Cette saison, la foudre a frappé Oklahoma City : la saison de Kevin Durant, débutée le 2 décembre, s’est achevée le 19 février ; son acolyte Russell Westbrook a manqué 15 matchs, la plupart en novembre ; Serge Ibaka a déclaré forfait pour la fin de saison et ce ne sont que les exemples majeurs des multiples péripéties dont fut victime l’effectif. Trois ans après son échec en finale, un an après son élimination aux portes de celle-ci, le Thunder est contraint de regarder les playoffs à la télévision. Un drame pour une franchise habituée au succès depuis 2010. La sentence est terrible car, en bonne santé, Oklahoma City jouerait toujours pour le titre à cette heure. Le sort en a voulu autrement et désormais, de nombreuses questions demeurent car plusieurs échéances approchent, notamment la fin de contrat de Kevin Durant à l’issue de la saison prochaine.
Scott Brooks stop ou encore ?
Dès le coup de sifflet final de cette saison gâchée, l’avenir de Scott Brooks au Thunder fut questionné. Or, avec un bilan de 62% de victoires en saison régulière, une finale et deux finales de conférence à son actif en sept saisons, l’entraîneur n’a pas à rougir de son bilan. Il compte bien s’appuyer dessus pour rester à la tête de son équipe la saison prochaine.
« Je compte rester le coach. Je suis fier d’être le coach de cette franchise » a t-il déclaré à NewsOK. « J’adore être ici. J’ai peut-être été joueur dans cette ligue bien plus longtemps que je ne l’aurais mérité. En tant qu’entraîneur, je comprends que dans le business du sport, il y aura toujours des spéculations. Il faut être capable de faire son travail sans se préoccuper des rumeurs. Je suis fier d’être ici et je suis excité par le talent que nous avons ici. »
Outre son bilan, Scott Brooks a pour lui d’avoir le soutien indéfectible de ses stars, de Kevin Durant à Serge Ibaka. Par ailleurs, si les blessures ont privé l’équipe de la post-saison, l’entraîneur présente tout de même un bilan positif cette année (45-37). Sera-ce suffisant pour convaincre Sam Presti de le conserver ? Le General Manager a lui aussi une obligation de résultat et les noms séduisants de Billy Donovan ou Kevin Ollie, qu’il a « scouté » à plusieurs reprises cette saison, pourraient l’inciter à rompre avec son head-coach. De plus, si Scott Brooks présente d’indéniables qualités de meneur d’hommes, c’est avant tout pour ses compétences techniques qu’il est critiqué. Sa gestion des rotations, ses problèmes d’ajustement et ses systèmes offensifs peu variés persistent depuis plusieurs saisons. Pour tout cela, Scott Brooks constitue une cible facile.
Par ailleurs, il n’est pas le seul à être apprécié de Kevin Durant. Ce dernier est justement aussi un proche de Kevin Ollie et ne cesse de l’encenser. Pour Sam Presti, signer l’entraîneur de Connecticut représenterait une transition moins abrupte et plus facilement acceptée par l’effectif. Un autre exemple ne plaide pas en la faveur de Scott Brooks : Golden State. Les dirigeants des Warriors ont viré Mark Jackson en dépit de bons résultats. L’arrivée de Steve Kerr a fait du club un candidat au titre. Les deux situations sont différentes, tant l’ancien meneur des Pacers était en froid avec sa direction mais Sam Presti peut juger qu’un autre entraîneur fera mieux avec les mêmes éléments.
Cependant, le dirigeant est un ancien des Spurs et au sein de la franchise texane, aucune décision n’est prise sur le coup de l’émotion. Victime de nombreux impondérables, Scott Brooks pourrait obtenir une seconde chance. Après tout, seule l’année à venir est garantie sur son contrat. La saison sera charnière et à ce titre, l’actuel entraîneur représente aussi un point de repère et un gage de stabilité. Alors que se profilent les négociations avec Kevin Durant, il est sans doute opportun de maintenir, au moins un temps, la confiance à Scott Brooks.
L’énigme Enes Kanter
En rupture de ban avec le Jazz, le pivot turc ne cesse de faire part de sa joie depuis son arrivée à Oklahoma City. Free-agent protégé cet été, il va donc enfin pouvoir tester sa cote auprès des autres franchises NBA. Offensivement, ses qualités sont incontestables (18,7 pts à 56,6% en 26 matchs à OKC) ; c’est en défense que le bât blesse. À ce titre, le 3e choix de la draft 2011 est un poids mort. En sa présence, Utah et Oklahoma City encaissaient cette saison respectivement 111,2 points et 111,7 points sur 100 possessions par match, selon Basketball Reference. Sans lui, les deux équipes n’allouaient plus que… 102,2 et 103,9 points sur autant de possessions ! Les différentiels sont énormes (-9 et -7,8) et sont un exemple parmi tant d’autres de la faiblesse du pivot dans ce secteur. Parmi les joueurs ayant disputé au moins la moitié de la saison, sa notation défensive est la… 17e pire de la ligue (108,9), selon NBA.com. Pour un joueur aspirant au cinq majeur d’un candidat au titre, c’est très faible. D’autant que si, à terme, il jouera aux côtés de Serge Ibaka, le Thunder ne dispose pas de stoppeur à l’aile ou à l’arrière. L’équipe ne peut se permettre de manquer d’une bonne protection du cercle. Elle compte donc sur lui pour apprendre cette discipline cet été.
« Il doit s’améliorer dans ce domaine. Le camp d’entraînement l’aidera à comprendre notre philosophie défensive. » a ainsi indiqué Scott Brooks à NewsOK.
À seulement 22 ans, Enes Kanter n’est pas une cause perdue. Au regard de la qualité de ses appuis en attaque, il a sans aucun doute les capacités physiques pour défendre au plus haut niveau. L’intéressé assure en avoir la volonté.
« C’est le point principal dont nous avons parlé tout au long de la saison. Nous n’avons pas vraiment abordé l’attaque. Tout ce dont nous avons discuté concernait la défense. » a t-il confirmé.
Compte tenu de ses qualités et ses défauts, sa valeur contractuelle est difficilement estimable. Il ne fait aucun doute que le joueur et son agent demanderont le maximum. Par ailleurs, d’autres franchises en mal de talent pourraient tenter de l’arracher avec des propositions du même ordre. Or, près de 30 millions de dollars sont déjà bloqués pour Russell Westbrook et Serge Ibaka. Ces derniers seront aussi free-agents en 2017 pour des exigences salariales nettement supérieures, sans compter le cas Kevin Durant à négocier dès l’année prochaine.
La bonne nouvelle pour Sam Presti est que cette négociation avec Enes Kanter arrive dès cet été. Une prolongation au prix fort dès maintenant (environ 65 millions de dollars sur 4 ans) sera lissée avec la hausse du salary-cap à venir. Quoi qu’il en soit, Enes Kanter devrait parvenir à ses fins. C’est au Thunder de décider si ces dernières sont compatibles avec leur avenir. Le doute est permis mais il serait étonnant qu’Oklahoma City ne prenne pas le risque.
Quel rôle pour Serge Ibaka ?
Avec 14,4 points à 47,6%, 7,8 rebonds et 2,4 contres en 33 minutes de moyenne, l’international espagnol a livré une campagne inférieure à la précédente, malgré un temps de jeu en légère hausse. Outre ses problèmes physiques, le joueur s’est aussi trop souvent cantonné dans un rôle d’ailier-fort fuyant, motivé dans ce sens par Scott Brooks. C’est en se rapprochant du cercle qu’il a retrouvé la confiance en février. À nouveau, son utilisation offensive pose problème dans le schéma du Thunder. En effet, Serge Ibaka ne constitue toujours pas un point d’ancrage intérieur. Cette saison, seuls 274 de ses 581 tirs à deux-points ont été pris dans la raquette. En grande majorité, l’ailier-fort a dégainé à mi-distance (307 tirs) et derrière l’arc (205). En cause, entre autres, ses lacunes dos au panier.
Pour cette raison, Serge Ibaka gagnerait à se rapprocher du cercle (64,6% de réussite dans cette aire) et à travailler le reste de son jeu offensif (45,3% aux tirs en périphérie). Pour cela, il doit aussi être plus responsabilisé : cette saison, seules 19% des possessions du Thunder sont passées par lui. L’équipe affiche un bilan de 8 victoires pour 4 défaites cette saison lorsqu’il score 20 points ou plus.
Malgré le retour à venir de Kevin Durant et la venue d’Enes Kanter, Oklahoma City doit mieux intégrer son ailier-fort.
Un banc solide
Le Thunder a construit de nombreux espoirs sur eux mais ni Jeremy Lamb ni Perry Jones n’ont réussi à assumer leurs responsabilités cette saison. Avec 6,3 points à 41,6% aux tirs, le premier fut peu ou prou aussi productif que la saison précédente (rapportée sur 36 minutes). Malgré quelques fulgurances, l’arrière n’a pas confirmé. En défense, il est aux abonnés absents, au point d’être sorti de la rotation (13 min par match en moyenne). Désormais, il réclame du temps de jeu.
« Je veux juste une chance. Que ce soit ici ou ailleurs, je ne m’en préoccupe pas. Je veux juste une opportunité. » a t-il déclaré à The Oklahoman.
Free-agent protégé à l’issue de la saison prochaine, Sam Presti pourrait l’envoyer ailleurs, mais sa valeur n’est guère élevée. Sans cesse blessé, Perry Jones III a suivi à peu près la même trajectoire (4,3 pts à 39,7% en 15 min de jeu et 47 matchs disputés). Certes, en l’absence des cadres, beaucoup d’attentes pesaient sur ces jeunes mais pour leur troisième année, cette pression était légitime. En dehors de ces deux déceptions, le Thunder a de quoi voir venir.
Arrivé en cours de saison en provenance de Cleveland, Dion Waiters a profité des blessures pour occuper un statut convoité depuis longtemps : titulaire. Malheureusement, rapportés sur 36 minutes, ses chiffres sont inférieurs à ceux qu’il produisait à Cleveland dans tous les secteurs, sauf à trois-points et au rebond. Avec 12,7 points à 39,2% aux tirs, 2,9 rebonds et 1,0 passe par match en 30 minutes de jeu sous l’uniforme du Thunder, l’arrière n’a pas fait de miracles. Il sera free-agent protégé à l’issue de la saison prochaine et s’il veut obtenir le contrat désiré, il doit progresser dans tous les secteurs de jeu : la gestion, la sélection aux tirs, la création et la défense.
Également titulaire cette saison, Anthony Morrow devrait revenir sur le banc à l’issue de la saison prochaine. Son adresse longue distance fut salvatrice pour son équipe, 22e dans ce secteur cette saison (33,9%). Défensivement, l’ailier n’est pas une foudre de guerre mais dans un rôle de back-up, cette lacune sera moins criante. Quant à Steven Adams, sa progression fut une des rares bonnes nouvelles pour la franchise cette saison. Il apporte la dureté, le vice et la défense nécessaires et son implication est toujours exemplaire. Si Enes Kanter ne progresse pas en défense, le Kiwi peut le contester, d’autant que l’investissement dans ce secteur sera une des conditions sine qua non de la franchise au regard du caractère décisif de la saison à venir. Avec D.J Augustin, Nick Collison et Mitch McGary en sus, Oklahoma City dispose donc d’un noyau de role-players de qualité. Sam Presti doit négocier le cas Kyle Singler mais l’ailier ne devrait pas crouler sous les offres. Son maintien à bas coût serait une bonne opération pour le club. Si l’effectif reste en bonne santé, ces derniers pourront s’épanouir dans un rôle plus aisé que celui de titulaire de fortune. C’est ce qu’ils n’ont pas pu faire cette saison en raison des blessures récurrentes.
En l’état, le Thunder n’a donc pas à rougir de sa second-unit, même si l’apport d’un créateur supplémentaire ne serait pas de trop, puisque ni Augustin, ni Waiters ne sont fiables dans ce rôle. À ce titre, le retour d’Ish Smith ne serait pas une mauvaise idée. Sinon, le Thunder est désormais assuré de conserver son premier tour de draft (protégé jusqu’au 18e choix). L’équipe ne descendra pas en-dessous de la 14e position. Avec ses qualités athlétiques et sa vision du jeu en progression, le meneur de Providence, Kris Dunn, apparait comme un excellent compromis… s’il est encore disponible. C’est en tout cas le joueur le plus souvent cité.
La pression Kevin Durant
C’est évidemment le point le plus crucial pour la franchise. Kevin Durant sera free-agent à la fin de la saison prochaine et s’il a déjà clamé à maintes reprises son amour pour la ville et le club, au point de vouloir y finir sa carrière, le MVP 2014 examinera toutes ses options. Auprès de GQ en février, il n’évacuait ainsi pas la possibilité de faire ses valises.
« Quand les joueurs font des choix pour eux, ils sont vus comme égoïstes. Quand les équipes prennent la décision de prendre un autre chemin et coupent un joueur, ou ne le prolongent pas, tout va bien (…) J’ai été loyal. Mon contrat se termine en 2016. Je suis ici depuis neuf ans. J’aurais pu facilement partir. J’aurais pu facilement ne pas signer la prolongation après mon contrat rookie. J’aurais pu ne pas jouer aussi dur chaque soir, mais les gens oublient. La même chose est arrivée à LeBron James quand il a changé d’équipe et les gens brûlaient son maillot. Pour nous, ce n’est pas qu’un jeu. C’est notre vie. Nous sommes loin de notre famille pour divertir d’autres gens (…) J’ignore quelles équipes seront compétitives, lesquelles ne le seront pas. Je ne peux pas y réfléchir car c’est trop loin, on ne sait pas qui jouera où. »
Une chose est certaine : la réussite du club la saison prochaine sera déterminante aux yeux de l’ailier. Il portera le maillot du club en 2015/16 et il compte bien revenir à son meilleur niveau, en dépit de son incertitude contractuelle.
« Je sais qu’il y a beaucoup de discussions qui vont commencer bientôt. Je me préoccupe juste de revenir en bonne santé pour jouer. C’est tout ce qui me préoccupe. » a t-il déclaré lors de la dernière conférence de presse de saison.
Le risque de voir Kevin Durant sans contrepartie peut-il pousser Sam Presti à prendre une décision ? La question est légitime, notamment à l’heure où Newsday rapporte que les Knicks pourraient tenter d’échanger leur lottery pick pour le MVP en titre. Néanmoins, la probabilité que le dirigeant cède à la moindre proposition est très faible et ce, pour plusieurs raisons :
- la première est factuelle : Kevin Durant a peu de raisons de signer de lui-même ailleurs car le CBA actuel favorise le Thunder. L’équipe pourra proposer cinq ans de contrat et 7,5% d’augmentation d’annuelle, contre quatre ans et 4,5% pour la concurrence. Surtout, l’inflation du salary-cap pourrait, selon certains prévisionnistes, offrir à Kevin Durant un contrat à près de… 40 millions de dollars l’année s’il reste dans l’Oklahoma.
- la seconde raison est passionnelle. Kevin Durant veut apporter un titre à Oklahoma City, ville sinistrée par l’un des plus gros attentats de l’histoire du pays en 1995 et des tornades aux conséquences parfois effroyables : « Quand vous pensez à Oklahoma City avant nous, il était question de la bombe, des catastrophes naturelles ; si nous gagnons un jour le titre, nous pourrions être des héros. » a t-il ainsi déclaré cette année.
- la concurrence n’offre guère plus de garanties pour le moment. Les Lakers et les Knicks sont en reconstruction et même si leurs recrutements estivaux portent leurs fruits, la construction d’une identité est longue. Quant à Washington D.C, ville de coeur du MVP, d’autres incertitudes subsistent, telles que l’avenir de Randy Wittman ou la progression de Bradley Beal. Nul doute qu’avec l’ailier, les Wizards passeraient un cap mais leur effectif est-il plus enviable que celui du Thunder ? En dépit des critiques des observateurs à l’égard de Russell Westbrook, ce dernier constitue avec Durant un duo hors pair. L’ailier l’admire sincèrement et avec le meneur, Serge Ibaka et Enes Kanter peu d’autres équipes lui offrent autant de talent qu’Oklahoma City.
- enfin, à nouveau, l’historique de Sam Presti aux Spurs lui donne des clés pour gérer la situation de Kevin Durant. Il est arrivé à San Antonio l’été où Tim Duncan hésita à partir au Magic. L’intérieur fut tenté mais il a finalement préféré rester pour le succès que l’on connaît. Sam Presti connait l’attachement de Kevin Durant à sa franchise. Les probabilités jouent en sa faveur. Il a lui-même évacué rapidement toute probabilité de transfert. Il serrera les fesses peut-être tout au long de la saison mais la prise de risque est justifiée.
Le status quo plutôt que l’explosion
L’échec aux portes des playoffs ne doit pas masquer le potentiel de cette équipe. Avant le début de saison, le Thunder ne faisait pas partie des candidats au titre pour rien. Les blessures en ont décidé autrement et, sauf malédiction, l’équipe pourra repartir sur des bases saines dès la saison prochaine. Certes, à l’heure où les équipes changent de statut d’une saison à l’autre, le choix de la stabilité à tous les niveaux peut sembler un signe de faiblesse aux yeux du public. L’exemple de San Antonio atteste du contraire.
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