient tout leur temps libre ensemble », assure Matthew Graves, l’assistant-coach de Stevens. « Je n’ai jamais vu une équipe ressembler autant à une famille. »

Durant leurs deux incroyables épopées jusqu’en finale (2010, 2011), les joueurs de Butler ne cesseront jamais d’impressionner leurs adversaires par leur calme, leur patience, leur maîtrise dans le money time, autant de qualités qui contrastent avec leur statut d’outsider, de « cinderella team » censée découvrir l’excitation et la pression des phases finales. Le 5 avril 2010, en finale à Indianapolis (comble du destin), ils sont même sur le point de réaliser l’un des plus grand exploits de l’histoire du sport américain, mais Gordon Hayward manque d’un rien son shoot du milieu du terrain à la sirène – on remarque d’ailleurs que Stevens, d’ordinaire si stoïque, s’écroule à genoux devant son banc.

https://www.youtube.com/watch?v=ADPT7h661wo

Cet été-là, Hayward passe pro et rejoint le Jazz d’Utah. Stevens en profite pour se payer enfin le League Pass et passe des soirées entières à enchaîner les matches NBA. « Il ne regardait pas les rencontres comme un fan, mais comme un étudiant », raconte sa femme Tracy qui retrouvera partout dans la maison des morceaux de papiers où sont griffonnés des noms, des chiffres, des schémas de systèmes, des ronds, des flèches, des ratures, beaucoup de ratures. Des dizaines d’universités, dont UCLA, l’approchent pour qu’il devienne leur coach. Mais Brad Stevens commence à croire qu’il ne bougera pas à moins d’avoir une proposition ayant un quelconque lien avec la NBA. Car l’été 2010 est aussi celui où il rencontre Danny Ainge.

Trois ans plus tard, au moment de rechercher un successeur à Doc Rivers, le patron des Celtics rappelle Stevens. Il aimerait le revoir. Stevens l’accueille au domicile de sa mère, à Zionsville, un matin de juillet, pour le petit déjeuner. La discussion dure une heure. À 9h30, il a pris sa décision. Toute la journée durant, il l’annonce à ses amis, sa famille, ses assistants, ceux qui auraient dû être ses joueurs la saison suivante en NCAA. « J’ai probablement pleuré trois fois dans ma vie, les trois fois ce jour-là », confiera le coach à USA Today.

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« Il a gagné le respect de toute la NBA »

Après treize années passées dans l’Indiana, dont six en tant que head coach durant lesquelles il a remporté 166 matches (pour 49 défaites), Brad Stevens rejoint le Massachusetts pour 22 millions de dollars sur six ans. Avec sa femme et ses deux enfants, Brady et Kinsley, il s’installe le 3 juillet 2013 dans un hôtel près de la salle d’entraînement des Celtics, avec une double mission a priori impossible : ne pas céder à la tentation du tanking avec un effectif que viennent alors de quitter les deux Hall of Famers Kevin Garnett et Paul Pierce (et que quittera un an et demi plus tard Rajon Rondo) et, alors qu’il est né plus tard que certains vétérans NBA et qu’il ressemble moins à un maître de conférence qu’à un jeune thésard, gagner au plus vite la confiance de ses joueurs. La transition n’est pas évidente.

« Il avait encore un peu de championnat universitaire en lui », raconte Gerald Wallace. « Au début, c’était drôle de le voir préparer des systèmes en attaque parce qu’il les élaborait comme si chaque possession durait 35 secondes, comme en NCAA. »

Pourtant, en deux ans et demi, l’homme à l’allure adolescente – son identité était parfois vérifiée par la sécurité du T.D Garden durant les premiers mois suivant son intronisation, tant il ressemble peu à l’image que l’on se fait d’un homme appelé à succéder à Red Auberbach – est devenu l’un des coaches les plus réputés du monde. Adoubé par Gregg Popovich, il a mis dans sa poche les joueurs, les médias et les fans, et dans une configuration quasi-identique à celle de Butler – un effectif sans star que personne n’attend au tournant -, réalise jusqu’alors un étonnant sans faute. Les Celtics sont aujourd’hui troisièmes de la conférence Est, devant Miami, Indiana, Chicago, Atlanta ou encore Washington.

« Il est l’un des plus grands coaches actuels », estime Kevin O’Connor, journaliste au Celticsblog. « Personne ne sait mieux que lui mettre les joueurs en situation de réussir. Des gars comme Jae Crowder et Evan Turner ont été complètement transformés sous ses ordres. En trois ans, il a gagné le respect de toute la NBA, pas seulement des Celtics ».

Des systèmes « absolument extraordinaires »

Quand on lui demande quelle est la plus grande force de Stevens, le reporter américain répond « sa sincérité » (« il est droit, authentique, il ne se prend pas pour ce qu’il n’est pas »), quand d’autres citent sa virtuosité tactique ou sa maîtrise des statistiques avancées. Même à Boston, le technicien continue de rassembler, tel un étudiant, toutes ses analyses dans des documents Excel : un tableau par match, une ligne par possession, et pour chaque possession d’innombrables commentaires.

« À chaque fois qu’il prend un temps-mort, les fans des Celtics s’enflamment sur Twitter en imaginant quel sera le prochain système concocté par Stevens pour son équipe », sourit O’Connor. « Ces derniers mois, il a élaboré des actions absolument extraordinaires. »

Matt Howard, qui depuis deux ans joue pour Vincent Collet à Strasbourg, souligne lui les méthodes d’entraînement de son coach universitaire – méthodes qu’il retrouve par moments avec le sélectionneur tricolore.

« Comme Collet, Stevens accorde beaucoup d’importance à ne jamais perdre de temps et d’énergie. Tout est planifié, tout est utile. Beaucoup pensent que plus on travaille, plus on progresse, mais ces deux coaches m’ont appris que c’est le contenu et la qualité de l’entraînement qui sont importants, pas la quantité. À ce jour, Stevens est le coach qui a le plus compté dans ma carrière. Il est un mentor et un ami. »

Ceux qui l’ont brièvement côtoyé à Eli Lilly, le labo pharmaceutique où il avait travaillé neuf mois au début des années 2000, se souviennent aujourd’hui encore de sa gentillesse, de son professionnalisme. Ils avaient promis qu’ils lui garderaient une place dans l’entreprise, au cas où sa carrière dans le basket ne décollerait pas. Et pour être bien certain que son poulain ne regrette pas son choix, son supérieur lui avait posé trois questions, le jour de son départ :

1 – Entraîner une équipe de basket, est-ce vraiment ce à quoi tu penses quand tu te réveilles chaque matin ?

2 – Même si tu n’as qu’un poste bénévole, arriveras-tu à te nourrir, à t’habiller et à te loger ?

3 – Saisis-tu l’ampleur du défi qui t’attend ?

À chaque fois, Brad Stevens avait répondu oui.

« Un jour, alors qu’il était encore assistant-coach à Butler, nous étions allés voir ensemble un match de high school », se souvient Bill Fenlon. « Pendant la rencontre, nous avions parlé de son futur. Il m’avait dit : ‘Je resterai sans doute assistant pendant quelques temps. Ensuite, je verrai bien… Je pense que j’essayerai de décrocher un job comme le tien, dans une petite université.’ Dix ans plus tard, le voilà devenu coach des Boston Celtics, avec deux Final Four NCAA au compteur. Quel parcours. »

Crédit photos : DePauw University Archives / USA Today

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