Cinquième meilleur marqueur de la Ligue l’an passé, Danny Granger a décroché sa première sélection All-Star puis le titre de M.I.P.
La récompense d’une progression étincelante. Une sacrée revanche, aussi, pour un joueur promis au second tour de la draft 2005 par la faute d’un scout trop zélé.
Voici l’histoire de l’ailier d’Indiana, de la Louisiane à New Mexico.
C’est par une anagramme – « Granny Danger ! » que l’ailier des Pacers Danny Granger a été présenté lors du concours de tirs à 3 points du dernier All-Star week-end, à Phoenix. De danger, il n’y eut pas… Pas plus dans ce 3-point shootout que dans le match des Etoiles. Dernier du contest avec 13 points, le small forward d’Indiana fut aussi le All-Star le moins utilisé avec une dizaine de minutes. Cela ne l’empêcha pas de fêter dignement cette première sélection avec toute sa famille, venue de Louisiane pour l’occasion. Danny Granger n’oubliera pas 2009 de sitôt. Si les Pacers ont loupé les playoffs, le n°33 a signé un exercice de toute beauté (25.8 pts, 5.1 rbds, 2.7 pds), couronné du titre de Most Improved Player.
Fasciné par la conquête de la Lune
Danny naît à New Orleans au printemps 1983. Très tôt, ses parents lui enseignent la discipline et les bonnes manières.
« Travaille bien à l’école, tu auras un beau métier plus tard », lui répète inlassablement sa maman, Janice.
Mais contrairement à sa sœur ainée, Danny n’écoute pas toujours les conseils d’une oreille attentive.
« J’étais un bon élève sans être non plus très appliqué. Jamie, elle, écoutait toujours, elle était très disciplinée. Elle rêvait de devenir ingénieur. Aujourd’hui, elle travaille pour la NASA en Californie. »
Petit, Danny rêve d’aller sur la Lune. On lui prêta l’intention de devenir cosmonaute sous prétexte qu’il suivit une filière scientifique à l’université de New Mexico.
« J’ai lu ça mais c’est complètement faux. J’ai déjà du mal à aller attaquer le cercle, alors voler vers la Lune… », confiait-il avec humour lors du All-Star week-end.
Danny Granger a la tête sur les épaules. Et elle est plutôt bien remplie. Au college, c’est un élève brillant, récompensé d’un prix spécial pour avoir su mener de front des études difficiles et un cursus basket.
« Quand j’étais enfant, je tenais un journal. Je m’inventais un autre monde, comme celui des cosmonautes américains qui ont posé le pied sur la Lune. J’étais fasciné par ce qu’ils avaient réalisé. C’est peut-être pour ça qu’on a prétendu que je voulais moi-même aller dans l’espace. »
Il rêve de se faire construire le QG de Batman
Dans la petite ville de Metairie, au lycée Grace King, Danny dévore bientôt de nouvelles lectures. Des systèmes de jeu. Granger s’éveille au basket avec un coach qu’il vénère, Jeryl Fisher.
« J’ai commencé comme meneur. Je m’appliquais à donner de bons ballons à mes coéquipiers. Un jour, j’ai eu envie de prendre les tirs moi aussi… Jeryl m’a mis sur l’aile et j’ai pu shooter à mon tour. C’est là que j’ai vraiment accroché au basket. C’était un sport terriblement fun. »
Granger aime la balle orange mais pas autant que… Batman. Il ne loupe pas la série télé consacrée à l’homme chauve-souris. Son personnage de fiction favori. Après les fusées Apollo, les justiciers masqués.
« J’ai un rêve : me faire construire une maison comme celle de Bruce Wayne (ndlr : l’homme qui se cache sous le costume de Batman), avec plein de passages secrets et toutes les dernières technologies… »
En guise de « Batmobile », Granger s’est offert une Merco. En revanche, il n’a toujours pas trouvé de « Batgirl », même s’il confie avoir un faible pour la sublime Charlize Theron, son actrice préférée. Lorsque l’ailier des Pacers évoque le lycée, c’est avec tendresse. Durant son année senior, il s’affiche à plus de 24 points, 12 rebonds et 5 contres de moyenne. Pourtant, il prend la direction d’un college totalement inconnu, Bradley, dans le Missouri. Dix-huit mois plus tard, Granger fait ses valises pour une université autrement plus huppée : New Mexico.
« A Bradley, j’ai compris que j’avais le niveau pour évoluer dans une fac et une conférence plus fortes. Pour atteindre mon objectif, qui était à ce moment-là de jouer un jour en NBA, je devais changer d’environnement. Le choix de New Mexico s’est imposé naturellement car Ritchie McKay m’avait déjà contacté quand j’étais en highschool. »
Redshirt à New Mexico
Direction la Mountain West, une Conférence où Andrew Bogut fait des ravages sous le maillot d’Utah. Danny Granger est prêt à aller au combat comme Russell Crowe dans « Gladiator », son film préféré. Mais le règlement NCAA le met hors circuit pour le début de la saison 2003-04. Redshirt, il bosse en solo, sous le joug de McKay. Cela durera six mois.
« C’était spécial… Tu t’entraînes normalement mais quand les autres disputent des matches, toi, tu es à la maison. Je n’ai pourtant jamais douté à cette époque. Je me suis dit que je rattraperais le temps perdu par la suite. Avec Ritchie, j’étais nécessairement entre de bonnes mains. »
Et Granger va effectivement rattraper le temps perdu, assurant le leadership de sa fac. Mieux : dans cette conférence Mountain West, il talonne Andrew Bogut dès son année junior avec des stats plus complètes. Quand il boucle son cursus, c’est le seul joueur de NCAA à cumuler 18.8 points, 8.9 rebonds, 2 passes, 2 interceptions et 2 contres par match ! A l’époque, on lui demande de donner le starting lineup de la meilleure équipe NCAA.
« Chris Paul en meneur. Rashad McCants en shooting guard. Wayne Simien en ailier fort. Andrew Bogut au poste de pivot. Je me verrais bien sur l’aile… »
« Flingué » par un scout, il chute à la 17e place de la draft
Quelques semaines plus tard, les scouts et les GM de NBA lui donnent raison. Andrew Bogut et Chris Paul sont retenus très haut dans cette promo 2005. Mais Granger est rejeté en 17e position !
« Ai-je été surpris ? Oui et non. Un journal d’Albuquerque a écrit que Marty Blake (ndlr : un scout) ne me voyait pas au 1er tour de la draft parce que mon tir manquait de consistance. Il ne mentionnait pas non plus ma défense. Blake estimait aussi que Bogut devait rester une année de plus en college à cause de l’arrivée en force des Européens en NBA. Et puis il y avait cinq ou six joueurs de highschool très forts qui se présentaient. Je me souviens que lorsque j’ai lu ça un peu partout, j’ai commencé à paniquer… Ça me faisait du tort et en plus, je n’avais pas prévu d’aller aux camps pré-draft de Portsmouth et Chicago. J’ai fait confiance à Ritchie McKay. Il m’a assuré que je serais retenu au 1er tour parce qu’il avait de bons contacts. »
Et McKay a raison. Mais Granger se retrouve à Indiana, lui qui se voyait déjà à Miami avec le Shaq et Wade.
« J’avais joué un été sur le camp de Tim Grgurich à Las Vegas. Il y avait des gars comme Baron Davis, Rasheed Wallace et Jermaine O’Neal. Ils racontaient de bonnes histoires sur le Shaq… Ça m’avait donné envie de jouer avec lui. Avec lui et avec Wade dont le jeu me fascinait. »
Le spectre de la baston du Palace
C’est aussi cet été-là, en juillet 2004, que Granger prend véritablement conscience de son niveau de jeu réel.
« Quand tu réussis un contre sur un joueur comme Baron Davis, ça te met en confiance. Tu te dis que si tu travailles bien pendant une dernière année NCAA, tu auras ta chance en NBA. »
Une chance finalement offerte par les Pacers. Danny arrive dans une équipe encore traumatisée par le fight du Palace d’Auburn Hills en novembre 2004. Une baston qui a mis sur la touche pour de longues semaines, voire plusieurs mois, des figures comme Ron Artest, Stephen Jackson et Jermaine O’Neal. Un an après, la plaie saigne toujours. La cicatrice ne se refermera pas. Indiana n’est plus une winning team. Dans la division Central, Detroit et Cleveland font désormais la loi.
« C’était difficile de débuter en NBA dans un tel contexte. Je pensais que l’affaire était oubliée mais ce n’était pas le cas. Ron Artest a quitté les Pacers en cours de saison (ndlr : échangé contre Peja Stojakovic). L’équipe était constamment bouleversée. J’ai quand même pu gagner du temps de jeu et disputer mes premiers playoffs. »
Six matches de postseason contre New Jersey. Les seuls qu’il ait disputés à ce jour dans sa jeune carrière.
« L’équipe a été complètement reconstruite depuis 2006. Je pense que nous allons dans la bonne direction avec Jim O’Brien. Si on veut retrouver notre place à l’Est, il faut que l’on apprenne à défendre. On est quand même l’une des rares équipes de la Ligue à avoir battu Boston, les Lakers, Orlando et Cleveland l’an passé. C’est ce qui me rend confiant pour l’avenir. »
De fait, Larry Bird a l’intention de reconstruire autour de Danny Granger. Une évidence matérialisée par la signature d’un contrat de 60 millions de dollars sur 5 ans avant la deadline du 31 octobre 2008.
« On s’était mis d’accord avec mon agent (ndlr : Mark Bartelstein), je voulais rester à Indiana. Je ne me voyais pas du tout chercher une autre franchise à l’été 2009. Je suis bien dans cette équipe. Je sais qu’on va rebondir parce que Larry Bird m’a proposé un projet cohérent. »
Une anecdote qui ne le fait pas rire ? (« J’ai eu très mal et ça m’a valu d’aller chez le dentiste pendant des semaines ») L’ailier des Pacers venait tout juste de parapher son nouveau contrat lorsqu’il se cassa deux incisives. L’incident eut lieu dans un match houleux contre Boston. Petit coin de ciel bleu (sa couleur préférée) dans un quotidien tristounet avec une équipe d’Indiana très vite exclue de la course aux playoffs : Granger a terminé en 5e position des meilleurs scoreurs de la Ligue.
« C’est ce qui m’a permis d’être sélectionné par les coaches pour le All-Star Game alors que le bilan de ma franchise n’était pas bon. J’estime avoir rattrapé le temps perdu. »
Pas de tacle à l’encontre de Marty Blake, le scout qui le rejeta en 2005. Et pourtant… Avec Chris Paul, Danny Granger est le seul élément de la draft 2005 à tutoyer aujourd’hui les Etoiles. Oubliés Andrew Bogut, Marvin et Deron Williams, Raymond Felton, Martell Webster… Batman a fait le ménage.
Highlights de Granger en 2009