Journalistes français, ou fans de basket en général, et de NBA en particulier, nous sommes tous fiers de la progression du jeune Nicolas Batum des Portland Trail Blazers. Mais manifestement, le jeu du Frenchy ne satisfait pas tout le monde en ce moment, notamment du côté de Portland, comme le prouve cette discussion houleuse qu’a eu récemment Batum avec un membre de son staff, et que nous avons retranscrite dans sa quasi-intégralité.
Une discussion à couteaux tirés, qui vous plonge dans le monde impitoyable de la NBA où, c’est le cas de le dire, chaque ballon et chaque shoot se gagnent et se méritent.
Après un été encourageant sous le maillot de l’équipe de France, puis une vilaine blessure contractée en début de saison, l’obligeant à manquer les 3 premiers mois de la saison, Nicolas Batum est de retour parmi l’effectif des Blazers depuis le 25 janvier.
Depuis cette date, le frenchie a débuté 15 des 27 matchs auxquels il a participé, et affiche une moyenne de 9.8 points, 3.6 rebonds, et 1.3 passe en 23 minutes de jeu, soit à peine 5 minutes de plus que l’an passé. Cette saison, Batum a augmenté ses stats dans toutes les catégories, sans exception, et il est également plus adroit que l’an passé. La preuve, il est passé de 44.6% de réussite aux shoots à 53.8%, et même chose à 3 points et aux lancers-francs, où il est passé de 36.9% à 42.7%, et de 80.8% à 88.6%.
En réalité, le N°88 des Blazers prend plus de responsabilités offensives cette saison, et l’on pourrait croire que cela vient de la confiance de son coach et de ses partenaires. Sauf que, apparemment, ça n’est pas du tout le cas, et la soudaine passion de Batum pour le scoring n’est pas du goût de tout le monde chez les Blazers.
En tout cas, c’est ce qui ressort clairement de la discussion qu’à eu Batum avec l’un des entraîneurs assistants de Nate McMillan, que nous avons pu retrouver grâce à Casey Holdahl, sur son blog iamatrailblazersfan.com.
Apparemment, ce que reproche le staff de Portland à Batum, c’est son irrégularité offensive, et l’impact de celle-ci sur son point fort, la défense.
Si Nicolas marque beaucoup, ce n’est pas normal
Rappelez-vous, le 27 février dernier, Nicolas Batum réalisait la meilleure performance de sa carrière aux points, et aux passes, lors de la victoire de Portland sur Minnesota. Ce jour là, Batum était « on fire », et il avait terminé la rencontre avec 31 points (dont 22 dans le troisième quart-temps), 7 rebonds, 7 passes et un 5 sur 8 à 3 points. La performance du frenchie avait permis aux Blazers de l’emporter 100 à 91, et Nico en était ressorti avec les honneurs.
« Aujourd’hui, c’était mon jour, » avait déclaré Batum après la rencontre. « Je pense que Brandon a fini avec 9 passes décisives, mes coéquipiers ont tous essayé de m’alimenter. Je me suis contenté de prendre les shoots ouverts, et de jouer mon jeu. »
Nico avait été encensé par tout le monde, à commencer par le néo-Blazers, Marcus Camby, fraîchement arrivé de L.A à l’époque, qui avait déclaré à propos de Batum, « il a été impressionnant ce soir. »
Deux jours plus tard, face à Memphis, Batum avait remis ça. 21 points à 7 sur 11 aux shoots en 33 minutes de jeu, et une nouvelle victoire de Portland. Ce soir là, Nico avait encore la main chaude, comme le prouve son 4 sur 7 à trois points, mais il fût également un facteur décisif du côté défensif.
En revanche, lors des deux matchs suivants face à Indiana et Denver, Batum n’était plus sur la même dynamique. Seulement 5 points, à 2 sur 8, en 20 minutes face aux Pacers, et 4 points, à 2 sur 7, en 14 minutes contre les Nuggets. Un temps de jeu étrangement en baisse, d’autant que la défense de Batum a toujours été un plus face aux équipes réputées offensives.
Le match suivant, Batum retrouva le rythme, 6 sur 7 aux shoots face aux Kings en 27 minutes, pour finalement enchaîner sur un 2 sur 5 face aux Warriors en seulement 21 minutes. C’est à ce moment là que le coach assistant, Monty Williams, souvent considéré comme un élément essentiel dans la réussite de Batum, a dû intervenir.
« J’ai dû le rappeler à l’ordre, » à déclaré Williams. « J’ai senti que quelque chose dans son jeu n’allait pas. Vous pouvez, simplement en regardant un gars jouer, savoir s’il cherche à jouer collectif, où s’il essaye de se tirer d’affaire. Je pense que Nico essayait de s’en sortir en prenant des shoots qu’il ne prend pas habituellement, il pensait plus à lui dans des situations où il a plutôt l’habitude de chercher ses coéquipiers. Je lui ai simplement dit que ça ne lui ressemblait pas. »
En réalité, ce n’était pas l’attitude offensive de Batum qui posait problème à Williams. Du moins, pas directement. Il sait pertinemment que Batum a encore des progrès à faire dans ce secteur. La véritable raison de la colère de Williams, était de voir que l’intérêt récent de Batum pour l’attaque, avait tendance à exercer un effet néfaste sur sa défense.
« Je lui ai dit, tu peux essayer de faire comme si tu pouvais jouer en attaque comme tu le fais en défense, mais tu ne peux pas, » à continué Williams. « Je lui ai dis, les gars ne te font pas de cadeau. Je n’ai pas cité ces joueurs, car je ne voulais pas le mettre dans une position délicate, mais il y certains de nos gars qu’ils l’ont vraiment allumé lors des dernières rencontres, et je pense qu’il a vraiment mal joué en défense. Je ne parle pas d’une défense moyenne, je lui ai dit qu’elle était nulle. J’ai ajouté qu’il pouvait s’asseoir, et écouter tous ceux qui l’acclament, et qui disent qu’il est comme-ci ou comme ça, qu’il est long et athlétique. Je me disais un truc du genre, je sais très bien ce que je suis en train de voir, et ça ressemble à un gars qui fait tout pour se tirer d’affaire. »
« Tu es la 5eme option en attaque »
Mais la discussion ne s’est pas arrêtée là. Monty Williams a continué son sermon en rappelant à Batum que rien n’était jamais acquis.
« Tu es la cinquième option dans le cinq de départ, n’oublie jamais ça. Brandon (Roy), LA (Algridge), Dre (Miller) et Marcus (Camby), sont des gars qui vont régulièrement se charger d’emmener le ballon jusqu’au panier, et si tu ne peux pas t’y faire, ton jeu va en prendre un coup. »
En fait, ce qui inquiète Williams, c’est que Batum se relâche en défense, et se concentre désormais sur l’attaque, en pensant que ses qualités défensives seront toujours là. Il pense que, si Batum continue de faire du bon travail défensif, la récompense viendra naturellement en attaque. Pour lui, Batum a pris le problème à l’envers, et il s’est concentré sur l’attaque en espérant que sa défense suivrait quoi qu’il arrive.
« Je lui ai dit, si tu défends, l’attaque viendra naturellement. Si tu défends bien, tu obtiendras une ou deux occasions de marquer des paniers faciles. Si tu défends bien, cela signifie que Brandon ne se fatiguera pas face au meilleur gars de l’équipe adverse. Il subira de nombreuses prises à deux, et si tu es plus longtemps sur le terrain, tu vas avoir des occasions de shoots. »
Une déclaration qui prouve à quel point, dans n’importe quelle équipe, on cherche avant tout à protéger son franchise player, et on pousse les autres à jouer pour lui.
L’importance de se dire les choses en face
Williams a confiance dans les capacités offensives de Batum, et il sait pertinemment qu’il a le potentiel de devenir une force offensive. Il ne pensait simplement pas que Batum y viendrait si rapidement, et d’après lui, il n’était pas prêt pour cela.
« Ce qui me contrarie, c’est que j’aurais dû lui parler plus tôt. Mes recommandations l’ont touchées, et c’est normal, » a poursuivi Williams. « Beaucoup de joueurs vous disent qu’ils veulent entendre la vérité. Ils disent toujours ‘Dites moi la vérité coach’. Vous leur dites, puis ils courent se cacher, ou deviennent fous et ne veulent plus vous parler pendant un moment. C’est juste le genre de conversation que vous ne voulez pas avoir en tant que coach, mais si vous ne le faites pas, vous savez que vous entraînez le joueur dans une mauvaise voie. »
Mais Nicolas Batum n’est pas du genre à se cacher.Il est à l’écoute de ceux qui peuvent l’aider à progresser, et il sait qu’il doit tenir compte des propos de Monty Williams, car ses conseils pourraient lui être d’une aide précieuse. C’est la preuve que Batum est un joueur intelligent, et ses déclarations qui ont suivi confirment que, du haut de ses 21 ans, il fait déjà preuve d’une grande maturité.
« Après ces deux matchs, j’ai essayé de jouer d’abord pour l’attaque. J’ai essayé de marquer des points, avant de défendre. C’est pour ça que je n’ai pas été bon lors de ces matchs, notamment face à Golden State. Après ce match, coach Mont m’a pris à part et m’a dit, j’ai à te parler. Il m’a presque crié dessus. Il m’a dit que je ne devais pas m’écarter de mon rôle premier. Que nous avions suffisamment de gars capables de marquer, et que si je défendais bien, je resterais sur le terrain. »
Dans les trois jours qui ont suivi sa discussion avec Williams, Batum et les Blazers recevaient Toronto, et Nico s’est retrouvé à devoir défendre sur Hedo Turkoglu. L’an passé, lorsqu’il évoluait encore à Orlando, le turc avait planté 35 points face au frenchie. Mais cette fois-ci, ce fut le français qui sortit vainqueur de ce duel, avec notamment 22 points (et 7 sur 9 aux shoots, dont un 5 sur 6 à 3 points). Plus important encore, Batum a su prouver à son coach que sa défense était toujours là, limitant Turkoglu à 14 petits points (plus 5 fautes et 4 ballons perdus).
« Mon style de jeu n’est pas de jouer le un contre un, » a dit Batum après le match. « Je n’ai jamais été comme ça. J’essaye juste de laisser le jeu venir à moi. J’ai toujours joué comme ça lorsque j’étais en France. Je laisse le jeu venir à moi, et j’essaye d’obtenir quelques opportunités. Contre Toronto, j’ai inscrit 22 points, mais il n’y a pas eu de système mis en place pour moi. Quand j’ai marqué 31 points, c’était pareil. Aucun système pour moi. »
Malheureusement, cela ne risque pas de changer cette saison. Avec la majorité des « tickets shoots » laissés à Roy, Aldridge et Miller, Batum sera toujours, du moins cette saison, la quatrième, voire cinquième option offensive de l’équipe. D’après Williams, Batum le sait, et doit faire avec.
Batum a-t-il l’étiquette d’un défenseur ?
A Portland, on demande particulièrement à chaque joueur de connaître son rôle sur le bout des doigts. En tant que membre de l’effectif, les joueurs doivent connaître leurs atouts, leurs faiblesses, leurs limites, et leur place dans l’équipe. Batum a manifestement oublié quel était son rôle pendant quelques matchs, mais après sa conversation avec Williams, il s’est parfaitement rappelé de ce qu’on attendait de lui.
« Je dois m’adapter, sentir le jeu, et me contenter de saisir quelques opportunités d’aller en contre-attaque ou de prendre un shoot ouvert, » a conclu Batum. « Quand je peux aller au panier, j’y vais. C’est tout. »
On peut comprendre que ce genre de rappel à l’ordre puisse entraîner pas mal de frustration chez un joueur. Cela prouve à quel point il est difficile en NBA, comme partout ailleurs, de se débarrasser d’une étiquette qu’on vous a collée dès vos premiers pas sur le terrain. Batum a la réputation d’être un bon défenseur depuis son arrivée en NBA, et même s’il nous a prouvé qu’il était capable d’apporter sa pierre à l’édifice en attaque, ce n’est pas ce que les dirigeants de Portland attendent de lui. En tout cas, pas pour l’instant.
Depuis sa discussion avec Williams, Batum joue un peu plus (4 minutes de plus que son temps de jeu moyen sur la saison), il n’a pris que 6.8 shoots en moyenne par match, et tourne depuis à 53.6% aux shoots, et 42.3% à 3 points. Soit à quelques dixièmes près, le même pourcentage que celui qui est le sien depuis le début de la saison.
Mais n’oublions pas que Batum est encore très jeune (il aura 22 ans en décembre prochain), ce qui lui laisse encore beaucoup de temps pour percer. Mais pour cela, il faut jouer, engranger des minutes afin de toucher du ballon et de prendre confiance.
Dans le cas de Batum, si c’est la défense qui lui permet de passer entre 20 et 30 minutes sur le terrain chaque soir, alors il doit se donner à fond dans ce domaine, et comme le dit Williams : « le reste viendra naturellement. » En tout cas, c’est tout le mal qu’on lui souhaite.