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« Little Big Fred », ou les dessous du flop de Fred Weis à New York

NBA – Pour bien comprendre le rendez-vous manqué de Fred Weis avec la NBA, il faut se plonger dans le documentaire Little Big Fred (Canal+ Sport). Un contexte loin d'être évident…

little big fred

Quand il est sélectionné en 15e choix de la Draft NBA en 1999, Frédéric Weis est à des années lumière de l'univers américain de la Grande Ligue. Le pivot du CSP Limoges est avec l'Equipe de France qui va jouer un quart de finale de Championnat d'Europe très attendu (face à la Turquie à Bercy), car qualificatif aux prochains Jeux olympiques de Sydney. L'objectif avoué des Bleus pour cet Euro à domicile.

Drafté après Jean-Claude Lefèbvre (1960) et le duo Oliver Saint-Jean – futur Tariq Abdul-Wahad – et Alain Digbeu (1997), le pivot limougeaud est alors le grand espoir du basket français. Surtout, il est tout simplement le premier Français formé en France qui est sélectionné au premier tour d'une Draft NBA, une sacrée gageure. Surtout à l'époque.

Tel Christophe Colomb…

“C'était Christophe Colomb”, narre son coéquipier de l'époque, le meneur Stéphane Dumas, dans le documentaire de Canal + intitulé “Little Big Fred”, et signé Clément Repellin. “Ce n'est pas comme aujourd'hui où il y a quatre vols par jour pour New York. Il partait à la conquête des Etats-Unis entre guillemets. C'était quelque chose d'exceptionnel.”

Mais, hué (gratuitement) par les fans des Knicks, lors de l'annonce de sa sélection par le commissionnaire David Stern, le rêve américain du pivot tricolore prend un coup de froid direct. Et Weis n'est pas au bout de ses peines avec le public new-yorkais.

“Les fans des Knicks l'ont hué [à la Draft]. Parce qu'il était français et que personne ne le connaissait”, raconte Frank Catapano, son agent américain. “Les Knicks pensaient que Fred avait beaucoup de qualités. C'était un bon athlète pour sa taille, c'était un bon contreur. Ils l'avaient scouté de près.”

Choisi à la place de Ron Artest, le local de l'étape

Problème. Et de taille. C'est que les Knicks ont fait un choix osé, un pari très risqué, en allant chercher un pivot français méconnu… alors qu'un ailier brut de décoffrage grandissait sous leurs yeux, dans leur jardin, à St Johns.

“Il y avait une hostilité générale [envers lui] d'emblée, parce que toute la ville de New York voulait que les Knicks draftent Ron Artest, qui jouait à St Johns”, précise Fred Kerber, journaliste du New York Post pendant 28 ans (et 48 au total dans les médias new yorkais). “Un gars du quartier, né dans le Queens, qui jouait à St Johns. C'était le joueur que tout le monde voulait.”

Pour Weis, c'est le début du chaos. Une suite de quiproquos et d'incompréhensions, qui va le mener droit dans le mur de la Grosse Pomme.

“Tu te dis, mais qu'est-ce qu'ils ont fait les Knicks ? Ils ont pris un gars que personne ne connaît. Alors qu'ils avaient un joueur new yorkais juste à côté, qu'ils auraient pu prendre. Dès le début, les fans sont très mitigés. Et ça va être encore pire après…”

Alors même que la ligue d'été à laquelle il doit participer en 2000, la Shaw's Pro Summer League, était justement censée lui permettre de s'acclimater tranquillement à l'univers américain, les Knicks l'envoient carrément au casse-pipe. Avec un entraîneur en chef, Jeff Van Gundy, qui ne fait rien pour faciliter la tâche de son rookie de Paris, moquant son anglais balbutiant et se faisant un malin plaisir de parler jargon et langage de rue à un Weis évidemment largué.

“On aurait probablement dû lui laisser plus de temps”

“A l'époque, être drafté en NBA, ce n'est pas pareil que maintenant. A l'époque, ça n'arrivait à personne. Je me retrouve dans la franchise des New York Knicks. Des mecs dont j'avais les posters dans ma chambre. C'est quelque chose d'inimaginable. Je me dit que je ne suis jamais à ce niveau-là ! En plus, j'arrive cramé, car je venais de me faire opérer du dos. Donc, [la ligue d'été] est une sorte de tournée et là, tu as match tous les jours face à des mecs qui sont morts de faim et qui rêvent d'avoir un contrat. Wow ! Franchement, j'étais ‘lost in translation'… Vraiment.”

Hors de forme à cause d'une opération au dos qui l'a immobilisé plus de six mois, Weis se prend également le mur du son NBA en pleine poire. Dans une ligue où chacun joue pour sa pomme et où on pousse le ballon pour jouer la contre-attaque aussi souvent que possible, le géant lorrain se fait tout simplement humilier en place publique.

“Quand on le regardait jouer, il n'était pas du tout affûté, il commettait beaucoup de fautes. Et ça, c'est un premier choix de Draft des Knicks ! Beaucoup de gens l'ont critiqué très durement”, reprend Kerber. “Après son premier match, si je ne dis pas de bêtise, le NY Post a fait sa Une en titrant ‘French Toast'. En temps normal, un match de Summer League ne fait jamais la Une du Post. Je ne regrette pas ce que j'ai dit sur lui, mais pour être tout à fait juste avec lui, avec le recul, on aurait probablement dû lui laisser plus de temps. On aurait certainement pu lui laisser un peu plus de marge d'erreur.”

Dégoûté en ligue d'été

De fait, et si Weis a effectivement fait de tout petits matchs sur ses premières sorties avec son n°50 des Knicks sur ses frêles épaules, dont un match à 2 points, 2 rebonds et 5 fautes en 17 minutes pour sa première, ce qui lui vaudra cette fameuse Une du Post, l'international tricolore a tout de même pu montrer son talent sur son dernier match contre les Celtics…

“On m'a reproché de ne pas avoir été assez dur pour jouer en NBA. D'avoir été drafté sur un potentiel, mais qu'ils ne voient plus. [Les médias] m'ont mis plus bas que terre en fait ! Jusqu'à ce que je fasse mon dernier match, face à Boston, où ça se passe bien et je finis en double – double. Et là, les gars commencent à se dire que finalement, ce n'est pas si mal que ça…”

Malgré son image pas qu'un peu écornée par les incisifs médias new yorkais, dont c'est la nature, Fred Weis restait dans les petits papiers des Knicks. Selon son agent de l'époque, le pivot aurait pu (voire dû) persévérer et signer son contrat de 3 ans pour avoir le temps de s'adapter, et prouver qu'il n'était pas qu'un potentiel inexploité.

“Ils ne lui ont même pas laisser sa chance au final”

“Il n'était pas habitué à la vitesse de tous ces joueurs. Et, en ligue d'été, c'est encore pire. Les joueurs sont petits et rapides, ils couraient dans tous les sens à toute vitesse. [Les médias] se sont basés sur un tout petit échantillon, sur très peu d'informations. Ils ne lui ont même pas laisser sa chance au final. Les Knicks lui ont tout de même proposé un contrat après la ligue d'été. C'était 700 000 dollars la première année, puis 1 million puis 1,2 millions de dollars les deux années suivantes. Mais, après son expérience en ligue d'été, il s'est peut-être rendu compte qu'il n'avait pas autant envie que ça de jouer [à New York].”

A sa décharge, il faut dire que Weis n'a clairement pas été mis dans les meilleures conditions pour performer lors de ses premiers pas américains. Ni par sa nouvelle franchise, ni par son propre camp…

“La NBA, ça se prépare. On n'y va pas comme ça. D'ailleurs, les jeunes d'aujourd'hui s'y préparent, avec des coachs, des préparateurs physiques”, souligne a posteriori Jean-Pierre de Vincenzi, le sélectionneur des Bleus à l'époque. “Je pense que Fred n'a pas connu ça et ça lui a été préjudiciable.”

De même, le contexte new yorkais ne pouvait qu'être toxique pour Weis, attendu comme un possible héritier de Patrick Ewing, le All Star local, chez des Knicks qui venaient tout juste de réaliser un run incroyable de la 8e et dernière place qualificative en playoffs jusqu'aux Finales NBA (perdues face aux Spurs de David Robinson et Tim Duncan). “Ils cherchent un successeur [à Patrick Ewing] et Fred, il arrive là-dedans, il en prend plein la tronche !”, souffle son coéquipier dans la raquette des Bleus, Cyril Julian.

Et s'il avait atterri dans l'Utah…

Dans la série des “what if”, Weis aurait aussi pu connaître un tout autre destin NBA. Si les voies de la Draft l'avait amené à Utah, où un autre pivot français brillera plus tard, il aurait pu trouver un environnement bien plus favorable à sa personnalité, et sa progression. Une carrière NBA se joue souvent à peu de choses…

“A un ou deux choix près [quatre en vérité, ndlr, le Jazz avait le 19e choix], j'aurais pu tomber dans l'Utah. Et peut-être que j'aurais pu faire une carrière NBA. Parce que Utah, c'est un petit marché et ça correspondait probablement plus à qui j'étais. Que New York, la ville qui ne dort jamais. Moi, je viens de la campagne. Je suis un garçon qui vient de Kœnigsmacker, un petit village de 1 000 habitants…”

Pas franchement accueilli à bras ouverts par la franchise qui l'a pourtant choisi, échaudé par le mécontentement grandissant de fans exigeants autour d'une équipe qui sortait d'une Finale, et lui-même un peu appréhensif d'une nouvelle vie dans un cadre radicalement différent du cocon limougeaud, Weis n'a semble-t-il pas réussi à passer le cap. Ni mentalement, ni physiquement.

“Peut-être aussi que le basket européen, c'était juste plus rassurant pour moi”

“Après ça, toute l'affaire s'est rapidement refroidie. Je n'ai plus parlé à Frédéric du tout…”, regrette son agent américain de l'époque. “S'il était resté [à New York], il aurait joué en NBA. Avec quel succès ? Je l'ignore. Parce qu'il manquait visiblement de l'intensité qu'il faut pour y jouer. Sinon, il aurait essayé.”

En contact avec l'Olympiakos et quelques autres grandes maisons du basket européen à ce moment-là, Fred Weis prendra donc le contrepied de la NBA en s'exilant en Grèce, au PAOK Salonique. Avant de basculer vers l'Espagne et Malaga pour ce qui sera le prochain chapitre de sa carrière. Tournant définitivement le dos à la Grande Ligue.

“Il y a eu des incompréhensions avec New York. On n'a pas fait ce qui fallait, mais ça, des deux côtés”, conclut Weis. “Mais peut-être aussi que le basket européen, c'était juste plus rassurant pour moi.”

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